Le ministre des Finances, Raymond Bachand, est satisfait de ce qu'il a entendu mardi durant les audiences de la commission parlementaire qui s'est donné le mandat d'expliquer les résultats désastreux de la Caisse de dépôt en 2008.
Dans le calme de son bureau, confortablement assis devant son téléviseur, il a été en mesure de constater que «plusieurs erreurs» avaient été commises à la Caisse et qu'«un certain nombre de réponses avaient été apportées» en commission.
Malgré les reproches de l'opposition, il n'est pas anormal dans notre système parlementaire qu'un ministre ne participe pas aux travaux d'une commission parlementaire, à moins qu'il ne s'agisse d'examiner un projet de loi qu'il a lui-même présenté. Contrairement aux simples députés, M. Bachand a le pouvoir de demander des comptes directement à la direction de la Caisse.
Il semble toutefois avoir du mal à comprendre qu'il est totalement responsable de ce qui s'y passe. C'est à lui de veiller sur les milliards que lui confient les contribuables, qui devront maintenant subir des hausses de tarifs ou de cotisations en raison de sa mauvaise performance.
Comme l'illustre magnifiquement le cas des Fonds d'intervention économique régionale (FIER), qui relèvent également de sa compétence, il attend que l'opposition découvre ce qui ne va pas avant d'agir, quitte à faire du rattrapage en créant un comité quand le mal est fait.
Tout le monde reconnaît que le gouvernement n'a pas à dicter ses choix de placement à la Caisse, mais il ne peut pas se laver les mains du dérapage spectaculaire qui a eu lieu. Après ce qu'on a entendu, il semble urgent que le sous-ministre des Finances retrouve sa place au conseil d'administration, de manière à informer le gouvernement de ce qui s'y passe, si son patron n'en prend pas l'initiative.
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Mardi, il était pour le moins inquiétant d'entendre l'éphémère successeur d'Henri-Paul Rousseau, Richard Guay, raconter comment les gestionnaires de la Caisse, tels des cow-boys fringants ne craignant aucun danger, faisaient «rouler les milliards» sous forme de papiers commerciaux adossés à des actifs (PCAA), sans avoir la moindre idée de ce qu'ils achetaient.
«L'analyse qu'on pouvait faire des PCAA était assez limitée», a-t-il reconnu. D'ailleurs, les banques refusaient de dévoiler les noms des compagnies sur lesquels ces titres s'appuyaient. Les gestionnaires ne faisaient pas davantage la différence entre les titres bancaires et non bancaires. Peu importe, il fallait que les milliards continuent à rouler.
Les cow-boys de la Caisse «n'entrevoyaient pas la possibilité significative que ça puisse arrêter», a poursuivi M. Guay. Pourquoi les gestionnaires des caisses concurrentes avaient-ils envisagé cette possibilité? Des pleutres, sans doute. Le 6 août 2007, M. Guay a enfin été informé qu'il y avait un problème avec les PCAA. Qu'à cela ne tienne, les braves de la Caisse en ont acheté pour 893 millions en trois jours.
Quand il s'était adressé à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, en mars dernier, Henri-Paul Rousseau avait expliqué que les gestionnaires des différents portefeuilles achetaient des PCAA de façon indépendante, jusqu'à ce que la Caisse découvre soudainement qu'elle possédait pour 13 milliards de titres invendables. Or, une petite équipe de quatre personnes gérait tout le PCAA de la Caisse, a dit M. Guay.
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Les anciens dirigeants qui ont défilé devant la commission sont toujours sur la liste de paie de la Caisse. Soucieux de ne rien dire d'embarrassant pour Michael Sabia, ils marchaient visiblement sur des oeufs. On s'était visiblement passé le mot d'envoyer le même message: les PCAA sont la cause de tous les maux. En réalité, cela n'explique qu'une petite partie des pertes. Qu'en est-il du reste? Entre la témérité excessive et l'incompétence, la ligne est parfois bien mince.
Contrairement aux prétentions du PQ, M. Guay ne croit pas que la loi adoptée en 2004 a fait augmenter le niveau de risque en fixant à la Caisse un objectif de «rendement optimal». Selon lui, c'est plutôt celle que le gouvernement Bouchard a fait adopter en 1997 qui a eu cet effet, en haussant de 40 % à 60 % la proportion d'actions que la Caisse peut détenir dans ses portefeuilles.
Certes, le marché des obligations est moins risqué, mais la hausse du plafond d'actions n'explique en rien pourquoi la Caisse a connu un plus mauvais rendement que ses concurrentes. À l'époque, c'était précisément pour être en mesure de lutter à armes égales qu'elle avait réclamé cette modification.
C'est à se demander si la dégringolade des marchés boursiers n'a pas déclenché un mouvement de panique à la Caisse l'automne dernier, quand on a décidé de vendre massivement des titres à perte pour diminuer le niveau de risque.
M. Guay a déclaré qu'il avait préféré se mettre au repos en pleine débâcle plutôt que de laisser la fatigue lui dicter de mauvaises décisions. Quand il a quitté son poste le 12 novembre 2008, moins de trois mois après sa nomination, son stress avait peut-être atteint un niveau dangereux depuis quelque temps déjà.
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mdavid@ledevoir.com
Les cow-boys fringants
Or, une petite équipe de quatre personnes gérait tout le PCAA de la Caisse, a dit M. Guay.
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