La « troisième voie » de Mario Dumont : un nationalisme réactionnaire?

Il préfère de loin mener un combat d’arrière-garde tout en demeurant au sein du Canada

Tribune libre 2008

« Diviser, diviser, toujours diviser », mon précédent brûlot, dénonçait la division du vote. Évidemment, cela n’a pas plu à tout le monde. Les amis de Jean-Claude Saint-André font sûrement partie de ceux-là. Pénible cette bisbille, ne trouvez-vous pas? En provoquant ainsi les « Fous de l’Indépendance », pouvait-on vraiment s’attendre à autre chose que ce qui s’est passé samedi et dimanche?
Bon, ça suffit. Oublions un peu cette guéguerre dont se gavent les médias. Laissons aussi de côté Québec Solidaire, ces scouts en culottes courtes. Rectifions le tir et visons plutôt Mario Dumont, l’incarnation même du nouveau politicien des années cinquante.
Pour ma part, je trouve que sa campagne est plutôt mal partie, à notre Mario. La défaite des conservateurs lui a fait mal. Il s’attendait pourtant à ce que ces-plus-que-droitiers augmentent substantiellement leur nombre de sièges au Québec. Mauvais flair, donc. On peut se faire avoir de temps en temps, mais pas tout le temps. Bien des gens auront compris que Harper et cie sont drôlement plus conservateurs que ne le furent Joe Clark et Brian Mulroney. Là, c’est du sérieux, et l’aile réformiste du PC n’a rien à envier aux républicains made in USA. Or, Dumont n’a pas caché ses sympathies envers Harper, loin de là. Cela est certainement l’un des facteurs qui a contribué à réduire à néant ses espoirs de devenir premier ministre du Québec, du moins en 2008.
Il y a des choses qui ne trompent pas, comme cette tentative d’attiser l’inquiétude de ceux et celles qui craignent « l’autre », de ceux et celles qui se sentent trahis depuis que l’enseignement confessionnel a été mis au banc des accusés. Cette rencontre partisane qui a eu lieu dans une garderie, la fin de semaine dernière, m’est apparue plus triste que ridicule. J’ai cru lire qu’un zozo des Bérets blancs était présent lors de l’allocution de Dumont. Le Québec a drôlement évolué depuis 40 ans, mais il y en a que ça angoisse. Le PQ le sait, et il a toutes les misères du monde à retrouver le sentier du juste milieu. Au moins, il y travaille. Résultat : la droite nationaliste l’abandonne; elle a reconnu en Mario son sauveur. Grosso modo, ce sont les mêmes qui prient pour tous les André Arthur et Jeff Filion de ce monde. Elle est là la vraie base de Mario Dumont, même s’il veut nous laisser croire que son électorat naturel, c’est la classe moyenne. Pourtant, il y a moins d’un an, j’approuvais la stratégie de Gilbert Paquette qui consistait à convaincre le PQ et l’ADQ de se coaliser sur la question nationale. Je n’en suis pas à cent pour cent certain, mais je pense ne plus être tout à fait d’accord avec ça. Je n’ai tout simplement pas envie de m’associer à quelqu’un qui se fait du capital politique en affirmant à des inquiets qu’ils vont perdre leur arbre de Noël et leurs cocos de Pâques. Si au moins il prônait une forme de souveraineté-association, mais non. Il préfère de loin mener un combat d’arrière-garde tout en demeurant au sein du Canada. Cette stratégie ne mènera le Québec nulle part.
Entre le multiculturalisme canadian et la grogne réactionnaire qui ne fait qu’attiser la dissension entre Montréal (plus précisément « le Plateau ») et certaines régions du Québec (Hérouxville, la mal-aimée-plus-que-méprisée), il existe pourtant un vaste espace où l’identité québécoise peut et doit prendre sa place. Dumont représente le Québec d’autrefois. Moi, je suis athée, je vis à Montréal, je suis social-démocrate, j’écoute toutes sortes de trucs qui proviennent de partout, j’aime le cinéma russe et cela ne m’empêche pas de me battre pour mon pays, pour cette république qui à mon grand dam tarde à venir. Je n’ai pas peur de l’indépendance, je la veux. Désolé, mais passer mon temps à combattre le nouveau cours d’éthique religieuse ou à fonder une association pour venir à la défense du lapin de Pâques, très peu pour moi. Faire du Québec un pays, voilà ce qui me branche.
Cela dit, je crois que Dumont craint la louisianisation du Québec. Je le crois assez intelligent pour comprendre cela. Malheureusement, il ne joue que sur la défensive, il n’a pas d’attaque. Quand on ne marque jamais de but, on finit toujours par s’en faire compter quelques-uns. Et on perd.
Pas si malin que ça, finalement, Mario Dumont. Passons donc à un autre appel.
.


Laissez un commentaire



6 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    11 novembre 2008

    Monsieur Gendron,
    Ou, cher ami souverainiste,
    Avec la mise à la tête du PQ, d'André Boisclair, il y a eu officialisation d'une nouvelle orientation, ou vision, disons, pour ce parti: un mouvement néo-séparatiste qui se voulait post-moderne; très, très inclusif; un nationalisme québécois plus abstrait, misant beaucoup sur des arguments comptables, financiers surtout, pour faire l'indépendance du Québec. Avec un chef ouvertement gay misant pas mal sur sa belle gueule, pour faire campagne (sans que cela lui enlève ses autres qualités); mais un chef, un peu Hollywood, quand même.
    André Boisclair et ses supporters se sont royalement cassé la gueule, aux dernières élections! Non seulement ils n'ont pas réussi à enlever le pouvoir à Jean Charest, pourtant un personnage archi-détesté, à ce moment-là... Mais, de plus, ce «néo-PQ» n'a même pas réussi à demeurer l'opposition officielle. Alors, le PQ s'est vu reléguer à peu près au même rang que la Parti vert ou que Québec Solidaire, en importance... Les anglophones ont dû se dire, «How the mighty have fallen», je crains bien...
    Il faut croire que l'électorat séparatiste ne s'y retrouvait plus tant que ça, en ce PQ à la nouvelle mode. je ne dis pas que cela soit une bonne ou mauvaise chose, en soi, mais les chiffres ont parlé, hélas.
    Par ailleurs, l'on aurait dit que les médias n'en avaient plus que pour les péquistes montréalais (phénomène de convergence?). Cela a contribué à faire croire à beaucoup de monde, que le PQ s'était montréalisé outre mesure. Une partie quand même importante de la population de la métropole étant anglophone ou allophone, de toute façon, d'aucuns en sont venus à voir (à tort) le mouvement souverainiste, comme étant devenu élitiste, intello, essentiellement métropolitain, etc.
    Étant, pour ma part, pas athée, mais agnostique, habitant la Vieille Capitale, et n'étant pas plus social-démocrate que ça, j'avais une impression qu'au yeux de ces néo-souverainistes, je n'étais plus un «bon» souverainiste. Que supposément, parce que je vivais dans une ville moins cosmopolite, j'avais nécessairement «peur de l'Autre». Que je n'étais plus dans le coup, même si je souhaitais que mon peuple aie un jour son pays ardemment! Qu'on pensait que nous étions TOUS des fans d'une vile créature comme Fillion, dans la Vieille Capitale, cette ville où le destin de notre peuple avait basculé, plusieurs siècles avant...Je me demandais presque: «veulent-ils un pays pour nous tous, Québécois, ou seulement pour les séparatistes de Montréal?».
    *Ajoutons à tout ça le fait que nous étions de bien nombreux souverainistes, à Québec, à vivre un certain ressentiment, l'été dernier, quand il y eût l'épisode McCartney. Nous n'avions rien eu à voir dans le choix de faire venir Sir Paul, mais sur différentes tribunes, dont les forums internet, nous nous faisions traîner dana la boue par nos «amis» montréalais... je me disais, qu'il y allait persister un malaise, après tout ça. Je n'avais pas tort. Je me disais également, que quand tu en es rendu, que tu te fais donner des leçons de «bon» nationalisme, par un gars entre autres, qui se nomme Curzi, et qui n'a possiblement JAMAIS mis les pieds à Québec, c'est que vraiment il y a quelque chose qui ne tourne pas rond!
    Je n'ai pas voté ADQ, bien sûr, car je me disais bien que cette bande d'amateurs (ou carrément, de caves!) ne méritaient pas mon vote. Québec solidaire? Allez voir sur leur site; ces gens sont des crypto-communistes.

    Je suis heureux de me battre dans le même camp qu'un gars articulé et déterminé comme vous, M. Gendron. Mais je voulais vous dire, que c'est vous, à Montréal, qui créez des partis-bidons comme QS ou le PI, qui divisent le vote, présentement.
    Et que même si votre intention n'est pas mauvaise, certains souverainistes de la métropole ont le don de nous donner l'impression qu'il n'y a qu'eux qui sont éclairés, et que tous les autres, sont séparatistes parce qu'ils sont des rednecks édentés prêts à lyncher le premier étranger venu. Faudrait qu'on se parle un peu plus, entre souverainistes des différents coins du Québec, à mon humble avis. Pour apprendre à se connaître.
    Cordialement,
    Jean-François B.
    P.S.: je vous en prie, ne voyez pas, d'emblée, de racisme dans ce que j'ai dit au sujet de ce député appelé Curzi. C'est quelqu'un de bien; sauf que ce sont MES ancêtres, pas les siens, qui sont enterrés dans un fosse commune, là où est aujourd'hui l'Hôpital général de Québec (morts en défendant Québec. je crois que ça doit compter pour quelque chose; s'il ne respecte pas ça, qu'il quitte le PQ, et qu'il retourne faire des films, ok?

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    11 novembre 2008

    @ L.P.
    Je seconde cet énoncé de sagesse et je me permets d'ajuster la maxime qui s'énonçait plutôt: Tot capitis tot sensus.

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    11 novembre 2008

    Il faut être prudent, monsieur Gendron: si Mario et d'autres comme lui, à l'ADQ, on pu être élus et devenir l'opposition officielle, c'est parce que leur «offre» correspondait à une demande, pour ce genre de politiciens.

    Il représente moins le Québec d'autrefois que vous pourriez le penser, je le crains. Sauf que le p'tit Mario fait de la politique, comme si c'était une fin en soi, et semble incapable d'apporter quelque solution valable à nos difficultés.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 novembre 2008

    Monsieur Gendron, je crois comme vous qu'il faut tous se rallier derrière le PQ pour nous donner un pays. Le PQ veut Kyoto, les verts n'ont donc pas le choix s'il sont sérieux, ils doivent voter avec nous. Mario Dumont veut une seule perception d'impôts il doit donc appuyer avec ses partisans la souveraineté qui la rend seule possible. Québec solidaire appui la souveraineté du bout des lèvres, les électeurs doivent manifester leur volonté populaire à cet égard en votant PQ. Le PI et Vigile devraient faire de même au lieu de tourner autour du pot ou favoriser le fédéralisme en critiquant le PQ et en attaquant Pauline personnellement.
    Il faut cependant etre au-dessus des différences politiques et ne se regrouper que sur la question du pays. Le reste est affaire de choix ultérieur. La fraternité et la charte des droit commandent le respect des autres opinions que nous ne partageons pas. Tot capita tot sententia.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 novembre 2008

    Monsieur Pomerleau,
    Expliquez-moi, pourquoi cet homme politique, était dans le camp du OUI en 1995?
    P.B.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 novembre 2008

    Le problème de Mario Dumont c'est qu'il n'a aucune culture d'État, donc aucun centre de gravité politique. C'est justement parce qu'il n'avait aucun sens de l'état qu'il a refusé d'appuyer la proposition de Mme Marois de doter le Québec de sa propre Constitution. C'est suite à se refus que son appuis dans les sondages a décroché, en Novembre 2007:
    http://www.vigile.net/ADQ-Novembre-le-mois-des-morts
    JCPomerleau