L’anglomanie croissante du Festival d’été de Québec, qui a saupoudré une programmation anglophone d’une pincée de Vigneault et d’une soirée franco-québécoise comme on ajoute du sucre à n’importe quel plat indigeste, démontre à quel point cette organisation n’a rien à foutre de notre langue et de notre culture. Neuf mois après avoir versé des larmes de crocodile sur le déménagement des Francofolies de Montréal, on offre désormais aux citoyens un ramassis de tout ce qui se fait en anglais et on lance le message aux touristes qu’à Québec, c’est dans la langue de Shakespeare que ça se passe.
Iron Maiden, Black Eyed Peas, Billy Talent, Rammstein, Dream Theater, Great Lake Swimmers, Roger Hodgson, Arcade Fire, Bedouin Soundclash et John Butler Trio (qui se produiront, en anglais, au Parc de la Francophonie, haha!) seront présents. Québec, disiez-vous? On croirait plutôt qu’il s’agit du festival d’une quelconque ville canadienne ou américaine. Au touriste anglophone qui vient ici et qui – déjà – se fait (trop) largement servir dans sa langue, on lui sert en plus sa propre musique. Que lui restera-t-il, ensuite, de son passage à Québec lorsqu’il retournera chez lui? Une carte postale aux sonorités anglaises et à la musique de fond anglaise. C’est cela le message que lance un tel festival, avec seulement huit spectacles en français sur onze jours de festival et trois scènes.
Bien sûr, les bien-pensants de la Vieille Capitale – et ils sont nombreux – rétorqueront, bien à l’abri dans leur ville ne subissant pas l’anglicisation accélérée vécue par la région métropolitaine, qu’il faudrait « s’ouvrir sur le monde » et célébrer la « diversité ».
Or, comment peut-on parler d’ouverture sur le monde quand on ne choisit qu’une seule langue pour la vivre? Comment parler de diversité quand la plupart des spectacles auront lieu dans une même langue, selon des sonorités semblables et une culture musicale commune? La diversité, c’est nous. La survie du français au Québec et notre capacité à nous créer et à appuyer une culture riche et vivante assurent notre présence dans le temps et notre contribution à l’enrichissement et à la diversité culturelle mondiale.
Présenter des groupes étrangers ou d’autres ayant fait le choix de renier leurs origines ou la culture de la société qui les accueille (c’est le cas de Arcade Fire), personne n’est contre, si cela se fait d’une manière modérée, un peu comme on accompagnerait un met local, dans un pays du Sud, avec un peu de ketchup Heinz. Mais lorsque les hamburgers remplacent le poisson exotique, lorsque les frites se substituent aux légumes du pays, ce n’est plus un met offrant une quelconque diversité qu’on se met sous la dent, mais la même bouillie graisseuse que n’importe où ailleurs sur la planète anglo-saxonne. On réduit la diversité, simplement, et on fait le choix – un choix qu’on offre désormais au touriste venant à Québec cet été – de rejeter à son tour notre propre culture.
Think big
Évidemment, organiser un festival plus respectueux du caractère francophone du Québec nécessiterait d’en réduire l’ampleur. Il y aurait probablement moins de personnes à chaque spectacle, moins de touristes, mais vaut-il mieux habiter la grosse baraque du voisin ou posséder sa propre maison plus modeste, mais plus chaleureuse?
De même, l’an dernier, le coût du laisser-passer du festival était de 35$; cette année c’est 45$. Avec un festival à hauteur d’homme, il y a fort à parier que le prix serait moindre, et on pourrait probablement s’offrir davantage de spectacles gratuits.
Le problème, malheureusement, c’est cette mentalité du « think big » qui s’est emparée des organisateurs. Plus gros, toujours plus gros. Et qu’importe si on y perd son identité au passage. Qu’importe si le festival, qui devrait constituer l’image de marque de la ville, ne nous représente plus le moins du monde. Qu’importe si un tel événement pourrait aider des artistes d’ici à se faire connaître et à performer; il faut être gros, toujours plus gros.
Et à ceux qui s’offusquent, on agite la liasse de billets verts que les touristes viennent dépenser pendant le festival. Comme si l’argent constituait l’argument suprême. Comme si un festival n’était qu’un simple outil financier servant à prostituer une ville en entier pour avoir le loisir d’accueillir de gros Américains venant écouter Black Eyed Peas un soir avant de repartir le lendemain matin en rotant leur McDonald ou leur Burger King. Comme si c’était cela, la vie culturelle. Comme si la ville de Québec ne constituait qu’une entreprise devant avant tout faire des profits.
Dites-moi, combien vaut la mort du français en Amérique du Nord?
On me dira: ce n’est qu’un festival, tout comme on m’a dit, précédemment, ce n’est que le slogan d’une école, ce n’est que la ville de Laval, ce n’est qu’Alain Dubuc, ce n’est qu’un hôpital, ce n’est qu’un retard scolaire, ce n’est qu’une circulaire en anglais de The Brick, ce ne sont que de petites erreurs de l’OQLF, ce ne sont que quelques candidats anglophones de Projet Montréal, ce n’est qu’une affiche, ce n’est qu’un tribunal, ce ne sont que des Jeux Olympiques, ce ne sont que quelques cours en anglais à l’UQAM, ce n’est qu’un théâtre, ce n’est qu’un groupe Facebook bilingue, ce n’est qu’une Saint-Jean bilingue, ce ne sont que des clients ordinaires, ce n’est que de la musique au Centre Bell, ce n’est que Pascale Picard…
Et un jour, insidieusement, on dira: ce n’est que le peuple québécois.
Sur le bord du précipice linguistique, ce n’est pas la longueur du pas vers le vide qui compte, mais la distance qui nous y sépare. Ce festival anglomane constitue simplement le millimètre supplémentaire nous rapprochant de l’abîme et contribuant à faire du Québec une prochaine Louisiane.
Que ceux qui sont encore fiers d’être des Québécois se lèvent et boycottent ce festival.
Faut-il boycotter le Festival d’été de Québec?
Que ceux qui sont encore fiers d’être des Québécois se lèvent et boycottent ce festival.
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