Le vent adéquiste a soufflé

L'ADQ de Mario Dumont formera l'opposition officielle

Québec 2007 - Résultats et conséquences


La soirée électorale fut aussi haletante que ce qui avait été annoncé: un gouvernement minoritaire libéral, une Action démocratique formant l’opposition officielle et plus forte, en nombre de sièges, que ce que les derniers sondages avaient prévu ainsi qu’un Parti québécois glissant au troisième rang.
«J’espère que [le scrutin d’hier] marquera un point tournant pour la société québécoise. J’espère que c’est une nouvelle ère pour la politique québécoise qui débute aujourd’hui», avait affirmé le chef adéquiste Mario Dumont hier, après avoir déposé son bulletin de vote dans l’urne. Il ne croyait sûrement pas si bien dire.
Au moment de mettre sous presse, le PLQ se retrouvait avec 48 sièges, l’ADQ 41 et le PQ 36. Pourtant, en pourcentages des voix exprimées, les trois principaux partis se distinguaient beaucoup moins: 33 % pour le PLQ, 31 % pour l’ADQ et 28 % pour le PQ.
La soirée a été particulièrement difficile pour Jean Charest, sérieusement menacé par le péquiste Claude Forgues dans Sherbrooke, au point où celui-ci a pendant quelque temps été déclaré gagnant. M. Charest devait finalement l’emporter par près de 700 voix
Le chef du PQ, André Boisclair, gagnant dans sa circonscription de Pointe-aux-Trembles, n’a pas fait allusion à son propre avenir dans son discours de fin de soirée, soulignant plutôt que «quelques sièges nous séparent du pouvoir, quelques milliers de voix», et promettant une opposition efficace. Il a aussi souligné la nécessité de garder allumée la flamme souverainiste et son «amour pour notre patrie» pendant que ses militants scandaient: «Le Québec, un pays!»
Performance éclatante
Dans son discours, hier soir, Mario Dumont, qui se trouvait dans sa circonscription de Rivière-du-Loup, a désigné les Québécois comme les grands gagnants de la campagne. «Partout sur le territoire du Québec, les citoyens se sont levés [...]. Partout, les autonomistes ont envoyé un message politique fort, un message de changement. C’est un cri du cœur qui résonne de partout ce soir.»
Il a souligné la «volonté de modernisation du modèle québécois», qui marque l’entrée du Québec, sur le plan politique, dans le XXIe siècle, une «étape historique», avant de rappeler ses thèmes chers: famille, classe moyenne et personnes âgées, qui auront droit aux premières attentions de la nouvelle opposition.
Les derniers sondages prévoyaient un maximum de 39 sièges pour l’ADQ. C’est dire à quel point la performance du parti de Mario Dumont était éclatante, notamment dans la région de Québec, ce qui était attendu, et dans Lanaudière, ce qui ne l’était pas. La percée de l’ADQ se mesurait parfaitement bien dans le symbole de cette soirée: la candidate adéquiste Lucille Méthé a remporté la circonscription baromètre de Saint-Jean.
Dans Lévis, le président de la chambre de commerce locale, l’adéquiste Christian Lévesque, supplantait sans peine la ministre libérale Carole Théberge et l’ex-ministre péquiste Linda Goupil. Dans Chauveau, l’autre homme fort de l’ADQ, Gilles Taillon, a lui aussi été facilement élu, un gain sur le Parti libéral. Les circonscriptions basculant dans le camp adéquiste se sont succédé, gains parfois prévisibles, comme cette victoire dans Blainville, où le député péquiste sortant Richard Legendre a été battu, et d’autres surprenants, comme dans les circonscriptions traditionnellement péquistes de Joliette et de Terrebonne.
«Rarement, dans l’histoire des élections récentes, les électeurs, les citoyens, auront eu le sentiment que leur vote pouvait avoir autant de poids, que chaque vote pouvait faire autant une différence», avait déclaré Mario Dumont hier matin, disant avoir voté avec beaucoup de fierté.
Vrai revirement
Ce scénario témoigne de tout un retournement. Il y a un an, l’ADQ ne pouvait compter que sur 11 % d’appuis (contre 18 % lors des élections de 2003), et les cinq sièges occupés par le parti à l’Assemblée nationale ne lui donnaient pas droit à une reconnaissance officielle puisqu’il faut 12 sièges pour se qualifier.
Les 45 sièges que le Parti québécois détenait au déclenchement des élections ne résistaient pas, eux, au tourbillon adéquiste. Seuls 36 sièges lui ont été acquis, dont un revirement dans Jonquière, jusque-là comté libéral, avec la victoire de Sylvain Gaudreault, ce jeune professeur que l’animateur Louis Champagne avait dénigré en raison de son orientation sexuelle. L’ex-journaliste Bernard Drainville, recrue-vedette, a aussi été élu dans Marie-Victorin, circonscription péquiste.
Des recrues-vedettes libérales ont aussi remporté leur siège. Ainsi, dans Chomedey, une forteresse libérale, le nouveau candidat du PLQ et ex-policier Guy Ouellette a succédé sans problème à l’ex-ministre contestataire Thomas Mulcair. Autre nouvelle candidate, l’ex-journaliste Christine St-Pierre l’a emporté dans Acadie. De même, le ministre Philippe Couillard, qui avait quitté sa confortable circonscription de Mont-Royal pour se présenter à Québec, dans Jean-Talon, a réussi à tenir le coup devant le vent adéquiste.
Par contre, des ministres ont mordu la poussière, comme Michel Després dans Jean-Lesage, où le siège a été remporté par l’ADQ.
Dans Mercier, Amir Khadir, un des deux porte-parole du parti Québec solidaire, a mené une chaude lutte au député péquiste Daniel Turp, qui a finalement été proclamé vainqueur. Françoise David, l’autre porte-parole du parti, a été battue, comme prévu, par Nicolas Girard du Parti québécois, mais elle est arrivée bonne deuxième. Le chef du Parti vert, Scott McKay, doit pour sa part se contenter de la quatrième place dans Bourget.
Au moment de mettre sous presse, ces deux partis récoltaient 8 % d’appuis. En 2003, tous les candidats indépendants ou représentant des partis autres que les trois principaux partis n’avaient obtenu que 2,6 % des votes.
Les chefs des cinq principaux partis s’étaient tous rendus aux urnes en matinée. Jean Charest a voté au bureau de scrutin de l’école Carillon, à Sherbrooke, même s’il n’en est pas un résidant; il y a droit de vote à la suite de changements récents à la Loi électorale, qui permet maintenant à tous les candidats de pouvoir voter dans la circonscription où ils se présentent lors d’un scrutin.
Le taux de participation s’est élevé à 70%, au même niveau qu’en 2003, alors qu’on avait enregistré le plus faible taux de l’histoire du Québec. À la dissolution de l’Assemblée nationale, le 21 février, le PLQ détenait 72 sièges, le PQ 45 et l’ADQ cinq. On comptait aussi un député siégeant comme indépendant et deux sièges étaient vacants.


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