Un expert financier me disait récemment qu'il estimait le coût du copinage politique au Québec à 30% des dépenses publiques dans les infrastructures. Ce que nous voyons à Montréal ne serait pas l’exception, mais la norme au Québec, où il existerait un système de protection bien organisé qui viendrait de haut et qui s’apparenterait à celui de la mafia avec sa loi du silence.
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Même s’il dit n’avoir jamais rien su au sujet de l’affaire des compteurs d’eau, le maire Tremblay ne peut pas prétendre aujourd’hui qu’il n’avait pas l’autorité nécessaire pour poser toutes les questions pertinentes à son administration. Il n’a aucune excuse, le directeur général de la Ville de Montréal - un ingénieur - et le directeur principal des affaires corporatives - un avocat - étaient ses employés. À cet égard, leur congédiement constitue, soit un aveu de culpabilité, soit un aveu d’incompétence de la part du maire, peut-être même les deux, et s’il s’agit d’une consolation, nous savons tous que cela ne règlera rien, l’exemple venant de plus haut.
Dans la plupart des grandes villes du Québec, les élections sont organisées par des cabinets d’avocats et des firmes d’ingénieurs. Ils proposent aux candidats à la mairie des organisations électorales clés en main en échange de quoi ils se verront octroyer de lucratifs contrats professionnels par la suite. Un système que connaît bien le directeur général des élections du Québec et qui semble parfaitement légal. C’est ce qui s’est passé à Longueuil en 2001. Dès son élection, le maire Jacques Olivier s’est dépêché de faire adopter par son comité exécutif des résolutions d’embauche des firmes d’ingénieurs et d’avocats qui allaient servir la Ville.
On retrouve le même genre d’organisation autour des candidats aux élections provinciales et fédérales. Ce qui explique pourquoi plusieurs organisateurs deviennent juge et que le gouvernement s’appuie presque toujours sur le béton pour relancer l’économie. Cette fois-ci, les copains ont essayé d’être encore plus voraces avec leurs PPP. Des milliards de dollars qu’un petit club de privilégiés de l’industrie de la construction se partagera.
Je ne sais pas si 30% est le bon chiffre, mais les Québécois savaient déjà que le copinage existait dans l’industrie de la construction, même avant que Radio-Canada le leur rappelle. Un petit monde où tout se sait. Nos administrations publiques en sont les otages depuis des années. Il devra bien y avoir un coût que les Québécois devront payer un jour ou l'autre sous forme d’impôts, de taxes et de tarifs. Pour faire passer la pilule, on essaie par tous les moyens de leur faire croire qu'ils ne seraient pas assez productifs.
Alors, quand on voit Jean Charest nommer des ministres qui sont ou seront en conflit d’intérêts, on comprend aussitôt que l’exemple vient de haut. Si un premier ministre peut changer les règles d’éthique de son cabinet comme bon lui semble et que cela a pour effet d’augmenter sa popularité auprès de l’électorat, on ne voit pas pourquoi un maire de Montréal ne pourrait pas prétendre ne rien savoir et être réélu, comme ce fût récemment le cas de Jean Charest qui disait ne rien savoir au sujet des pertes à la CDPQ.
Un an plus tard, nous ne savons toujours pas où sont passés les 40 milliards$ de la CDPQ. On est loin des 356 millions$ des compteurs d’eau de la Ville de Montréal. Si l’on se fie aux déclarations d’Henri-Paul Rousseau, l’ancien PDG de la Caisse, ces pertes colossales seraient le résultat de la tempête parfaite. La crise économique a le dos large. Les contribuables ne savent toujours pas si des employés de la CDPQ et des firmes de courtage s’en sont mis plein les poches. Pourtant, les indices sont là. Pourquoi avoir acheté des PCAA non bancaires au lieu de PCAA bancaires s’il y avait un risque plus grand ? Parce que le risque rapporte plus diront les experts. Et si le risque rapporte plus, les bonis au rendement seront plus élevés. Les courtiers le savent, les employés aussi. Mais ça, ce n’est pas de la collusion, ni de la fraude, ni de l’incompétence, c’est de la gestion du risque !
Voilà pourquoi Desjardins et la Banque Nationale ont emboîté le pas de la CDPQ. À cause de la cupidité de courtiers et d’employés qui pensaient plus à leur profit personnel qu’à leurs clients. Pour quelques dollars de plus en rémunération, ils ont coulé le vaisseau amiral du Québec. Quelques mois plus tard, le PDG de la CDPQ était rendu chez Power corporation, la société mère du journal qui s’acharne aujourd’hui sur le maire Tremblay. Allez savoir pourquoi ? Il n’y a qu’au Québec qu’on peut cacher une forêt de 40 milliards$ derrière des arbres de 100 millions$. Ils ont choisi Montréal qui est réputée pour ses gros arbres et ses pigeons. De gros scandales pour en couvrir un plus gros!
Depuis le début du scandale de 40 milliards$ à la CDPQ, les médias ne nous parlent que de Vincent Lacroix, Earl Jones et des scandales financiers à la Ville de Montréal et à la FTQ-construction. Dans la même année, il s’est trouvé tout à coup de nombreux informateurs à la FTQ et à la Ville de Montréal pour vider leurs sacs. Chaque média a eu droit à son scoop. De quoi les occuper toute l’année. Pendant ce temps, la CDPQ coule dans l’indifférence. Qui enquête ?
Comme il fallait des enquêteurs de police pour attraper tous ces bandits à cravates que les journalistes ont dénichés grâce à des informateurs, sans aucune aide de la police ou de l’Autorité des marchés financiers, notre bon ministre de la sécurité publique, Jacques Dupuis, a décidé de former une ou deux escouades spéciales. J’aimerais bien savoir quelles seront les compétences des enquêteurs qui les composeront. Combien parmi eux seront de vrais comptables, experts financiers, ingénieurs, juristes ou informaticiens ?
La lenteur avec laquelle la SQ et l’Autorité des marchés financiers ont réagi dans l’affaire Norbourg nous suggérerait qu’il s’agira probablement d'officiers sans aucune spécialité reconnue qui passeront l'essentiel de leurs temps à lire les journaux et à regarder les canaux d’information continue pour dénicher les bandits à cravate que les journalistes leur rabattront.
J’aimerais bien savoir si les pertes 40 milliards$ à la CDPQ ont nécessité elle aussi la formation d’une escouade spéciale et si les enquêteurs font autre chose que de manger des beignes, boire du café et dîner à Laval pendant que les contribuables se font rouler dans la farine par Jean Charest qui n’a rien fait d’autres pour la probité de son gouvernement que d’abaisser au plus petit commun dénominateur les règles d’éthique auxquelles doivent se soumettre ses ministres. Une véritable mascarade !
Quand un premier ministre a reçu une rémunération secrète comme chef de parti pendant plus de 10 ans sans que cela ne cause le moindre émoi dans la population, la règle ne peut pas être plus claire. Faites ce que je fais, pas ce que je dis !
Le mauvais exemple vient de haut.
L’exemple qui vient de haut
Quand un premier ministre a reçu une rémunération secrète comme chef de parti pendant plus de 10 ans sans que cela ne cause le moindre émoi dans la population, la règle ne peut pas être plus claire. Faites ce que je fais, pas ce que je dis !
Chronique de Louis Lapointe
Louis Lapointe534 articles
L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fon...
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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
24 septembre 2009Wow! quel article et quel bon commentaire de Grand-Papa! Que vous avez
raison lorsque vous dites que les médias ne parlent que de l'affaire Lacroix, Jones,
les compteurs d'eau etc...pendant que le scandale de 40 milliards$ est mis sur la voie
d"évitement. Charest, c'est le spécialiste de la diversion comme c'est pas possible. Je le
vois venir avec l'augmentation des tarifs pour aller chercher l'argent des contribuables
pendant que ces fraudeurs à cravate sont en train de mettre le Québec en faillite et
s'en sortent comme des larrons en foire. Au lieu d'égorger le peuple avec une augmentation
éventuelle des tarifs de services gouvernementaux et d'une hausse possible d'impôt,
qu'attend-t-il pour aller chercher l'argent chez les compagnies minières (droits miniers
à rabais) et chez les compagnies forestières qui ont pillé la ressource aussi à rabais
avec des droits de coupe à prix ridicules? Et je pourrais continuer.... J'en ai assez de
voir le peuple se faire déplumer pendant que ces bandits à cravates pillent nos
ressources naturelles dont certaines comme les minières sont non renouvelables.
Il faut que le peuple se réveille et cesse de remettre ses affaires dans les mains
de ces politiciens véreux qui sont de comnivence avec la mafia économique pour nous fourrer loyalement. Québécois, réveillez-vous!
André Gignac
24-9-09
Archives de Vigile Répondre
23 septembre 2009Que peut-on ajouter de plus à votre texte !
Est-ce un gouvernement québécois composé avant-tout d'habiles affairistes qui ont enfin les mains sur le volant ?
Qui paie les traites de la voiture de Charest louée à crédit ? Beucoup ne vont même pas voter ! Actuellement vers quelle sorte de société va-t-on ? Si l'exemple vient d'en haut, ce sera quoi l'avenir ? Une société sans idéal et sans histoire - à part le pain et le beurre ! -. Consommez et amusez-vous... c'est comme ça qu'on nous considère : cad des esclaves souvent gavées et manipulées par tous les capitalistes de la terre. Il paraît que l'homme ne peut pas vivre que de pain !
Vive les petits épiciers
« Malheur à vous, hypocrites.... qui n'avez qu'une vaine montre et une fausse apparence de probité. »
BOURDALOUE