Québec solidaire n'a pas réussi à convaincre le Conseil de presse de se pencher, rapidement, sur la décision du consortium des trois réseaux de télévision d'exclure du débat des chefs les leaders des deux petits partis, Québec solidaire et le Parti vert.
Le débat télévisé de mardi soir sera donc un débat à trois, entre Jean Charest, André Boisclair et Mario Dumont. C'est tant mieux pour les citoyens, et tant mieux, aussi, pour la démocratie.
Derrière ce désaccord, ce sont en fait deux conceptions de la démocratie qui s'affrontent. Ceux qui auraient souhaité la présence de Françoise David, la porte-parole de Québec solidaire, et de Scott McKay, le chef du Parti vert Scott McKay, estiment que leur exclusion renforcera le déficit démocratique.
Ces arguments sont légitimes. Il est vrai que personne, lors du débat des chefs, ne sera là pour représenter les électeurs qui ne se reconnaissent plus dans les grands partis. Ce vote anti-système est en croissance constante. Nos institutions démocratiques devront trouver une façon de refléter cette réalité nouvelle. C'est ce qui mène entre autres aux pressions en faveur de l'introduction de la proportionnalité.
Mais ce n'est pas en accueillant les leaders de partis marginaux au débat des chefs qu'on y répondra le mieux. D'une part, parce que cela risquerait d'empêcher ce débat télévisé de jouer son rôle. D'autre part, parce que cela serait une forme d'égalitarisme qui ne fait pas partie de nos traditions démocratiques.
Il faut voir les débats télévisés, de la façon dont ils ont évolué en Amérique du Nord, pour ce qu'ils sont. Ce ne sont pas des débats d'idées qui permettent d'exprimer toutes les nuances de la pensée. Il s'agit plutôt d'un affrontement entre des leaders, qui a un but très précis, celui de permettre aux électeurs de choisir un premier ministre et un chef de l'opposition en se faisant une meilleure idée de leurs réactions, de leurs attitudes, de leur personnalité. Comment Jean Charest défend-il son bilan? Mario Dumont a-t-il l'étoffe d'un vrai leader? André Boisclair est-il capable de rebondir?
Ces débats jouent un rôle démocratique essentiel, celui de guider les citoyens dans leur choix. Ils ont pris une place déterminante dans les campagnes électorales, assez pour provoquer des revirements, parce que la formule réussit à attirer un grand nombre de téléspectateurs, y compris bien des gens qui ne suivent pas de près la campagne électorale. Ce succès tient au fait que ces rendez-vous démocratiques sont également un bon show de télévision, intense, dramatique, capable de captiver.
La présence des chefs des partis mineurs, en transformant le débat à trois en débat à cinq, affecterait ce pouvoir d'attraction, en brisant le rythme, en diluant le débat. Si le débat des chefs, au nom de la rectitude politique, cesse d'être un bon show de télé, il cesse de jouer son rôle démocratique pour une raison bien simple: les téléspectateurs changeront de poste.
Cela peut sembler injuste. Les petits partis sont en quelque sorte dans un cercle vicieux, parce qu'on ne leur donne pas la visibilité qui leur permettrait de sortir de leur marginalité. Il ne faut certainement pas les museler. Mais il n'est pas non plus anormal que les outils que l'on met à leur disposition pour diffuser leurs idées réflètent leur place sur l'échiquier politique, même si cela mène à un traitement inégal. Un parti marginal doit accepter qu'il a droit à un traitement qui reflète cette marginalité.
Il ne serait pas logique que l'on traite Françoise David comme une égale de Jean Charest et d'André Boisclair dans un débat des chefs. Ils n'ont pas le même degré d'appuis, pas le même poids, et ils ne jouent pas le même rôle. C'est donc raisonnable de leur réserver des traitements différents.
La participation à cet événement central n'est pas un droit automatique. C'est plutôt une présence qui doit se gagner, par le temps, par l'effort, en faisant élire des députés, en faisant ses preuves dans le régime parlementaire, ou à tout le moins, dans le cas de Québec solidaire, en recueillant davantage que le 4% d'intentions de vote qu'annoncent les sondages. Scott McKay, de son côté, doit réussir à prouver que son succès relatif ne repose pas seulement sur le nom de son parti.
Car la démocratie électorale n'est pas un exercice égalitaire. Une élection, par définition, couronne les gagnants et chasse les perdants. C'est le triomphe de la loi du plus fort. Les candidats, les chefs et les partis ne sont pas égaux à l'arrivée. Mais ils ne le sont pas davantage au départ.
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