André Boisclair a démontré hier soir qu'il était trop tôt pour l'enterrer. Alors que plusieurs le tenaient pour une quantité négligeable, le chef du PQ a dominé le débat.
Des trois chefs de parti, il est apparu non seulement le plus pugnace, mais également le mieux préparé. Plus le débat avançait, plus il prenait confiance en lui. Un véritable baume après les moments difficiles des dernières semaines. Certains l'auront sans doute trouvé trop agressif, mais un débat politique n'est tout de même pas une partie de dominos.
Les recherchistes péquistes, dont le travail avait été très critiqué en 2003, ont bien fait leurs devoirs. Pour coller Mario Dumont, ils ont déterré une vieille question sur la marge de manoeuvre financière du Québec avec laquelle Robert Bourassa avait confondu Pierre Marc Johnson lors d'un débat radiodiffusé en 1985.
M. Boisclair, dont les explications sont parfois un peu ennuyeuses, a même fait preuve d'un humour auquel il ne nous avait pas habitués en reprenant au sujet de la position autonomiste de l'ADQ le slogan de Réno-Dépôt: «Si ça existait, on l'aurait».
C'est toutefois M. Dumont qui a remporté le prix du scoop de la soirée quand il a brandi un document du ministère des Transports daté de 2004, qui faisait déjà état d'une grave détérioration du viaduc de la Concorde.
Si le sujet n'était pas aussi tragique, la déconvenue du premier ministre aurait été presque drôle. Après avoir décontenancé Bernard Landry avec une déclaration surprise de Jacques Parizeau en 2003, l'entendre se plaindre de voir le chef de l'ADQ «sortir un lapin de son chapeau» est pour le moins ironique. À l'examen, le lapin se révélera peut-être un pétard mouillé, mais il a certainement fait effet.
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M. Charest avait décidé de poser en premier ministre, mais il est risqué de tabler sur un bilan dont près de six électeurs sur dix se disent insatisfaits. Sur la question de la santé, il s'est retrouvé sur la défensive face à ses deux adversaires.
Même sur la question de l'économie, il s'est fait culbuter par le chef péquiste, qui l'a accusé de faire un cadeau de 350 millions aux banques en leur appliquant la baisse de la taxe sur le capital.
Il lui a fallu du temps avant de passer de la défensive à l'attaque. Contrairement à ce qu'il avait fait pendant des mois, le premier ministre s'est pourtant abstenu de s'en prendre à la personne de M. Boisclair. À aucun moment, il n'a fait allusion à son prétendu manque de jugement ou à son immaturité.
Manifestement, celui qu'il visait au premier chef était Mario Dumont: «Non seulement vous n'avez pas d'équipe, mais vos idées ne tiennent pas la route». M. Boisclair s'est empressé de renchérir: «L'ADQ, c'est un one man show. Quatre ans, c'est long, pensez-y bien».
Après son passage à Tout le monde en parle, M. Dumont ne pouvait pas douter que la faiblesse de son équipe et l'absence de cadre financier lui causeraient des problèmes. D'entrée de jeu, il a évalué ses engagements à 1,7 milliard. Cela paraît bien peu, mais il fallait parer au plus urgent. On ne sait pas trop à quoi s'emploient les 43% de ses candidats que le chef de l'ADQ qualifie d'entrepreneurs, mais ses adversaires n'ont pas insisté.
M. Dumont a connu une soirée inégale. Il a eu ses bons moments, par exemple quand il a qualifié le Conseil de la fédération de «terrain de jeu» pour un premier ministre qui se plaît visiblement au Canada anglais, mais il a dû reconnaître les lacunes de son programme dans des secteurs comme le développement durable et on ne sait toujours pas quels nouveaux pouvoirs un gouvernement adéquiste réclamerait d'Ottawa.
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La bonne performance de M. Boisclair ne suffira sans doute pas à renverser le cours de la campagne, mais elle a va au moins redonner un peu de moral aux troupes péquistes.
Maintenant que le débat est chose du passé, la vieille garde péquiste peut maintenant entrer en action sans donner la fâcheuse impression d'une mise en tutelle du chef péquiste. Jacques Parizeau sera dès ce soir dans Bourget.
Jean Charest, lui, a déjà commencé à se réjouir des largesses que réservera le budget fédéral de lundi prochain. Après cette soirée difficile, il en aura besoin.
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mdavid@ledevoir.com
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