Hydro-Québec - Tout à l'exportation

Churchill Falls - Hydro-Québec / Énergie NB

Si elle aboutit, la transaction de 4,7 milliards par laquelle Hydro-Québec prendra le contrôle d'Énergie Nouveau-Brunswick (ENB) serait avantageuse pour les deux parties. Jean Charest ne s'en cache pas: cette acquisition répond tout à fait à son objectif de faire du Québec un très important exportateur d'électricité. Reste à souhaiter que cette stratégie ne se retourne pas contre nous.
Jamais les Québécois n'accepteraient que leur gouvernement signe une entente du genre de celle que vient de conclure le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Shawn Graham. Les Québécois ne sont pas plus fiers que leurs cousins, mais notre situation est bien différente. Tandis que le Québec possède des réserves d'énergie en quantité exceptionnelle, le Nouveau-Brunswick tire l'essentiel de la sienne de centrales au mazout, au charbon et à l'uranium. Or, à cause de la dette de 4,7 milliards accumulée par ENB et de la hausse des coûts élevés du mazout, les tarifs d'électricité étaient appelés à continuer de grimper au cours des prochaines années.
En vendant sa société d'État, la province pourra fermer ses centrales les plus polluantes tout en s'assurant d'un approvisionnement en électricité propre à des tarifs réglementés qui seront gelés pendant cinq ans pour les particuliers, et réduits d'au moins 20 % pour l'industrie. Tout cela en effaçant les 4,7 milliards de dettes d'ENB, qui représentent 36 % de la dette totale de cette province d'à peine 730 000 habitants.
De son côté, Hydro-Québec fait aussi une très bonne affaire. La société d'État prévoit d'ailleurs un rendement de 10 % dès la première année malgré l'emprunt de 4 milliards qui sera nécessaire pour conclure la transaction.
Cette entente apporte un début de réponse à ceux qui, comme nous au Devoir, ont exprimé leur scepticisme devant le risque d'une production excédentaire durable causée par les nombreux barrages projetés par Hydro-Québec. En acquérant le réseau du Nouveau-Brunswick, Hydro-Québec gagne 10 % de nouveaux abonnés tout en ajoutant un nouvel accès direct au réseau de la Nouvelle-Angleterre. Pour ce faire, faudra-t-il construire de nouvelles lignes de transport si les lignes existantes sont déjà utilisées à pleine capacité? On n'en sait rien, pas plus qu'on ne peut prévoir avec certitude la réaction majoritaire des Néo-Brunswickois à l'actuelle transaction.
Ce que l'on ignore aussi, c'est l'avenir du marché de l'énergie de la Nouvelle-Angleterre. Si le prix très peu élevé du gaz naturel qui alimente les centrales thermiques américaines repart à la hausse, le Québec sera bien placé pour négocier des contrats intéressants. Sinon, ce sont les Québécois qui devront assumer le coût des emprunts nécessaires à la construction de barrages inutiles.
Quant aux craintes qu'entretient le premier ministre de Terre-Neuve, elles sont déraisonnables. Depuis l'ouverture des marchés, les réseaux de transport d'électricité, comme ceux du gaz, sont ouverts à tous moyennant un tarif de passage. Bien sûr, l'acquisition d'ENB met un terme au rêve de Danny Williams de faire payer par Ottawa une ligne de transport qui aurait permis à Terre-Neuve de livrer l'électricité du Labrador sans passer par le réseau d'Hydro-Québec. Mais pourquoi Ottawa aurait-il accepté de jouer ce jeu de fou? D'ailleurs, si jamais Ottawa intervient dans cette transaction au nom d'on ne sait quels intérêts supérieurs, il doit savoir que le Québec se lèvera d'un bloc pour le remettre à sa place.


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