Ça prend tout un toupet de la part de la direction de la Gazette quand, dans un de ses derniers éditoriaux, elle a joyeusement ironisé sur Jean-Martin Aussant parti se refaire une carrière en Angleterre. (Why Quebecers leave : it’s all about economy, The Gazette, 15 août 2013)
Le sarcasme est tout de go au rendez-vous quand l’éditorialiste anonyme gribouille : “There is a delicious irony in the news this week that Option nationale party founder Jean-Martin Aussant has decided to leave Quebec - for Britain, of all places, the former colonial master - to pursue a professional opportunity in international finances.”
Au second paragraphe, le ton change : l’ironie n’est plus tant considérée comme délicieuse, mais amère, puisque ce serait la promotion de l’idée d’indépendance du Québec, qu’Aussant a tant défendue, qui a d’abord fait perdre à la ville de Montréal son titre de centre financier du Canada. Et qui fait qu’aujourd’hui, malgré ses talents incontestés en finances, Aussant doive s’exiler.
Notre anonyme gribouilleur tient ici le bâton du mauvais bout. Ce n’est pas du tout parce que des allumeurs de la trempe des Parizeau et Aussant ont favorisé un Québec séparé du reste du Canada que Montréal n’en est plus le centre économique. C’était plutôt inscrit dans les cartons des concepteurs de ce Canada from coast to coast. Pour eux, Toronto se devait un jour de lui gober la place. Et ils ont incontestablement réussi. Ces concepteurs furent également bien déterminés à réduire jusqu’à évanouissement le french-canadianism, comme le souhaitait tant le plus influent d’entre eux, le très Torontois George Brown. Un Brown bien déterminé à remplacer la mère-patrie comme État colonisateur vis-à-vis d’un Québec ne voulant pas marcher au pas.
Avant JMA, Parizeau avait lui-même fait le constat que le Québec serait davantage prospère s’il en venait un jour à se détacher du Canada. Ironie cette fois très mal digérée par la Gazette, Monsieur en est venu à cette conclusion alors qu’il préparait sa conférence traitant des bienfaits de la centralisation au Canada dans un train le menant à Banff où l’attendaient des Canadians, pour un certain temps encore, très admiratifs devant les compétences macro-économiques de ce grand diplômé de la London Scholl.
Parce que le sentier avait alors été largement balisé, Aussant n’a pas eu besoin d’un tel chemin de Damas pour se convaincre que, sans l’indépendance, le Québec sera de plus en plus condamné à la stagnation économique.
Avant cet édito du 15 août, le journal The Gazette ne s’intéressait que peu au fondateur d’Option nationale, ceci, malgré le fait que ses idées faisaient un tabac parmi les jeunes Québécois les plus scolarisés. Les plus progressistes. Or, voici qu’à cause de préoccupations familiales qui l’honorent, Aussant s’est senti dans l’obligation morale de quitter la barre du navire ON. Et que, n’ayant jusqu’à ce jour, reçu aucune offre d’emploi à sa hauteur au Québec, il décide de reprendre la carrière là où il l’avait laissée, dans les hautes sphères de la finance, à la City de Londres.
Il n’en fallait pas plus pour qu’encore une fois nos pieds noirs cognent sur les doigts des colonisés en leur répétant pour la ixième fois qu’à trop parler d’indépendance et de préservation du français, le Québec dépérit économiquement. Et c’est pourquoi on qualifie « d’amèrement ironique » le fait que le fondateur de l’ON doive se nicher un emploi chez notre ex-colonisateur. Et si, c’était justement parce que le Canada des Trudeau et Harper ait pris le relais comme État-colonisateur qu’Aussant a été obligé de s’exiler ?
L’homme aurait très bien pu exercer ici ses compétences si on lui avait offert d’importantes fonctions au sein d’Hydro-Québec. Ou de la Caisse de dépôts. Il a d’ailleurs tout probablement l’étoffe pour succéder à Michael Sabia comme PDG de cette institution toute vouée à protéger le bas de laine des Québécois. Mais on voit mal Pauline Marois dérouler le tel tapis rouge devant celui qui a tant osé la défier.
On pourrait penser qu’une autre de nos grandes institutions financières telles le Mouvement Desjardins ou la Banque Nationale du Canada aurait pu lui faire une offre, mais ces entreprises sont déjà tellement imbriquées – on pourrait même dire : inféodées - au réseau financier Canadian que, face aux potentiels tollés de nos chambres de commerce et de la grosse Presse à Desmarais, elles semblent avoir toutes préféré s’abstenir.
Et ne parlons pas de l’antre des véritables pouvoirs au Canada qu’est devenue Bay Street! Malgré toutes les qualités d’un Jean-Martin Aussant, jamais cette faune de grands banquiers ne lui fera d’offres d’emploi semblables à celle que leurs homologues londoniens se sont permis de lui présentée. Ses idées politiques ressemblent trop à celles d’un certain Jacques Parizeau. Dans les salons cossus torontois, on se rappelle encore trop quand Monsieur est venu leur dire que l’indépendance du Québec est comme une bonne vieille rage de dents nous obligeant à toujours retourner chez le dentiste. Tant que l’on ne se décide pas à…
Dans le cas qui nous occupe, ce n’est certainement pas la Gazette qui va tout d’un coup commencer à agir dans l’intérêt du Québec. En fait, ce journal est devenu un véritable cheval de Troie qui, par p’tits feux bien ciblés, est en train de littéralement gangréner la société québécoise.
Rendre Aussant en partie responsable de l’actuelle situation économique est d’un sans-gêne incommensurable. Le fondateur d’Option nationale n’a vraiment pas à se surprendre d’une telle montée de Québec bashing via sa propre personne. On ne peut espérer qu’il revienne au plus tôt.
À propos de « l’exil » d’Aussant
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
13 octobre 2013À propos de monsieur Aussant:
J'incline à penser que si par exemple un PKP était, contrairement à Madame, le chef de notre Gouvernement, le ciel de la Caisse de dépôt par exemple, pourrait se dégager pour Jean Martin Aussant.
Le problème avec Madame, c'est que la somme de ses qualités ne dépassent pas celle de ses vieux réflexes.
C'est le résultat qui compte. Je ne dis pas ici que la fin justifie les moyens, ce qui est radicalement faux comme l'a démontré Jean Fourastié, notamment dans «Idées majeures» (page 196). Je dis simplement que le but recherché doit conduire à prendre les moyens appropriés.
Malheureusement, Madame ne voit que des ennemis là où pour opérer un véritable changement il lui faudrait voir autrement.
Il est bien connu que pour opérer un véritable changement il faut être capable de concevoir que le changement, malgré le paradoxe apparent, c'est de savoir faire autre chose et non, plus de la même chose.
Et faire autrement ça exige de la clairvoyance et de l'élévation d'esprit...