Une nouvelle petite secousse ébranle le Festival d'été de Québec (FEQ). Sur fond de querelle linguistique, on critique la prépondérance des prestations à saveur anglo-américaine pour enflammer les foules en juillet 2010. Il y a en effet une symbolique chagrine dans cette sélection, qui laisse le fait français tomber en désuétude.
Le FEQ a 43 ans. Il a gagné en assurance et pris une ampleur considérable. Depuis son «renouveau» de 2004, il affiche une «perspective d'originalité et d'exclusivité». La star mondiale trône au sommet des priorités. Cela fonctionne. Les festivaliers s'arrachent les laissez-passer pour accéder à l'immensité des plaines d'Abraham.
Les organisateurs et les dirigeants de la Ville s'appuient platement sur le seul argument du succès pour faire cesser ce bourdonnement qui les importune: les récriminations de ceux qui reprochent à l'événement de s'angliciser sans cesse, au détriment du fait français. Il y a pourtant bel et bien un effritement — banalisé de surcroît — de l'espace fait à la chanson francophone!
Le statut du français au Québec est fragilisé. On espérerait de fêtes comme le FEQ qu'ils le protègent et en marquent le caractère délicat. Au lieu de cela, la programmation 2010 donne l'impression qu'un monument tel Gilles Vigneault sert de complément francophone aux Black Eyed Peas, Rammstein, Iron Maiden, The Arcade Fire, Santana, Rush et Billy Talent. Comment ne pas souligner cette fuite, de la même manière que l'on a reproché aux organisateurs des Jeux olympiques de Vancouver d'avoir négligé le Québec et sa langue?
Un lecteur du Soleil l'écrivait avec justesse la semaine dernière. Il s'agit d'un «programme éloquent de capitulation culturelle». Où ce n'est pas tant la circulation à Québec de toutes ces étoiles qui désole, mais bien le fait que la part francophone soit chaque année davantage grignotée et placée dans l'ombre.
Ici même, dans cette colonne, lors du passage de Paul McCartney à Québec à l'occasion du 400e, on avait salué la venue du Beatles, et repoussé les critiques qui y avaient décodé un affront à la population francophone. La tenue de cet événement ponctuel n'avait rien à voir avec une programmation de festival qui, année après année, rogne sur le français pour satisfaire la clientèle. Le client se nourrit de ce que l'on daigne lui servir; la sauce anglaise accompagne maintenant tous les menus.
Bien sûr, les organisateurs jonglent avec d'autres impondérables que la fierté du fait français, on le comprend. Entre l'immensité des plaines d'Abraham, et la relative intimité du Pigeonnier, ils doivent placer leurs «vedettes», jonglant avec les calendriers et les budgets. Ces «vedettes»-là ne se déplacent pas pour des pépins...
En outre, la concurrence est vive entre les festivals — la dernière chicane avec les FrancoFolies de Montréal l'illustre parfaitement. On a reproché à d'autres événements de laisser une portion décharnée aux artistes d'ici, pour flatter la vedette internationale et attirer le touriste. Le FEQ n'est pas le seul à pratiquer cette manoeuvre en douce.
Ces arguments à saveur économique sont essentiels à la compréhension du contexte. Cela ne nous empêche pas d'exprimer une contrariété et une crainte: celle de voir s'effacer le français, pourtant si fragile, devant des impératifs clientélistes, le tout, dans la plus choquante indifférence.
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machouinard@ledevoir.com
Festival d'été de Québec
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