La fureur anglophone

Le PLQ les tient une fois de plus pour acquis, se désole la mairesse de Westmount. Allons donc, que va-t-elle encore imaginer?

PLQ - le parti du Canada... anglais, du West-Island, des fédéralistes purzédurs

Il faudra «faire en sorte que les Québécois francophones voient en nous le reflet de leurs aspirations», a déclaré le premier ministre Jean Charest à Bernard Derome jeudi soir.
C'était la première fois que M. Charest reconnaissait aussi explicitement que son parti avait un problème avec les francophones. Jusqu'à présent, il avait toujours joué l'autruche, préférant y voir une affaire de «régions», sans se soucier du fait que ces régions sont peuplées presque exclusivement de francophones.
Voulait-il se débarrasser de cette image de «parti des anglophones» qui colle au PLQ en les mettant à la porte de son conseil des ministres? Certes, la composition du nouveau cabinet n'était pas un exercice facile, mais M. Charest était certainement conscient de la gifle qu'il allait leur flanquer.
Sans parler de la manière... Qui d'autre que le bureau du premier ministre pouvait lancer la rumeur selon laquelle le ministre du Revenu, Lawrence Bergman, avait demandé à être relevé de ses fonctions pour des raisons de santé alors qu'il est en pleine forme et qu'il adorait son travail? Il est si rare qu'un ministre du Revenu n'ambitionne rien d'autre que de le rester! Nommer Jean-Marc Fournier à ce poste ressemble presque à une blague.
Depuis que Robert Bourassa avait utilisé la clause dérogatoire pour maintenir -- temporairement -- la règle de l'unilinguisme français dans l'affichage commercial, on n'avait pas vu la communauté anglo-québécoise aussi furieuse contre les libéraux.
[«An insult to anglos», s'indignait jeudi l'éditorial de The Gazette->6106], qui reprochait même à Yolande James d'avoir accepté de faire partie d'un conseil des ministres d'où les anglophones et les allophones sont à toutes fins utiles exclus, même si le gouvernement Charest leur doit sa réélection.
Plutôt que de cautionner cette ignominie, Mme James aurait donc dû claquer la porte du cabinet -- avant même d'y être entrée -- comme l'avaient fait Clifford Lincoln, Herbert Marx et Richard French en 1988. Tant qu'à y être, elle aurait pu paraphraser M. Lincoln et s'écrier: «Votes are votes are votes!»
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À l'époque, la colère de ceux que mon ami Don Macpherson -- chroniqueur à The Gazette, justement -- avait savoureusement rebaptisés les angryphones s'était traduite par la création du Parti Égalité, qui avait arraché quatre circonscriptions au PLQ aux élections générales de 1989. Pour leur assurer une voix au gouvernement, M. Bourassa avait choisi John Parisella comme chef de cabinet, mais on ne voit personne dans l'entourage de M. Charest qui pourrait jouer ce rôle aujourd'hui.
L'«insulte» qu'il vient de leur faire est-elle suffisante pour qu'ils se tournent vers l'ADQ? La mairesse de Westmount, Karin Marks, et son collègue de Beaconsfield, Bob Benedetti, semblent croire la chose possible. «Si l'ADQ apparaît comme une force, peut-être que Charest va payer le prix», a déclaré M. Benedetti au Soleil. Jeudi, The Gazette avait terminé son éditorial sur une note similaire: «Si c'est la façon dont Charest traite ses amis, il fait très bien paraître Mario Dumont.»
Pourtant, le quotidien anglo-montréalais avait accueilli avec la plus grande froideur l'entreprise de séduction que le chef de l'ADQ avait menée auprès des maires de l'ouest de l'île, auxquels il avait fait miroiter l'abolition des conseils d'agglomération. D'entrée de jeu, The Gazette avait décrété qu'un appui à l'ADQ serait «une mauvaise idée» en raison de l'ambiguïté de sa position autonomiste.
En 1989, les anglophones n'avaient eu aucune hésitation à exprimer leur colère contre les libéraux parce qu'ils savaient très bien que la perte de quelques circonscriptions n'aurait pas de conséquences fâcheuses. Certes, Jacques Parizeau avait fait en sorte que le PQ remette le cap sur l'indépendance, mais le danger n'était pas imminent.
En 1976, la communauté anglophone avait déjà manifesté son mécontentement contre les tests linguistiques de la loi 101 en élisant un député de l'Union nationale, Bill Shaw, dans ce qui s'appelait alors le comté de Pointe-Claire, mais personne n'avait envisagé la possibilité d'une victoire péquiste.
Au vu des résultats du 26 mars dernier, les chances d'une résurrection du PQ semblent au moins aussi minces. La tentation de punir encore une fois les libéraux pourrait donc être forte. À la condition que Mario Dumont ne donne pas l'impression de vouloir précipiter le pays dans un nouveau psychodrame constitutionnel.
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Toute victoire dans un comté de Montréal serait certainement la bienvenue à l'ADQ, mais une percée dans l'ouest de l'île risque d'être simplement temporaire, comme l'ont été celles du Parti Égalité et de l'Union nationale. Si l'ADQ veut s'implanter dans la métropole, il faut nécessairement que ce soit dans l'est francophone.
Les électeurs montréalais ne sont pas restés totalement insensibles au discours adéquiste. Il y a eu une nette progression depuis 2003, mais M. Dumont est le premier à être conscient de la nécessité absolue que Montréal soit représenté dans son éventuel gouvernement.
Le débat sur les accommodements raisonnables est simplement une facette de la problématique beaucoup plus large de l'identité québécoise. À Montréal, la question linguistique en constitue un autre aspect. Aucun parti n'a voulu l'aborder au cours de la dernière campagne électorale, mais il ne faudrait pas se surprendre de voir l'ADQ dépoussiérer le dossier.
Contrairement à ce qu'on croit souvent, M. Dumont connaît bien la réalité montréalaise et se préoccupe de la situation du français dans la métropole. Depuis le dernier référendum, le PQ s'est complètement retiré de ce terrain. Comme dans le cas des accommodements raisonnables, l'ADQ pourrait très bien décider de l'occuper. Il va sans dire que ce n'est pas en relançant le débat linguistique que ce parti va séduire les anglophones.
Le PLQ les tient une fois de plus pour acquis, se désole la mairesse de Westmount. Allons donc, que va-t-elle encore imaginer?
mdavid@ledevoir.com


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