Le contrat

Santé - ticket modérateur et taxe santé



Jean Charest avait été le premier surpris de la levée de boucliers en avril 1998, quand il avait osé critiquer le rythme des compressions budgétaires décrétées par le gouvernement Bouchard.
Fraîchement débarqué sur la scène québécoise au Québec, M. Charest avait mal mesuré l'espèce de frénésie provoquée par la quête du déficit zéro, qui avait pris des allures de Saint Graal.
Que les associations patronales aient tenu mordicus à rétablir l'équilibre budgétaire dans les délais fixés au sommet de mars 1996, cela pouvait se comprendre, mais entendre les voix indignées des syndicats se joindre à ce concert de protestations était pour le moins déconcertant. Le Québec était réellement une «société distincte».
Le virus du «consensus» avait été foudroyant. À la notable exception de Jacques Parizeau, qui reprochait à son successeur d'avoir fait du déficit zéro un dogme aussi indiscutable que celui de l'Immaculée Conception, tout le monde ou presque avait été contaminé.
Ce que M. Charest avait déclaré devant une assemblée libérale à Saint-Léonard semblait pourtant très raisonnable: «Quand il s'agit de faire des choix entre le déficit zéro et les services de base [en santé], il faut choisir, quitte à retarder le déficit zéro d'un an s'il le faut. Ça relève du gros bon sens».
Cette modération n'avait pas convaincu tout le monde. «Jean Charest a fait carrière à droite. Un virage comme celui de dimanche me laisse bien sceptique», avait dit le président de la CSN, Gérald Larose.
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Que le futur chef libéral ait été sincère ou non, la suite des événements a démontré qu'il avait parfaitement raison. Si Lucien Bouchard n'avait pas été traumatisé à ce point par sa rencontre avec les agences de cotation de New York, le déficit zéro aurait simplement été atteint moins rapidement, et le réseau de la santé aurait pu éviter les mises à la retraite massives dont il ne s'est jamais complètement remis.
Bien entendu, ce que l'on dit dans l'opposition ne vaut plus nécessairement quand on arrive au pouvoir. Par exemple, en 2002, M. Charest s'opposait catégoriquement à l'introduction d'une nouvelle taxe «dédiée» à la santé, comme l'envisageait François Legault. À l'époque, les libéraux suggéraient plutôt de mettre la hache dans les subventions aux entreprises.
Quoi qu'il en soit, M. Charest semble maintenant mettre un point d'honneur à rétablir l'équilibre des finances publiques avant tout le monde. «Pendant que nos voisins continueront de se démener avec leurs déficits, le Québec aura déjà pris le départ, et rien ne pourra ralentir sa course», a-t-il déclaré vendredi soir dans son discours d'ouverture du conseil général du PLQ.
Pourquoi cette soudaine précipitation, après des années de procrastination? Soit, il fallait laisser à la pédagogie des «lucides» le temps de faire son oeuvre, mais durant la dernière campagne électorale, il niait encore l'existence d'un problème.
Les tendances démographiques qui font pression sur les coûts de santé sont peut-être plus lourdes qu'ailleurs, mais on n'en est pas à un ou deux ans près. C'est comme si M. Charest avait l'impression que son propre temps lui était compté.
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On peut très bien s'opposer à certaines dispositions du budget, notamment en matière de santé, mais il est difficile de nier qu'un coup de barre s'impose. Encore faut-il présenter les choses honnêtement.
M. Charest parle d'un «contrat» qui impose des obligations aussi bien au gouvernement qu'aux contribuables et dont le premier ministre s'engage personnellement à assurer le respect. Il s'agit d'un sophisme, dans la mesure où le contribuable sera le seul à payer.
D'une part, il se verra imposer des augmentations de taxe et de tarifs; de l'autre, il subira une diminution de services. À partir du moment où l'on décide de limiter le pourcentage des dépenses publiques consacrées à la santé, il faudra inévitablement revoir le panier de services assurés un jour ou l'autre.
M. Charest a finalement reconnu que la contribution santé annoncée dans le budget était inéquitable, puisqu'elle sera la même pour tous les contribuables, sans égard à leur revenu. Tant mieux si le futur ticket modérateur est modulé pour introduire un élément de progressivité dans le système, mais il semble douteux que «l'ensemble de l'oeuvre» rétablisse la justice.
Il se peut très bien que le budget constitue un tournant. Qu'on l'aime ou non, personne ne peut le taxer d'insignifiance. M. Charest a déclaré qu'il deviendrait un de ces moments auxquels on pourra se référer par deux mots: avant et après. La question est de savoir si cela vaudra aussi pour le comportement du premier ministre.
Jusqu'à présent, on ne peut pas dire qu'il se soit particulièrement signalé par son souci de la vérité et par le respect de la parole donnée. Le budget aurait-il des propriétés magiques? Ses dernières cachotteries sur le processus de nomination des juges donnent malheureusement l'impression que rien n'a changé.


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