Investissement Québec ne respecte pas ses règles

Même la politique sur les conflits d'intérêts a été transgressée

Corruption libérale - FIER - CDP - etc...

Robert Dutrisac Québec -- Contredisant ses déclarations de la veille, le président d'Investissement Québec (IQ), Jacques Daoust, appelé en renfort pour défendre le ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, Raymond Bachand, a dû reconnaître hier que la règle qui impose aux sociétés de capital de risque FIER d'investir au moins 50 % de leur capital dans leur région respective n'était pas appliquée.
Non seulement les règles sur l'investissement dans les FIER, dont les deux tiers du capital viennent de l'État, ne sont pas respectées, mais la politique sur les conflits d'intérêts, dans les cas de Pietro Perrino et de Valier Boivin, les dirigeants du FIER-Boréal 02 et du FIER Ville-Marie, a été transgressée. Lors d'une conférence de presse tenue jeudi matin, Jacques Daoust affirmait pourtant que toutes les règles imposées aux FIER dirigés par ces investisseurs d'allégeance libérale avaient été rigoureusement observées, ce qu'avait aussi assuré Raymond Bachand. Or, le député de Rousseau et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'économie, François Legault, a pu établir que MM. Perrino et Boivin n'avaient pas déclaré leur intérêt dans deux entreprises, Ranaz Corporation et Zoommed, au moment où le FIER Ville-Marie les a financées.
De son côté, le député de Shefford et porte-parole adéquiste en matière de finances, François Bonnardel, s'est intéressé au cas de Luigi Coretti, un contributeur au Parti libéral du Québec, qui a obtenu pour son entreprise, Bureau canadien d'investigations et d'ajustements, pas moins de quatre investissements de 1 million chacun de quatre FIER différents. Le député est revenu sur le cas des deux fonds de l'Estrie, le FIER-Croissance durable et le FIER-Innovation durable, dirigés par un autre sympathisant libéral, Jean Pelchat. Ces FIER ont fait près de 70 % de leurs placements à l'extérieur de la région.
Hier, IQ a produit une lettre, datée du 7 juillet dernier, enjoignant M. Pelchat à corriger la situation d'ici le 31 décembre 2008. M. Daoust fut obligé d'admettre que cette admonestation était restée lettre morte.
Raymond Bachand s'est désolé, hier, que l'opposition perde son temps avec cette affaire plutôt que d'échanger sur la crise économique. Exaspéré par l'insistance du député de Rousseau, il a traité celui-ci de «Joe McCarthy-François Legault». M. Legault n'a pas saisi l'allusion.
La politique d'investissement des FIER est pourtant claire: «Plus de 50 % des montants cumulés des placements autorisés [calculés annuellement sur la base des montants investis] doivent avoir été placés dans la région» du FIER. Or, cette règle ne peut pas être appliquée maintenant et ne pourra l'être avant plusieurs années -- «cinq ans», précisait M. Daoust jeudi --, le temps que les FIER viennent à maturité. «Il faut bâtir le portefeuille. Simplement sur la base d'une saine administration, on ne serait pas capables de le faire [respecter cette règle]», a dit le président d'IQ, qui semblait plonger dans une opération où la fonction publique s'asservit au pouvoir politique.
Après avoir soutenu jeudi que 2,75 millions des 6 millions investis par le FIER-Boréal 02 l'avaient été dans des entreprises actives au Saguenay-Lac-Saint-Jean, soit près de l'objectif de 50 %, les représentants d'IQ n'ont pu appuyer leurs dires, hier. François Legault a mis en doute le fait que deux de ces entreprises, Toptent et Bureau d'investigations, des sociétés de la région de Montréal, se soient établies au Saguenay-Lac-Saint-Jean. IQ ne s'est fié qu'aux déclarations des dirigeants de ce FIER, MM. Perrino et Boivin, et n'a procédé à aucune vérification, a convenu M. Daoust. «Au Québec, on commence à croire le monde avant de penser que tout le monde ne doit pas être cru», estime Raymond Bachand.
IQ n'a affecté que deux personnes à la supervision des 33 FIER Régions et des 11 FIER Soutien, qui ont investi quelque 200 millions en fonds publics dans plus de 250 entreprises. Ce sont des sociétés privées qui ne sont pas gérées par l'État, a-t-on avancé.
François Legault a indiqué qu'il n'a pas l'intention de se rétracter comme l'ont sommé de faire, par une mise en demeure, MM. Perrino et Boivin. «Ce que j'ai dit cette semaine, c'est qu'il y avait un conflit d'intérêts [découlant du fait] d'être des deux côtés de la clôture. Et j'ai dit aussi que les règles d'Investissement Québec, selon mon interprétation [...] n'avaient pas été respectées. Puis, je maintiens ça.»
Pour M. Legault, les FIER, sont un programme mal conçu qui ne fonctionne pas dans les régions qui manquent de capital de risque, comme la Mauricie, la Gaspésie ou la Côte-Nord, mais qui fonctionne bien dans la grande région de Montréal, par exemple, où le capital ne manque pas. Le député estime que les règles doivent changer pour que tout investissement fait par un FIER se fasse dans sa propre région. Aussi, les FIER ne devraient investir qu'exceptionnellement dans les entreprises de ses dirigeants. François Legault a rappelé que les FIER Ville-Marie et Boréal 02 avait fait neuf placements, pour un total de 6 millions, dans quatre entreprises dont leurs dirigeants, MM. Perrino et Boivin, sont actionnaires.


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