Politique québécoise - Le bourbier

Santé - ticket modérateur et taxe santé



Les avancées politiques en terrain miné sont risquées. Elles imposent parfois que l'on retire subtilement la patte du bourbier dans lequel on s'enfonce. Parlez-en aux libéraux de Jean Charest qui, en l'espace d'une petite semaine, ont concédé deux reculs importants dans des dossiers-boîte à surprises des plus dérangeants pour la population: la franchise santé et les modifications au calendrier scolaire.
Un: la franchise santé, une «décision» annoncée à la faveur du dernier budget, est soudain devenue un sujet de «discussion» et une banale manière, parmi tant d'autres, de combler un déficit en santé. Deux: la disparition des jours fériés sur le calendrier scolaire et le calcul des jours d'école en heures, présentés il y a peu comme de parfaites solutions au décrochage scolaire, sont désormais mis au rancart. On avance, pour mieux reculer?
Il y a à la fois de quoi se réjouir et se désoler dans ces couacs de fanfare politique. Réjouissant, car après avoir pris acte de la grogne populaire, du mécontentement des acteurs principaux, des critiques formulées contre ces annonces inattendues, le gouvernement change son fusil d'épaule. On se console de constater que certains échos se rendent aux oreilles de ceux qui gouvernent.
Dommage, en revanche, de déceler cet imposant vice de processus: on décide d'abord et on consulte ensuite? Voilà tout à fait ce qui s'est produit avec le projet de modification au Régime pédagogique proposé par la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, en février dernier. Venue d'on ne sait trop où, la décision de changer le temps de présence annuel à l'école en heures plutôt qu'en journées et de faire valser les jours fériés a causé étonnement et émoi.
Ce choix, critiqué par le très posé Conseil supérieur de l'éducation, fut mal communiqué, était incohérent et difficile d'application. Il ne faisait en outre l'objet d'aucun consensus, ce que la ministre a admis avec une certaine élégance cette semaine, concédant qu'elle devait se ranger du côté de la majorité. Quant aux écoles orthodoxes «illégales» avec lesquelles elle a conclu des ententes pour qu'elles se conforment à la loi — la véritable toile de fond de ce projet de modification —, Mme Courchesne affirme qu'elles devront respecter le Régime pédagogique. Tout ça pour ça!
C'est un scénario de même famille qu'on a vu se jouer cette semaine à l'Assemblée nationale, à propos de cette fameuse franchise santé. L'équipe libérale tente maintenant sans grand succès de transformer en idée quelconque simplement discutée autour de la table ce projet phare de son dernier budget. Depuis qu'il est connu, les critiques abondent. La présidente du Conseil du statut de la femme, Christiane Pelchat, vient de soulever à juste titre l'aspect inéquitable de la franchise, qui taxerait davantage les femmes, plus fréquemment usagères des services de santé. Le commissaire à la santé Robert Salois a lui aussi émis des réserves sur l'imposition d'une franchise qui minerait l'accès aux soins de santé.
Reculant devant une — autre! — polémique, le gouvernement Charest a subrepticement changé de vocable autour de la franchise santé, troquant la «décision» pour la «discussion». Pour se dégager du bourbier, les jeux de sémantique sont parfois commodes.


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