Mise à l'épreuve du modèle Sirois

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On est loin des idées de Jean Garon pour l'agriculture québécoise

Comment se porte l'agriculture au SaguenayLac-Saint-Jean 38 ans après la grande réforme opérée par Jean Garon avec sa Loi sur la protection du territoire agricole adoptée par le premier gouvernement Lévesque?
À l'instar des autres secteurs économiques, elle subit une mutation majeure. Les fermes familiales résistent mal aux bouleversements de l'industrie agroalimentaire. Plusieurs sont avalées par de grandes organisations. La relève est généralement disponible, mais si elle n'hérite pas du patrimoine familial, le financement devient un obstacle majeur. La vente de quotas de lait et de fermes rentables à des intérêts étrangers, c'est souvent la seule façon pour les propriétaires d'une exploitation agricole de bénéficier d'un revenu décent lorsque l'heure de la retraite a sonné.
Agriculteurs-entrepreneurs
L'avènement de banquiers dans la production agricole provoque un immense bouleversement. Le mouvement fut d'abord amorcé par la Banque Nationale. Les fermiers et leurs représentants ont manifesté beaucoup de méfiance lorsque la nouvelle s'est répandue. Ils y percevaient une stratégie d'obscurs spéculateurs obsédés par l'appât de gains faciles obtenus dans le chassé-croisé de transactions opportunes faites en évitant toute participation à la production. Un peu comme le déplorent les principaux acteurs de l'industrie occidentale de l'aluminium.
Mais l'entrée en scène du Chicoutimien d'origine Charles Sirois, qui est notamment fondateur de Télésystème et président de la CIBC, pourrait conduire à la conception d'un nouveau modèle d'exploitation agricole. Le milliardaire a établi dans cette perspective la société Pangea dont il a confié la gérance à l'agriculteur Serge Fortin, l'un de ses hommes de confiance qui exploite une ferme à L'Assomption.
Le tandem Sirois-Fortin veut s'insérer dans la chaîne alimentaire mondiale qui sera puissamment sollicitée par l'accroissement de la population et l'augmentation du revenu individuel au cours des prochaines décennies. Comme des raisons financières empêchent la nouvelle génération de répondre à cette demande accrue, Pangea propose aux agriculteurs partenaires 51% des actions .
Depuis son lancement en 2012, ce nouveau modèle de fermiers-entrepreneurs a généré quatre PME au Lac-Saint-Jean et deux autres en Estrie et dans Lanaudière. Il planifie l'exploitation d'un espace au moins quatre fois plus grand que celui de la ferme traditionnelle. L'UPA demeure réticente. Elle préfère toujours les fermes familiales et redoute une poussée inflationniste dans ce secteur économique. Un résultat positif de l'expérience Pangea pourrait évidemment modifier son attitude.
Entre temps, Yvon Simard et Daniel Côté, qui dirigent respectivement l'UPA d'ici et le regroupement régional des producteurs laitiers, manifestent leur confiance malgré de constants soubresauts, dont la perte de quotas de lait. Mais comme les fermes prennent de l'embonpoint, le SaguenayLac-Saint-Jean et la Côte-Nord, qui ne forment qu'une seule région administrative, ont légèrement augmenté leur production depuis la dernière décennie.
La distribution
Les inquiétudes sont cependant nombreuses comme les effets pressentis de l'accord de libre-échange Canada-Union européenne sur le marché des fromages fins et l'augmentation des frais d'exploitation. Quand ils ont exposé récemment au premier ministre Philippe Couillard les problèmes spécifiques de l'agriculture en région nordique, les dirigeants de nos producteurs agricoles ont insisté pour que l'État accorde à tous les agriculteurs du Québec les mêmes possibilités d'un revenu décent.
Le monde agricole régional demeure optimiste quand il considère que malgré tous les changements, le nombre d'emplois ne varie guère dans le secteur bioalimentaire. Il atteint 15 900 personnes dont 2400 sont reliées à la production agricole et 1200 à la transformation. Pour prévenir le surplace, il faut mettre l'accent sur la recherche et soutenir l'entrepreneuriat.
Jean Garon, l'auteur de la législation sur la protection du territoire agricole, ajouterait sans doute la nécessité de récupérer le réseau de distribution qui obéit à de nouvelles orientations depuis que Québec a autorisé la Caisse de dépôt à céder Provigo à des intérêts ontariens.


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