Je ne veux surtout pas ajouter mon grain de sel sur la polémique entourant
la visite de Sir Paul McCartney à Québec, car comme le faisait remarquer
Richard Martineau dans le Journal de Montréal, je risque de passer pour un
ultranationaliste frileux qui chique la guenille (avec le passé que
j’ai...). Mais je me demande si une rencontre avait été prévue, au Château
Frontenac, entre Sir Paul et l’ineffable Michaël Jean, l’omniprésente
représentante de monarchie britannique. C’est le maire Labaume qui aurait
été content content. Après tout, on est là pour faire le party!
Blague à part, je veux juste dire que je suis toujours surpris de voir
qu’une vedette internationale aussi imposante que Paul McCartney avec 50
ans de carrière ne parle pas le français. D’ailleurs, je doute que P. M.
parle une langue seconde, une autre langue que sa langue maternelle,
l’anglais. C’est donc dire qu’on peut faire le tour du monde, chanter dans
trente, quarante pays, donner des poignées de main un peu partout, accorder
des centaines, voire des milliers d’entrevues à des journalistes, embrasser
autant de fans, tenter d’en séduire une ou deux en cachette, lire les
journaux du pays dans lequel on vient de faire un tabac, se promener dans
les rues des plus grandes villes du monde, commander à manger dans les plus
grands restaurants et hôtels, y écouter la télévision, à la rigueur se
faire soigner par un médecin à la suite d’un malaise soudain, ramener des
souvenirs du Japon, de Russie ou d’Abidjan, sans avoir à prononcer d’autres
mots que ceux de sa langue maternelle, l’anglais!
Car j’ai bien lu quelque part que P. M., depuis l’annonce de sa présence
sur les Plaines d’Abraham, avait décidé de suivre des cours accélérés de
français. Peut-on dire: il était temps! Il me vient à l’esprit une phrase
du manifeste du FLQ: «Repeat after me: Cheap labor means main-d’œuvre à bon
marché.» On l’a entendu, il y a quelques jours, baragouiner deux ou trois
mots en français sur les ondes de la radio de Radio-Canada, puis ça semble
s’arrêter là, juste de quoi dire: Bonjour Montréal, oh! mille excuses!
«Bonsoir Québec!... Bonsoir toute la gang...»
Mais on l’a, enfin, notre victoire, notre revanche: nous pourrons nous
vanter, nous Québécois et Québécoises (il faut prendre un ton emphatique
dans de telles circonstances), d’avoir obligé P. M., à l’âge de 66 ans, à
apprendre quelques mots de français!
C’est tout de même ahurissant, vous ne trouvez pas? Je suis allé au moins
dix fois à Francfort, pour participer à la Foire du livre, et j’ai pu
apprendre, lors de mes très brefs séjours, quelques mots, quelques phrases
en allemand, assez pour pouvoir me débrouiller seul dans la rue, sans même
passer par l’institut Goethe. Je ne connais aucun Cubain qui ne parle pas
l’anglais et j’en connais plusieurs qui parlent le russe, l’allemand, le
français, le portugais ou l’italien. Je suis persuadé (corrigez-moi si je
me trompe) que notre premier ministre, Jean Charest, a pu glisser quelques
phrases en espagnol lorsqu’il a rencontré récemment le président du
Mexique, Felipe Calderón.
Quant à nos artistes, s’ils sont à peu près tous bilingues, nombreux sont
ceux qui peuvent se vanter de parler une troisième langue. J’en connais
même qui ont appris le créole, qui n’est pas une langue très répandue,
admettons-le. C’est là une richesse inestimable, du moins c’est ce qu’on
m’a toujours dit depuis mon tout jeune âge. Faut croire que Sir Paul
McCartney doit être drôlement pauvre s’il n’en parle qu’une. Faut croire
que nous n’avons pas grandi dans les mêmes environnements, P. M. et moi, et
qu’on ne nous a pas inculqué les mêmes valeurs.
Mais la perle des réflexions est venue de la ministre de la Culture
Christine St-Pierre: «Accepterait-on que Céline Dion soit exclue d’une fête
ayant lieu à Melbourne, par exemple?» Wow! Madame la ministre! Qu’ont en
commun l’Australie et le Québec? Y a-t-il un problème linguistique là-bas?
Y a-t-il une province australienne qui revendique son indépendance? Puis
elle ajoute: «Je pense qu’il va dire quelques mots en français. [...] Il
faut savoir que les Britanniques sont très portés sur la langue française,
ils sont très ouverts.»
Mais sur quelle planète vit-elle, la ministre, dites-moi? Pourquoi P. M.
a-t-il soudainement senti le besoin, à 66 ans, de suivre quelques cours
accélérés de français, lui qui vit à moins d’une heure en avion de Paris?
Je me souviens de techniciens britanniques qui travaillaient à La Havane
depuis deux ans, au début des années 1970. La compagnie d’autobus British
Leyland avait vendu un grand nombre d’autobus aux Cubains et elle avait
envoyé sur place ses techniciens pour former la main-d’œuvre locale et voir
aux réparations majeures. Souvent nous en croisions quelques-uns, dans
l’ascenseur de l’hôtel, et toujours, les très britanniques techniciens
disaient à la préposée de l’ascenseur: «Third floor!»
Parfois l’un deux ajoutait en anglais, pas peu fier: «À la longue, vous
allez apprendre à parler anglais, mais moi je n’apprendrai jamais
l’espagnol.» Et nos joyeux bouffons s’esclaffaient devant les yeux
interrogateurs de la préposée. Eh bien, cette jeune préposée, toute frêle,
sans malice, a effectivement suivi des cours d’anglais avec un certain
nombre d’employés de l’hôtel, suffisamment pour comprendre et s’exprimer
convenablement en anglais.
C’était l’époque où le tourisme n’avait pas encore commencé à déferler sur
l’île des Caraïbes, mais ces employés avaient compris qu’apprendre une
autre langue, dans bien des cas une troisième langue, c’était s’enrichir et
s’ouvrir aux autres cultures.
C’est vrai que «all we need is love», mais la paix et l’amour peuvent se
conjuguer dans de nombreuses langues, heureusement.
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