L'État québécois a perdu la notion des valeurs. L'accessoire est devenu l'essentiel parmi ses priorités. Et il se laisse manipuler par les vendeurs d'images, ceux surtout du sport professionnel.
Le dernier exemple est particulièrement révoltant. Pendant qu'il met mille précautions pour aider financièrement les millionnaires du sport professionnel, il laisse le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ) détruire notre industrie des fromages fins.

La matraque du MAPAQ
Personne, évidemment, ne blâmera le ministre de l'Agriculture, Laurent Lessard, de mettre l'accent sur la protection de la santé publique. Mais, il devrait se montrer plus compréhensif quand son escadre d'intervention se comporte comme un commando et détruit simplement des denrées alimentaires sans procéder à une vérification de leur qualité.
Répondant à une alerte visant la listériose, une maladie infectieuse imputable à une bactérie, les inspecteurs du MAPAQ ont procédé, le 6 septembre 2008, à une opération musclée dans plusieurs petites fromageries et chez 150 détaillants. Ils ont détruit une énorme quantité de fromage acculant à la ruine plusieurs artisans.
Fromageries artisanales
Un mois après le raid, le gouvernement a offert 8,4 millions$ dans le cadre d'un plan d'action triennal prévoyant un prêt sans intérêt d'un an, pouvant atteindre 250 000$, et une campagne publicitaire de 300 000$ pour mousser la vente des fromages fins québécois.
La Fédération des producteurs de lait du Québec s'est montrée plus généreuse à l'endroit de 35 fromageries artisanales, que la crise avait poussées au bord du gouffre en leur accordant un secours direct variant entre 3000$ et 25 000$.
Aide insuffisante
Mais la nouvelle Association des fromagers-artisans du Québec juge ces mesures de réparation nettement insuffisantes.
«On a traîné des gens dans la boue, s'indignait son président Louis Arsenault, dans une conférence de presse donnée à Alma en présence de la députation péquiste régionale. On les a très bien identifiés et on les a accusés à tort d'avoir contaminé la moitié du Québec, concluait-il, outré.»
On comprend l'indignation des fromagers de chez nous quand on sait qu'ils figurent parmi l'élite nord-américaine de leur secteur.
Le hall d'accueil de La Fromagerie Perron, de Saint-Prime, est un véritable salon de la renommée, avec ses nombreux trophées et certificats d'excellence mérités à de multiples concours de la qualité.
La Fromagerie Boivin, à La Baie, fait aussi avantageusement réagir la presse nationale avec ses expériences dans le fjord et la popularité de son fromage en «crottes». Quant à L'Autre Versant, d'Hébertville, il brandit avec fierté son Curé Hébert qui a remporté les grands honneurs à l'une des compétitions annuelles de Warwick.
En nomination
Et nous apprenions, récemment, que les fromageries Lehman, d'Hébertville, et Blackburn, de Jonquière, seront finalistes au 6e Grand Prix des fromages canadiens, le 23 avril à Montréal.
Ils devraient donc mériter de l'autorité politique des félicitations et de l'aide plutôt que des coups de matraque. Le MAPAQ est si peu réceptif qu'il analyse même plus sévèrement les produits du Québec que les fromages au lait cru européens, comme l'a démontré une enquête menée par l'équipe radio-canadienne de «La Semaine verte».
Pendant ce temps, le même gouvernement subventionne indirectement le gargantuesque monde du sport professionnel en autorisant ses créatures, Hydro-Québec, la SAQ, la Caisse de dépôt et la SGF, à louer pour 10 millions$ des loges corporatives au Centre Bell.
Et ses émissaires se sont rendus à Londres, le printemps dernier, offrir 110 millions$ à Bernie Ecclestone, le milliardaire de la Formule 1, pour sauver le Grand Prix de Montréal!