Gagner du temps

Paradoxalement, l'ampleur même du désastre qui a frappé le PQ lundi pourrait rendre la partie plus facilement jouable pour André Boisclair.

PQ - stratégie revue et corrigée



Il faut pourtant être aveugle pour ne pas voir que la personnalité de M. Boisclair constitue un sérieux handicap pour son parti. Les candidats défaits le disent ouvertement, et ceux qui l'ont emporté savent très bien qu'ils l'ont fait malgré lui.
Le chef péquiste a dit se réjouir de l'appui de ses députés, mais tout ce qu'ils ont trouvé à dire pour sa défense est que Jean Charest est encore plus mal pris que lui. Sérieusement, pensez-vous que M. Boisclair refuserait un échange?
Le PQ semble toutefois si mal en point qu'on peut se demander si une course au leadership qui dégénérerait en guerre intestine ne l'achèverait pas. Sauf pour une poignée de «purs et durs», tout le monde sent aussi qu'il faut crever l'abcès jusqu'au-boutiste qui le mine depuis des années, dans la mesure où une telle chose est possible, mais aucun de ceux qui ont des ambitions n'oserait prendre le taureau par les cornes. Pourquoi ne pas laisser le sale travail à un homme qui n'a plus rien à perdre?
Cette opération ne se fera toutefois pas en un tournemain. Quelle est la durée de vie d'un gouvernement à ce point minoritaire? S'il faut d'abord revoir les orientations du PQ, les prochaines élections risquent de survenir avant que la question du leadership n'ait été réglée. Pour M. Boisclair, l'essentiel est donc de gagner du temps.
Il a vu manoeuvrer Bernard Landry, qui s'était retrouvé dans une situation semblable à la sienne en avril 2003. À l'époque, on ne donnait pas cher de sa peau. Il a pourtant résisté pendant deux ans, et il n'en finit plus de regretter de ne pas s'être contenté de l'appui de 76 % des délégués au congrès de juin 2005.
Le scénario qui se dessine actuellement ressemble à s'y méprendre à celui de 2003. Quelques semaines après les élections, le conseil national avait reporté au plus tôt au printemps 2004 la tenue d'un congrès qui aurait à se prononcer sur le leadership de M. Landry, dont il fallait respecter la «réflexion». Quelques jours plus tard, l'exécutif du parti, dont il avait le contrôle, lui avait accordé une année de grâce additionnelle.
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Hier, M. Boisclair a formellement écarté l'hypothèse, d'ailleurs totalement irréaliste, d'un congrès dès juin prochain. Il s'en remet maintenant aux statuts du parti, qui prévoient la tenue d'un congrès aux quatre ans, soit en 2009.
La Conférence des présidents, qui se réunira en juin, pourrait rapprocher cette échéance, mais on ne déplace pas des milliers de personnes simplement pour un vote de confiance. Les délégués devront également discuter des orientations fondamentales du PQ, ce qui suppose une consultation préalable de la base, une nouvelle «saison des idées», qui devrait occuper tout l'automne. Le moment de vérité n'arriverait donc pas avant le printemps 2008.
Cette perspective a de quoi donner des cauchemars à Gilles Duceppe, qui n'a aucune envie de subir l'épreuve d'une nouvelle campagne électorale, qui s'annonce encore plus difficile que celle de l'an dernier.
S'il fallait que l'hécatombe de lundi se reproduise au niveau fédéral, qui voudrait encore de lui au PQ? En 2005, il avait été condamné à regarder passer le train alors qu'on le pressait d'y monter. Cette fois-ci, on lui dirait plutôt de rester sur le quai.
André Boisclair est certainement le dernier à croire le chef du Bloc québécois quand il dit vouloir accorder à son vis-à-vis péquiste le temps de réfléchir. Ce n'était pas par grandeur d'âme que M. Duceppe s'était lancé à sa rescousse en début d'année, quand Bernard Landry avait tenté de le déstabiliser, mais pour se réserver la place.
Stephen Harper ne demanderait certainement pas mieux que de voir le chef du Bloc quitter Ottawa pour Québec. Après le départ de Michel Gauthier, celui de M. Duceppe lui faciliterait encore la tâche.
Le premier ministre Harper a beau répéter qu'il n'a pas envie de déclencher des élections, combien de temps pourra-t-il résister à la tentation alors que les sondages commencent à laisser entrevoir la possibilité d'une majorité conservatrice?
Un scrutin l'automne prochain est presque exclu à cause des élections ontariennes et le printemps 2008 semble bien loin. Même si les libéraux se rendent compte maintenant de l'erreur monstrueuse qu'ils ont commise en le choisissant comme chef, Stéphane Dion pourra-il vraiment demeurer aussi mauvais tout ce temps?
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S'il réussit à neutraliser M. Duceppe, André Boisclair peut raisonnablement espérer survivre. Les raisons d'ordre familial qui avaient mené François Legault à se désister en 1995 l'empêcheraient encore de se lancer dans la course.
Certains voient Pierre Curzi ou Bernard Drainville dans leur soupe. L'un et l'autre sont indéniablement des hommes de talent, mais ils ont encore des croûtes à manger. Après l'expérience qu'ils viennent de vivre, les péquistes devraient d'ailleurs se méfier des coups de coeur.
Le PQ aurait-il fait mieux avec Pauline Marois? Sans doute, mais elle est demeurée blessée d'avoir été aussi brutalement rejetée par les membres de son parti. Même si on lui en offrait la direction sur un plateau d'argent, elle hésiterait encore. Peu importe le chef, les probabilités d'une victoire péquiste aux prochaines élections ne sont pas très fortes. Pour l'heure, c'est l'ADQ qui est dans l'antichambre du pouvoir.
Bien entendu, il y a Bernard Landry. Prions le ciel de lui épargner le ridicule d'une nouvelle tentative de retour. Un ancien premier ministre du Québec, souverainiste de surcroît, n'a pas davantage sa place à la tête d'un tiers parti à la Chambre des communes, où le destine la rumeur. De toute manière, comment M. Landry pourrait-il supporter tous ces «bouts de chiffon rouges» qui flottent un peu partout à Ottawa?
mdavid@ledevoir.com


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