Alec Castonguay - Une forte majorité de Québécois s'oppose au projet de franchise santé, ce ticket modérateur de 25 $ par visite chez le médecin que le gouvernement du Québec veut mettre en place. Au point que 62 % des Québécois souhaitent qu'Ottawa utilise la Loi canadienne sur la santé pour bloquer les intentions du gouvernement Charest, révèle un nouveau sondage Léger Marketing-Le Devoir.
Cette mesure est si impopulaire qu'une majorité de Québécois souhaite que le gouvernement fédéral intervienne dans un champ de compétence du Québec, ce qui est un «symbole fort», selon Christian Bourque, vice-président de Léger Marketing. «C'est étonnant, parce que les Québécois sont généralement jaloux de l'autonomie de leur province. On voit que les citoyens sont prêts à tout pour bloquer le projet du gouvernement Charest. Le ressac du budget n'est pas encore terminé.»
Le gouvernement fédéral applique la Loi canadienne sur la santé, qui garantit une accessibilité aux soins et un «accès raisonnable» aux services «sans frais ni autres mesures restrictives». Une province qui ne respecte pas ces principes peut voir gelée une partie de ses transferts fédéraux en matière de santé.
Le chef du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff, et le leader du NPD, Jack Layton, ont soutenu que cette franchise santé, telle qu'elle est présentée dans ses grandes lignes par Québec, irait contre les principes de la loi. Le premier ministre Stephen Harper ne s'est pas prononcé.
Pas moins de 62 % des répondants souhaitent qu'Ottawa utilise cette loi pour barrer la route au gouvernement du Québec, alors que 27 % préfèrent que le fédéral n'en fasse rien (11 % ont refusé de répondre ou ont dit ne pas savoir).
Lorsque l'on répartit les répondants en fonction de leur allégeance politique, on constate que 65 % des péquistes souhaitent l'intervention du fédéral, alors que les libéraux, à 54 %, sont les plus tièdes à cette idée. «Ce chiffre chez les péquistes est étonnant, dit Christian Bourque. Pour l'instant, ça heurte le côté progressiste des péquistes, alors ils sont prêts à tout. Le symbole de l'empiétement dans un champ de compétence du Québec ne leur vient pas à l'esprit.» Les adéquistes (70 %) et les partisans de Québec solidaire (79 %) réclament fortement un blocage fédéral.
Rejet généralisé
Si une majorité de Québécois veut que le fédéral s'en mêle, c'est avant tout parce que la mesure suscite la grogne. Selon le coup de sonde, la franchise santé déplaît à 72 % de la population, contre 21 % des citoyens qui approuvent une telle mesure.
Lorsque l'on répartit les répondants en fonction de leur allégeance politique, on constate que 61 % des libéraux, 76 % des adéquistes, 80 % des péquistes et 85 % des partisans de Québec solidaire sont contre ce ticket modérateur. Ils sont donc sur la même longueur d'onde qu'une très large coalition de médecins qui a protesté contre cette mesure le 29 avril dernier.
Pourtant, lorsque Léger Marketing a mené des sondages sur le sujet dans les dernières années, la proportion de Québécois en faveur d'une telle mesure était beaucoup plus élevée, particulièrement chez les adéquistes, rappelle M. Bourque. Alors, pourquoi cette forte opposition? «Les gens ont l'impression que c'est une taxe détournée qui n'aura aucun effet tangible sur le réseau de la santé, sauf nuire aux plus démunis», dit Christian Bourque.
Sceptiques à propos de la commission Bastarache
Le sondage Léger Marketing-Le Devoir a également tenté de cerner la perception des Québécois concernant la commission Bastarache, qui doit faire la lumière sur le processus de nomination des juges à la suite des allégations de l'ex-ministre Marc Bellemare.
À la question, «cette commission d'enquête sera-t-elle suffisante pour mettre fin aux suspicions concernant l'éthique du gouvernement du Québec?», 69 % des Québécois ont répondu «non». Seulement 12 % des répondants ont dit «oui». Même 49 % des libéraux disent que cette commission ne sera pas suffisante.
«Ce n'est pas un jugement sur Michel Bastarache, mais plutôt sur le mandat qui lui a été confié, explique Christian Bourque. Les gens veulent une commission d'enquête plus large sur le financement des partis politiques. Ce n'est simplement pas assez dans les circonstances.»
Les libéraux auraient atteint le fond
Le volet sur les intentions de vote du sondage a été mené en collaboration avec le journal The Gazette, qui se joint au Devoir pour étudier cet aspect politique tous les mois.
Dans ce domaine, rien n'a bougé depuis 30 jours. Le Parti québécois demeure en tête, avec 40 % des intentions de vote, contre 31 % pour le Parti libéral du Québec. Le PLQ a perdu un petit point depuis un mois, ce qui est dans la marge d'erreur. L'ADQ (12 %), Québec Solidaire (8 %) et le Parti vert du Québec (7 %) suivent dans l'ordre.
Même stabilité dans le taux de satisfaction envers le gouvernement, qui a fortement chuté depuis trois mois. Présentement, 76 % des Québécois se disent «insatisfaits» de leur gouvernement, contre 20 % qui se disent «satisfaits». En avril, l'insatisfaction était de 77 %.
«On semble avoir atteint un plancher pour les libéraux, dit Christian Bourque. L'insatisfaction est très forte et se maintient à un niveau record. Mais les fédéralistes purs et durs, même mal à l'aise, refusent de passer au PQ. Je pense que pour Charest, le fond du baril est atteint.»
Ce sondage a été réalisé en ligne auprès de 1001 répondants du 3 au 6 mai. Le coup de sonde Internet a été réalisé selon une méthodologie fiable et éprouvée. Les données ont été pondérées selon l'âge, le sexe, la langue maternelle, le degré de scolarité et la composition du foyer. Un échantillon probabiliste de la même taille présente une marge d'erreur de 3,1 %, 19 fois sur 20.
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