Élections fédérales

Québec aussi à blâmer

Churchill Falls - Hydro-Québec / Énergie NB



En promettant une garantie de prêt de plus de 4 milliards de dollars à Terre-Neuve et à la Nouvelle-Écosse pour la construction d'une ligne de transport d'électricité sous-marine, Stephen Harper justifie son engagement par sa volonté de contrer le réchauffement climatique. Malheureusement, une hirondelle ne fait pas le printemps.
Le projet de centrale de Lower Churchill, au Labrador, permettra le remplacement de quelques centrales au charbon très polluantes par de l'hydroélectricité, ce qui est une bonne nouvelle même si tout le monde sait que l'objectif premier du Parti conservateur est de gagner des sièges à l'est du Québec.
À moins d'un défaut de paiement peu probable, la manoeuvre ne devrait rien coûter aux contribuables canadiens, mais elle engage la responsabilité fédérale et alourdit sa dette. Aux sociétés d'électricité bénéficiaires, elle fera économiser une vingtaine de millions par année grâce au taux d'intérêt inférieur des emprunts garantis par Ottawa.
Ce qui dérange le Québec, c'est cet avantage financier inhabituel qui permettra à Terre-Neuve de réduire le coût de son investissement. Mais pour un projet aussi complexe qui risque de dépasser largement les 6 milliards prévus, c'est bien peu. D'autant qu'une petite partie seulement de l'électricité sera exportée. «Concurrence déloyale», peut-être, mais dont les conséquences seront à peu près nulles sur le prix de l'électricité.
Soyons beaux joueurs, ce qui a surtout choqué du côté du gouvernement du Québec, c'est le fait qu'Ottawa s'immisce dans la guerre des nerfs qui l'oppose à Terre-Neuve. Car, avec ou sans l'aide du fédéral, Hydro-Québec aura désormais un peu de concurrence sur le marché américain, mais aussi sur celui des Maritimes. Ottawa n'avait pas à s'en mêler, mais l'actuelle direction d'Hydro-Québec et son actionnaire, le gouvernement, doivent faire leur propre examen de conscience après les échecs répétés des négociations avec Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse... alouette!
En passant, si Terre-Neuve avait conclu une entente avec le Québec, cela aurait exigé la construction d'une nouvelle ligne sur le territoire québécois. Beaucoup d'argent pour Hydro, beaucoup moins pour nos campagnes et nos paysages.
En critiquant la promesse conservatrice, vendredi, le premier ministre Charest a soutenu qu'il n'appartenait pas à Ottawa de subventionner la production d'électricité, ni même les interconnexions provinciales. C'est vrai qu'Ottawa ne s'est jamais mêlé d'hydroélectricité, mais c'est tout de même à coup de milliards qu'il subventionne l'exploitation pétrolière et gazière de l'Ouest et le nucléaire ontarien, un concurrent beaucoup plus menaçant que Terre-Neuve pour Hydro-Québec.
Le Québec n'a jamais profité des milliards dépensés par le fédéral dans le secteur énergétique, et personne n'est assez dupe pour croire que le parti de Stephen Harper soit en train de prendre un virage à 180° en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Cela dit, il faut saisir la balle au bond et exiger d'Ottawa qu'il s'engage à financer à plus grande échelle les projets innovateurs des provinces tels que la prolongation des lignes de métro dans les grandes villes, l'électrification du transport individuel et collectif et la construction de trains à grande vitesse suggérée par M. Charest.
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j-rsansfacon@ledevoir.ca


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