La connaissance des grands principes permet de trouver
en toutes circonstances les solutions qui conviennent
Sun Tsu
***
La stratégie d’État est gouvernée par 13 principes fondamentaux et par conséquent universels, parce que ces principes sont les mêmes pour tout le monde en tout temps et en tout lieu, quelles que soient les circonstances. Un principe n’est pas une théorie ni idéologie ni pensée philosophique ou savante. Un principe est présent dans la Réalité causale et le Réel relationnel, sauf qu’il est intangible. Il n’est pas abstrait mais intangible et il faut le voir pour agir avec efficacité sur le moment et prévoir en même temps le long terme.
Pour comprendre les principes de stratégie d’État, prenons un exemple courant déjà utilisé par le vieux Sun Tsu. Si je connais les principes de la couleur, dit Sun Tsu, je pourrai peindre des tableaux qui feront l’étonnement du monde pendant longtemps et ce qui est aussi important, je pourrai peindre et obtenir les effets voulus avec une économie maximale de temps et de moyens. Si je ne connais pas les principes, je devrai peindre au hasard ou lire un texte sur le sujet, texte qui peut m’aider mais sans me permettre d’aller aussi loin. Si je connais les principes de la cuisine, je pourrai préparer des plats savoureux avec une économie de moyens. De même si je connais les principes de la construction, de la mécanique, de la transmission du savoir et même de la guerre, car dans ce domaine comme dans tous les autres, la connaissance des grands principes permet d’atteindre ses objectifs sans destruction et toujours avec une économie de moyens.
Les principes de stratégie d’État sont sommairement expliqués au chapitre 9 de Géopolitique et avenir du Québec. Pour les besoins de la cause, voyons les deux principes dont il est question ici et qui nous concerne tous pendant cette campagne électorale.
Le 9e principe se rapporte à la sécurité. Pourquoi ce principe? Réponse : parce que la nature humaine est faible et instable et qu’en conséquence, lorsqu’on entreprend quelque chose de neuf, on risque de voir son projet même le plus légitime détruit par l’incompréhension, l’envie, l’ignorance, la petitesse, la bassesse, la malice, l’outrecuidance, l’esprit chagrin, la veulerie et la jalousie des autres, qui veulent nous arracher, notre bien, notre réputation et nos talents. Donc, dans ce cas, le 9e principe exige de prendre des précautions lorsqu’un projet d’envergure est planifié et organisé.
La première précaution à prendre, c’est de se taire devant des inconnus qui n’attendent qu’à profiter de notre faiblesse pour se donner le malin plaisir de nous voir échouer lamentablement. C’est ce qu’enseignent non seulement Sun Tsu mais aussi Machiavel et Richelieu. Apprendre à se taire, à ne faire aucun signe pour ne pas provoquer des réactions négatives et potentiellement dangereuses. Aux proches et aux intéressés. on propose la voie à suivre mais en évitant de tout dire pour ne pas se compromettre. Richelieu va encore plus loin. En face de ceux qui nous méprisent, nous détestent, nous attendent dans le détour pour nous faire échouer, il faut ne jamais montrer le moindre énervement ni leur envoyer le moindre signe que nous sommes en colère. C’est la meilleure manière de réussir et plus tard, de les placer froidement devant le fait accompli.
Prenez la présente campagne électorale. On reproche à Madame Marois d’avoir « renvoyé le projet d’indépendance du Québec aux oubliettes », alors qu’elle ne fait que mettre en pratique le 9e principe. Elle sait que si elle aborde cette question épineuse, sans que personne qui possède les compétences nécessaires ne soit autour d’elle pour la soutenir, elle risque de semer la confusion, le désordre et même le chaos, ce qui va avoir pour effet de faire régresser l’indépendance du Québec pendant plusieurs décennies.
Nous savons tous que les grands gouvernements centraux et les grandes sociétés pyramidales sont appelés à tomber comme autrefois les anciennes pyramides et les anciens empires, avec l’arrivée de communications nouvelles. Nous savons maintenant qu’au moins sept provinces canadiennes sont à couteaux tirés contre Ottawa et que la situation va s’envenimer. La seule solution pour le Québec et les autres provinces, c’est de saborder et liquider Ottawa. Rien de moins. Les provinces ont atteint la stature de véritables États naturels et optimaux. Un État optimal est celui qui est apte et capable de mettre les grands principes en pratique, ce que ne peut faire un État trop lourd et entraîné vers le bas par la force de sa propre inertie. Cela se voit aux États-Unis, alors que 31 états au moins tendent vers le statut d’État avec la majuscule, parce que l’État optimal est plus proche des gens et des réalités que les bureaucraties lointaines et coupées du Réel. Ce n’est ni du « séparatisme » ni une révolution ou une rébellion et encore moins un coup d’État : c’est la nécessité qui n’a pas de loi et la nécessité qui n’a pas de loi a des principes, les treize principes de stratégie d’État que nous devons apprendre à maîtriser.
Les années qui s’annoncent vont être sombres et Madame Marois n’a rien à gagner à spéculer d’avance sur l’avenir alors que l’avenir est chargé d’incertitudes. Les journaux n’en parlent guère parce que les journaux sont publiés pour les gens peu doués qui ne peuvent tolérer l’incertitude, alors le journal leur donne des « certitudes » et ces morons satisfaits, que nous appelons des « petites natures » vont acheter le même journal qui leur montre ce qu’ils veulent voir. En effet, les esprits faibles sont légion et il y a beaucoup de gens à qui on ne peut dire que ce qu’ils veulent entendre et faire voir que ce qu’ils veulent voir. C’est ce qui explique en partant la nécessaire utilité du principe de sécurité.
Madame Marois est assez intelligente pour savoir que l’indépendance non seulement du Québec mais aussi d’autres provinces et d’états américains s’en vient par nécessité et comme il s’agit d’un sujet explosif, elle serait mal avisée de le soulever sur les tribunes actuelles. Mieux vaut pour elle se préparer à prendre charge de l’État du Québec et à le conduire vers son destin qui est celui d’un État nation avec pleins pouvoirs. Elle le jugement et la force de caractère pour le faire.
Quant aux militants, y compris les militants de la première heure dont je fais partie, il nous reste qu’à suivre les péripéties qui vont se présenter telles qu’elles vont se présenter. C’est alors que nous devrons apprendre à mettre en pratique les 11 autres principes universaux qui gouvernent toute stratégie d’État, en commençant par le premier, lequel s’énonce comme suit : Appréciation rigoureuse, correcte, objective et compétente du contexte. Comme Rome ne s’est pas fait en jour, nous avons le temps d’y revenir.
Le 10e principe qui suit logiquement le 9e est le principe de surprise. Comment surprendre l’adversaire en stratégie d’État? Simplement en mettant soigneusement en pratique le principe de sécurité de manière à conduire le projet vers sa réalisation. Ensuite, il s’agira de placer convenablement l’adversaire devant le fait accompli, de sorte qu’il ou elle ne pourra plus s’y opposer. « T’es contre mon projet? Eh bien c’est FAIT ». L’adversaire devra obtempérer et s’adapter.
À suivre….
JRMS
Les 9e et 10e principes
On reproche à Madame Marois d’avoir « renvoyé le projet d’indépendance du Québec aux oubliettes », alors qu’elle ne fait que mettre en pratique le 9e principe.
Tribune libre 2008
René Marcel Sauvé217 articles
J. René Marcel Sauvé, géographe spécialisé en géopolitique et en polémologie, a fait ses études de base à l’institut de géographie de l’Université de Montréal. En même temps, il entreprit dans l’armée canadienne une carrière de 28 ans qui le conduisit en E...
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J. René Marcel Sauvé, géographe spécialisé en géopolitique et en polémologie, a fait ses études de base à l’institut de géographie de l’Université de Montréal. En même temps, il entreprit dans l’armée canadienne une carrière de 28 ans qui le conduisit en Europe, en Afrique occidentale et au Moyen-Orient. Poursuivant études et carrière, il s’inscrivit au département d’histoire de l’Université de Londres et fit des études au Collège Métropolitain de Saint-Albans. Il fréquenta aussi l’Université de Vienne et le Geschwitzer Scholl Institut Für Politische Wissenschaft à Munich. Il est l'auteur de [{Géopolitique et avenir du Québec et Québec, carrefour des empires}->http://www.quebeclibre.net/spip.php?article248].
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3 commentaires
Archives de Vigile Répondre
2 décembre 2008Monsieur Mathieu,
Nous n'avons pas encore exploré les autres principes, ce que
nous allons faire pendant les semaines et les mois qui
viennent. Il est temps pour nous de savoir à quoi nous en
tenir avec la stratégie d'État. Ce n'est pas de la magie,
loin de là, ni des formules toutes faites ni des programmes
tracés d'avance. Chaque contexte et chaque situation doivent
être rigoureusement appréciés à leur mérite, afin de trouver
comme dit Sun Tsu, les solutions qui conviennent, Personne
n'est piégé d'avance dans un système ou dans des solutions
toutes faites. Les principes sont la condition sine qua non
pour agir avec efficacité, effectivité et en toute liberté.
Très exigeants comme vous voyez. Nous allons poursuivre.
Quelle est votre appréciation du contexte et de la situation
qui ont conduit le Parlement d'Ottawa à vivre un véritable
coup d'État, sans effusion de sang? Ceci est autrement plus
fort, chargé de potentiel et efficace à court et à long
terme que l'agitation dont vous me parlez.
Les principes permettent en partant de discerner entre
agir et s'agiter.
Selon mon appréciation, il va y avoir d'autres coups d'État
à Ottawa et probablement à Québec après l'élection qui s'en
vient. Que chacun et chacune vote selon sa conscience
profonde et que personne ne se laisse manipuler par
la propagande à gros sous. Vous verrez ce qui arrivera.
JRMS
Archives de Vigile Répondre
2 décembre 2008Monsieur Sauvé,
Dans la même veine que cet article, que pensez-vous de la publication du Manifeste du RRQ à l’effet que la dite organisation se déclare une organisation révolutionnaire et pro-felquiste, en pleine campagne électorale québécoise, le 11 octobre dernier ?
Nous vivons une période politiquement et économiquement très troublée : élections fédérales et provinciales, gouvernements minoritaires, chute appréhendée du gouvernement conservateur, putsch des partis d’opposition incluant le Bloc Québécois, crise économique aux USA, récession en Amérique du Nord, etc.
Pendant ce temps-là, le RRQ se lance ouvertement dans la sédition (il déclare, dans le Manifeste, qu’il ne respecte plus aucune loi fédérale) et fait la promotion de l’activisme politique illégal (graffiti, vandalisme, vols de drapeau, etc.), pensez-vous que cela respecte vos 9ème et 10ème principes permanents de l’action : la sécurité et la surprise.
La première précaution à prendre, c’est de se taire devant des inconnus qui n’attendent qu’à profiter de notre faiblesse pour se donner le malin plaisir de nous voir échouer lamentablement. N’ont-ils pas, par la publication du Manifeste, télégraphié leurs intentions à Ottawa ?
Le RRQ n’aurait-il pas dû plutôt se bâtir comme organisation d’agitation et de propagande, comme organisation d’agitateurs professionnels, former des cadres, se structurer, développer une capacité à mobiliser, rassembler des appuis logistiques, etc. ? Et garder pour lui ses options ouvertes pour l’avenir ?
Autrement, le jour où certains des jeunes militants du RRQ, excédés, passeront à l’action violente directe de façon incontrôlée et anarchique, ne pensez-vous pas que cela permettra de "justifier une intervention policière de grande envergure, à moins qu’il ne s’agisse d’une intervention armée".
Rhéal Mathieu.
Archives de Vigile Répondre
29 novembre 2008Les plus beaux exemples que je connais de l'application du principe 9 et qui a menné au principe 10 sont Gorbachev et Putin.
Je ne le vois pas du tout chez Marois. Elle a été dans les cercles du pouvoir pendant près de 30 ans. L'Union Soviétique a eu le temps de préparer puis exécutter sa chute puis se relever pendant ce temps.