L’affaire Jean Charest

Sans le travail des journalistes, nous ne saurons pas si Jean Charest a menti

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Chronique de Louis Lapointe

Pendant combien de temps encore Jean Charest va-t-il réussir à dissimuler ce qui s’est réellement passé derrière les portes closes de ses officines dans les jours qui ont précédé et suivi le déclenchement des élections de l’automne 2008 ?
A-t-il tout simplement précipité des élections dans le but d’éviter de rendre compte du fiasco de 40 milliards de la Caisse de dépôt et de placement que nous connaissons tous aujourd’hui ? A-t-il sciemment comploté dans le but d’éviter de rendre compte de la gestion de la Caisse à l'occasion d’une élection consécutive à la communication des résultats qu'il aurait assurément perdue?
Que s’est-il passé dans la vie de Jean Charest au sujet de la Caisse de dépôt et de placement du Québec avant et pendant les élections de 2008, ainsi que lors du débat des chefs où il a affirmé devant toute la population du Québec que tout allait bien à la Caisse et que pour cette raison il préférait ne pas s’immiscer dans ses affaires internes?
Quelques jours plus tard, comme plusieurs Québécois, j’ai été étonné d’apprendre de la bouche même de Jean Charest qu’il n’avait aucune idée de la situation financière dans laquelle se trouvait la Caisse de dépôt et de placement. En fait, pendant toute la campagne électorale, lui et sa ministre des finances ont multiplié les déclarations contradictoires concernant leur véritable connaissance de la situation de la Caisse, comme s’ils avaient volontairement voulu brouiller les pistes.
S’agissait-il d’improvisation ou de manœuvres planifiées avec l’aide de leurs conseillers et stratèges politiques dans le but de confondre la population au sujet de la véritable situation de la Caisse? Le premier ministre était-il au courant des problèmes que connaissait la Caisse de dépôt et de placement lorsqu’il affirmait que tout allait bien ou quelques jours plus tard lorsqu’il disait ne rien savoir?
Quand Standard and Poor's évoque la politisation la Caisse, n'est-ce pas précisément à cette situation qu'elle réfère, cacher ou utiliser les rendements de la Caisse à des fins politiques comme Jean Charest le fait abondamment depuis l'élection du PLQ en avril 2003? Une façon polie de dire au premier ministre de ne pas mentir aux épargnants au sujet des placements de leur caisse de retraite!

L’exemple du Watergate
Le 7 juin 1972, cinq cambrioleurs sont arrêtés au quartier général du Parti Démocrate situé dans l’immeuble du Watergate à Washington. Une enquête du Washington Post révèle que le Comité de Réélection du Président Nixon a financé clandestinement ce cambriolage. À la suite du rapport de la commission d’enquête chargée de l’affaire, le président Nixon accepte la démission de Robert Hadelman, secrétaire général de la Maison Blanche, John Ehrlichman, conseiller aux affaires intérieures et de Richard Kleindienst, Attorney général des États-Unis. John Dean, un conseiller juridique auprès du président américain Richard Nixon, est également congédié.
Appelé à témoigner devant la commission d’enquête du Sénat, Nixon admet que la Maison Blanche a dissimulé à son insu sa participation au Watergate. Devant le même comité, John Dean, ancien conseiller juridique de Richard Nixon, confirme que John Mitchell, ancien président du Comité de Réélection du Président Nixon et Attorney général, a ordonné le cambriolage et que Richard Nixon l’a encouragé à étouffer l’affaire.
Apprenant que Nixon a demandé l’installation à la Maison Blanche d’un système d’écoute enregistrant toutes les conversations, la commission demande les bandes susceptibles de confirmer les accusations de John Dean. Nixon refuse de les livrer, invoquant la sécurité nationale. La Cour suprême tranche et ordonne à Nixon de remettre toutes les bandes. Trois de ces bandes révèlent que Nixon a ordonné au FBI le 23 juin 1972 d’arrêter toute enquête sur l’effraction du Watergate. Le 8 août 1974, Nixon annonce sa démission.
La nécessité d’une enquête
À la lumière d’un tel précédent chez nos voisins du sud, notre premier ministre ne pourra plus bien longtemps encore empêcher la tenue d’une quelconque forme d’enquête concernant ses agissements - avant, pendant et après les élections qu’il a lui-même déclenchées - et les manœuvres qu’il aurait pu exercer pour ne pas révéler à la population sa véritable connaissance de la situation qui régnait à la Caisse de dépôt et de placement pendant toute cette période.

Ayant fait porter le sort de l’élection de l’automne 2008 sur le seul enjeu de l’économie du Québec comme son slogan l’indique bien - L’économie d’abord, oui !- comment Jean Charest pourrait-il justifier, aujourd’hui, qu’il était dans l’intérêt des Québécois qu’ils soient tenus dans l’ignorance de la véritable situation de la Caisse, alors qu’une crise financière mondiale s’annonçait à l'horizon? N’était-ce pas plutôt son intérêt personnel et celui de son parti qu’il recherchait, celui d’être réélus, alors que son devoir de premier ministre en service lui commandait d’agir uniquement dans l’intérêt des citoyens appelés aux urnes?

Compte tenu des doutes qui ont été soulevés au sujet de ses agissements et ceux de son gouvernement au cours des derniers mois, les citoyens du Québec ont le droit de savoir si leur premier ministre leur a intentionnellement menti sur le sort de la Caisse lors de la tenue des élections de l’automne 2008. Il en va de la légalité et de la légitimité de son gouvernement. Voilà pourquoi une enquête doit être déclenchée dans les plus brefs délais!
Toutefois, ne nous leurrons pas, sans le travail crédible des journalistes, nous ne saurons probablement jamais si Jean Charest nous a menti, tout comme il n’y aurait jamais eu de scandale du Watergate sans les révélations du Washington Post. Or, c’est justement du silence qui régnait dans les salles de presse des grands médias canadiens qu’est venu témoigner Norman Spector devant la commission parlementaire sur l’affaire Airbus en 2008. Selon lui, la plupart des entreprises de presse voulaient étouffer l’histoire. En sera-t-il de même avec l’affaire Charest ?

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    4 mars 2009

    Bonjour M. Lapointe
    Je pense que le système politique dans lequel nous vivons au Québec, le parlementarisme britannique, facilite beaucoup ce genre de comportement inacceptable.
    Vive la République.

  • Archives de Vigile Répondre

    2 mars 2009

    Bonjours M.Lapointe. Ce n'est pas rien, aujourd'hui on apprend que les profits de la Caisse Populaire Desjardins ont piqué du nez pour l'année 2008, à cause entre autre du papier commercial, comme à la Caisse de dépôt. Pourtant, rappellez-vous, à la veille de l'élection provinciale qui a mené au pouvoir par la peau des dents, Jean Charest, la Caisse Desjardin claironnait que tout allait bien et que le Québec allait échapper à la récession mondiale. Ce n'est qu'au lendemain de l'élection de Jean Charest que la Caisse Desjardins a modifié sa position optimiste comme par enchantement. La Caisse populaire Desjardins a t'elle des intérêts politiques inavouables?

  • Michel Guay Répondre

    2 mars 2009

    Nous savons que Jean Charest est un vulgaire menteur et sans les médiastous fédéralistes il n'aurait jamais été élu premier ministre du Québec avec deux et même trois salaires après avoir violée la loi référendaire Québecoise au service de l'industrie canadian contre tous les intérêts de la nation Québecoise
    MichelG