Le champion du "modèle québécois"

Québec 2007 - Parti libéral du Québec



Dire qu'il se voulait le plus féroce critique du "modèle québécois". Dire qu'au début de la dernière campagne électorale, il voulait "réinventer le Québec". Mais samedi, alors qu'il lançait sa campagne électorale, Jean Charest n'a pas seulement embrassé le "modèle québécois", il était devenu son défenseur et son plus grand champion.
Le plan libéral pour l'élection, disait samedi M. Charest à la fin du conseil général spécial de son parti, est la continuité et le progrès. "La continuité, parce que le bilan est solide", disait-il. Le procédé est transparent : quand on n'a pas un bilan trop fort à présenter à la fin de son mandat, on s'approprie le bilan du Québec au grand complet.
Il fallait voir avec quelle facilité M. Charest faisait siennes les réalisations des gouvernements qui l'ont précédé, en oubliant commodément ses propres critiques de l'époque.
Ainsi, M. Charest s'est vanté des 20 000 nouvelles places de garderies qu'il a créées au cours de son mandat et des 35 000 nouvelles places qu'il allait fournir au cours de son prochain mandat. C'est l'essentiel de son programme pour sa troisième priorité : aider les familles.
Faut être gonflé pour s'approprier ainsi les succès des Centres de la petite enfance. Surtout quand on se souvient des paroles de M. Charest lui-même, lors de son discours inaugural du 4 juin 2003 quand il affirmait : "Un gouvernement qui met en place un programme qu'il sait ne pas être en mesure de financer ne répond pas aux besoins des citoyens. Il nourrit le cynisme et la frustration". Pendant toute la première partie de son mandat, le gouvernement était pratiquement en guerre ouverte avec les CPE. Aujourd'hui, ils sont devenus un des joyaux de son bilan.
Même chose pour l'équité salariale, une loi adoptée sous le gouvernement précédent. Que M. Charest a continué et il en a négocié de façon habile les détails, certes, mais dont il ne peut certainement pas réclamer la paternité.
De même pour les congés parentaux. Une histoire qui a commencé il y a près de 20 ans et une lutte qui a été supportée par tous les gouvernements du Québec qui se sont succédé. Un dossier qui a, certes, abouti sous Jean Charest, mais dont il peut difficilement se déclarer le grand inspirateur.
Pour bonne mesure, M. Charest s'est même donné le crédit des 82 500 naissances au Québec en 2006. "Avec nos politiques familiales, la natalité a augmenté au Québec", disait, samedi, le premier ministre de tous ces nouveaux petits Québécois.
Et que dire du sentiment qu'on a pu avoir, ces dernières semaines, à voir M. Charest annoncer en grande pompe deux investissements dans le secteur du multimédia à Montréal, financés à même les généreux crédits d'impôt qu'il a passé la dernière campagne électorale à dénoncer ? Aujourd'hui, cela fait partie du bilan du gouvernement Charest sur l'emploi !
Mais ce qui est le plus remarquable, dans ce discours de début de campagne de M. Charest, c'est ce que l'on n'entend plus.
Plus de "réingénierie de l'État". Plus de solutions magiques comme les PPP. Plus de constat, comme dans son discours inaugural du 4 juin 2003, que "l'État québécois, qui a donné le signal de notre émergence parmi les sociétés les plus modernes du monde, a vieilli. Il se trouve aujourd'hui en décalage face aux citoyens. Il ne parvient plus à répondre efficacement à leurs besoins".
Aujourd'hui, M. Charest ne prétend plus rien de tel. Comme si, en quatre ans de gouvernement libéral, l'État québécois avait radicalement changé de visage et qu'il était maintenant petit, maigre et agile, comme il le promettait à une certaine époque.
Chose certaine, les Québécois n'ont certainement pas pu constater ces grands changements sur leurs chèques de paie, puisque les baisses d'impôt promises ne sont jamais venues et qu'elles sont, encore une fois, promises... pour plus tard dans un second mandat.
Ce serait injuste de prétendre qu'il ne s'est rien passé sous le gouvernement Charest. Il n'y a pas eu de Gaspésia ou de SONACC. Et, au cours du prochain mandat, on dégélera - modestement et très graduellement - les droits de scolarité universitaire, un gel qui, avec le temps, était devenu indéfendable.
Mais que s'est-il donc passé, ces quatre dernières années, pour que ces questions que posait M. Charest lors de son discours inaugural ne soient plus pertinentes : "Pendant combien de temps l'État québécois peut-il exiger davantage de sacrifices de ses citoyens que de lui-même ? Pendant combien de temps, l'État québécois peut-il continuer à tout taxer et à se mêler de tout avec, pour résultat, de souvent faire les choses à moitié ?"
M. Charest ne pourrait y répondre parce qu'il ne veut plus incarner les grands changements ou une nouvelle vision de l'État. Il est maintenant complètement à l'aise dans le rôle de Premier défenseur du modèle québécois.
Pour joindre notre chroniqueur : mcauger@lesoleil.com


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