Se retranchant derrière un flou plutôt commode, le gouvernement Charest continue de promouvoir une franchise santé dont il veut préciser les modalités après un «dialogue» avec la population et les partenaires. Eh bien, voilà: ceux-ci expriment un point de vue on ne peut plus clair, comme le rappelait hier un sondage publié dans Le Devoir. Ils ne veulent pas d'une mesure qui lierait le financement à l'utilisation des services.
Si Québec s'engage à soutenir de véritables pourparlers avant d'appliquer le principe d'un ticket modérateur, il ne pourra faire fi du son de cloche exprimé par la population — 72 % des Québécois s'opposent à la franchise de 25 $. Il ne pourra pas non plus négliger l'opinion des médecins qui dénonçaient récemment le principe et les conséquences — coûteuses et contre-productives — d'un tel système.
Toute tentative de percer le mystère de cette franchise se bute à la même confusion, aux mêmes réponses assommantes d'imprécision. Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, promet que l'on aura des «discussions» pour définir les «modalités». Le ministre des Finances, Raymond Bachand, souhaite un système de santé utilisé «intelligemment». Le premier ministre Jean Charest se dit sensible au mécontentement des électeurs.
Le flou atteint même la légalité de cette franchise. Le même «ticket orienteur» proposé par Marc-Yvan Côté en 1990 avait soulevé la désapprobation la plus vive du côté du fédéral, car il contrevenait à ses préceptes. Ottawa avait menacé de retirer l'équivalent de la compensation dans la base des transferts fédéraux destinés à la santé. Le projet est ainsi mort. S'agit-il toutefois d'un repos éternel? Le premier ministre Stephen Harper ne s'est pas prononcé encore sur la légalité de l'actuel projet. Québec mise sûrement sur une ouverture des conservateurs à la logique de l'utilisateur-payeur.
Les médecins, parfaitement positionnés pour juger cette mesure, soulèvent de solides arguments. Ils s'interrogent sur le point de départ de ce débat, car, disent-ils, ils ne voient pas les Québécois comme des utilisateurs irréfléchis du système de santé. Ils voient aussi une contradiction entre l'imposition d'une franchise et le constat de pénurie de médecins, reconnue pourtant par le gouvernement. Ils s'inquiètent de conséquences comme la hausse des coûts d'hospitalisation et craignent que les patients ne renoncent à d'essentielles visites chez le médecin par souci d'économie. Ce serait là le scénario du désastre, totalement contraire à l'objectif!
Les premiers concernés, patients et médecins, expriment donc une fin de non-recevoir évidente. Si le gouvernement est disposé à un «dialogue» sincère, il ne peut y rester ni sourd ni insensible.
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machouinard@ledevoir.com
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