Le client est roi?

Le français à Montréal



L’enquête de la journaliste Noée Murchison publiée dans le Journal de Montréal du 14 janvier 2008 « Le français pas important » vient mettre à terre en un superbe uppercut toute la rhétorique débile de l’Office Québécois de la langue française (OQLF), du gouvernement du Québec et des éditorialistes de Gesca, rhétorique qui affirme que le français va bien et même qu’il progresse à Montréal!
En effet, la journaliste a réussi à se trouver 15 emplois au service à la clientèle dans diverses entreprises un peu partout à Montréal en spécifiant et en insistant sur le fait qu’elle ne parlait pas français. Peut-on imaginer un francophone unilingue se trouvant 15 emplois à Toronto en spécifiant qu’il ne parle pas anglais? Peut-on imaginer des patrons et gérants Torontois affirmant que les clients qui se plaignent de ne pouvoir être servis en anglais sont des « chialeux »?
On ne pouvait rêver d’une démonstration plus simple et plus directe de la non-importance grandissante de la langue française à Montréal. Cette enquête va dans le même sens que plusieurs études parues récemment :
1) d’abord les chiffres sur la langue parlée à la maison du recensement de 2006 qui sont venus confirmer un recul « historique » du français au Québec. Si on le parle de moins en moins à la maison, pourquoi le parlerait-on plus au travail ? (et vice-versa…)
2) Ensuite l’étude du Professeur Charles Castonguay portant sur les inégalités socio-économiques en fonction de la langue dont un résumé peut être consulté sur le site de Laut’journal . Il faut noter que cette étude de Charles Castonguay corrobore plusieurs témoignages d’immigrants à la Commission Bouchard-Taylor qui affirment avoir de la difficulté à décrocher un emploi au Québec parce qu’ils ne parlent pas anglais. Tout le faisceau d’études pointe donc vers le fait que le français n’occupe toujours pas la place qui devrait être la sienne.
On se souviendra que le JdeM avait lancé le bal sur la même question l’année passée en publiant un reportage qui illustrait que l’accueil se faisait souvent en anglais dans les commerces du centre-ville de Montréal. L’OQLF s’était alors dépêché de publier une « étude » affirmant que 90 % des commerces offraient des services en français au centre-ville.
La Ministre avait alors saisi la perche si galamment tendue par l’OQLF et affirmée que tout allait bien et que le dossier était clos. La Ministre Christine St-Pierre tente d’utiliser la même technique cette année en citant encore cette fameuse « étude » de l’OQLF « Saint-Pierre renvoie la balle aux consommateurs » .
Seul petit problème : l’OQLF refuse de dévoiler les détails de « l'étude » ainsi que sa méthodologie, ce qui fait dire à plusieurs personnes (dont votre serviteur) que cette « étude » est une fumisterie et que les résultats en ont été inventés pour répondre à une commande politique.
Il faut aussi noter que toute la stratégie de défense de Gesca et de la Ministre justifiant l’inaction du gouvernement du Québec est construite à partir de cette « étude » . Patrick Bourgeois a suivi le dossier et en parle sur son blogue : «Christine Saint-Pierre colporte des mensonges!» . Elevons notre voix avec la sienne pour exiger le dévoilement des détails de cette « étude »!
Quant aux solutions, bien sûr, il faut refuser de se faire servir en anglais à Montréal.
Mais il faut aussi réaliser que l’action individuelle a ses limites et est épuisante. Il n’est pas normal d’avoir à taper du poing constamment pour obtenir des services en français ! Les Québécois ont mieux à faire.
Une véritable solution doit être politique
Par exemple, les franco-ontariens savent bien que les nombreux combats pour obtenir des services en français n’ont pas empêché l’assimilation de dépasser les 45 % en Ontario.
Comme l’affirme un des intervenants à l’émission « Maisonneuve en direct » qui abordait ce sujet en tribune téléphonique le 15 janvier :
« Les clients francophones ne font pas le poids dans un environnement où le mépris du Québec et de sa langue se fait entendre et sentir quotidiennement que ce soit dans les commerces, les établissements étatiques tels que les hôpitaux et les universités, ou dans les médias anglophones et allophones. En obligeant les consommateurs québécois à se battre chaque jour pour être respectés, rien ne changera tant que l'État québécois donnera raison à des gens qui justifient leur refus délibéré de parler français par des propos québécophobes allant jusqu'à nier la réalité du Québec. » Hamid Tasbih Doust, Montréal
Défendre son droit à un « service en français », c’est accepter d'emblée une perspective de minoritaire qui doit se battre pour des miettes de respect. Il faut plutôt imposer le français comme langue de travail normale et habituelle par des actions structurantes telles la fin du bilinguisme institutionnel systématique au Québec, l'imposition de certificats de francisation pour toutes les entreprises, et la restructuration du système hospitalier et du système d'éducation.
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