Le problème de la culture dans cette campagne électorale, ce n'est pas que les partis n'en parlent pas. Cette campagne passe presque tout sous silence; hier, Le Devoir faisait état du dossier des fusions-défusions municipales, mais on pourrait y ajouter la pauvreté, les autochtones, l'accès à la justice, le monde du travail, alouette!
En fait, il est faux de dire qu'on n'en parle pas: des débats se tiennent un peu partout, mais ils ne sont pas au coeur des préoccupations des chefs, trop occupés à sortir clips et lapins.
Le problème de la culture réside plutôt dans les programmes électoraux, aussi pauvres que conservateurs dans leur façon de l'aborder. On s'en tient à de grands principes (faire de la culture une priorité, comme le dit le Parti québécois), on reprend ce qui existe déjà (lier l'école et la culture au PQ, mieux financer notre cinéma au Parti libéral), on ignore ce qui existe déjà (Québec solidaire veut «élaborer un projet de filet de sécurité sociale pour les artistes», pourtant déjà en place), on sombre dans les clichés (couper la bureaucratie pour donner aux créateurs, dit l'ADQ) ou on garde le silence (comme le font les verts).
En réaction, les différents lobbys de la culture réclament de l'attention sous forme d'espèces sonnantes et trébuchantes. Enfin, ils y mettent un peu plus de finesse, par exemple lorsque l'Union des artistes prône un plus fin maillage entre les artistes et l'école ou lorsque l'ADISQ s'inquiète de la restructuration du marché de la musique. Mais ce regard tourné vers demain n'a aucune résonance politique.
En rencontre éditoriale avec Le Devoir le mois dernier, la ministre libérale de la Culture, Line Beauchamp, avait pourtant tenu des propos rafraîchissants sur ses préoccupations profondes: que veut dire la culture pour la génération de l'ordinateur, ces ados qui créent des mondes parallèles du bout de leurs doigts? Comment appréhender les mutations technologiques et identitaires que cela implique?
On imagine sans peine des gens comme Daniel Turp et Pierre Curzi, au Parti québécois, tenir les mêmes propos; leur engagement envers la Convention sur la diversité culturelle, qui exigeait une vraie réflexion sur l'avenir de la culture dans un univers mondialisé, témoigne de ce souhait que la culture suive l'évolution tout en préservant des acquis.
Mais ce sont là réflexes d'individus. Ce qu'il faut en comprendre, c'est que la culture, en dépit des beaux discours, reste étrangère à notre appréhension collective de la société, et cela se reflète dans nos gouvernements. Bravo si un premier ministre souhaite une Grande Bibliothèque, si une ministre pilote une politique du livre, si une autre s'emballe pour le patrimoine ou si un maire mise sur l'architecture ou le design. Sinon, tant pis: contrairement aux routes ou à la santé, le reste du cabinet ne fera pas la moindre remarque.
Et comme la campagne actuelle «emprunte aux préoccupations du curé Labelle», pour citer un éditorial d'hier, il ne faut dès lors pas s'étonner que la culture soit citée moins que jamais.
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