À sept jours du scrutin du 26 mars, tout est encore possible. Néanmoins, il est d'ores et déjà acquis que la victoire appartiendra aux régions à qui revient, dans cette élection-ci, le privilège de choisir la couleur du prochain gouvernement. D'entrée de jeu, les partis politiques l'avaient bien compris et ils leur ont consacré l'essentiel de leur énergie, délaissant presque complètement les grandes villes, tout particulièrement Montréal.
Cette absence des enjeux urbains du débat électoral se comprend mal. Les Québécois sont, comme nous le rappelait la semaine dernière la publication des données du recensement de 2006, des urbains dans une proportion de plus de 80 %. La seule région métropolitaine de Montréal rassemble tout près de la moitié de la population québécoise, et ses 3,6 millions d'habitants contribuent pour 50 % au produit intérieur brut du Québec.
Le silence des grands partis envers les grandes villes repose pour une large part sur des motifs de rentabilité électorale. Alors qu'à Montréal, Laval et Longueuil, l'électorat est d'une stabilité remarquable, c'est tout le contraire en région. Arracher à l'adversaire quelques circonscriptions fera toute la différence entre la première, la deuxième et la troisième place le soir du scrutin. Il faut donc être présent, sillonner le Québec des régions dans tous les sens et manifester une volonté de répondre à leurs attentes, ce qu'ils ont fait sans relâche.
Le premier ministre Jean Charest est celui qui a le plus misé sur la sensibilité des régions, leur réservant tout un chapitre de son budget déposé la veille du déclenchement des élections. Dans un véritable feu d'artifice de promesses, il leur consacrait tout près de 700 millions d'investissements pour les cinq années à venir, n'accordant que 140 millions à Montréal et 25 millions à Québec. Plus modeste, le Parti québécois devait pour sa part y aller d'une promesse de 375 millions. Quant à l'Action démocratique, elle a proposé un Fonds d'autonomie régional dont on ne sait encore combien d'argent elle y investirait.
Il ne s'agit pas de contester les besoins des régions. Plusieurs d'entre elles ont été durement frappées par les crises forestière et manufacturière. Leurs économies sont fragiles, et le gouvernement ne peut les laisser à elles-mêmes. En revanche, on ne peut faire comme si Montréal et Québec n'existaient pas. Ces deux grandes villes ont aussi des défis à relever, qui sont de l'ordre du développement économique, du développement social et du développement culturel. En dépend la prospérité de l'ensemble du Québec.
Le premier ministre Charest nous avait dit lors du débat des chefs de 2003 qu'il croyait au développement des grandes villes. C'était pour mieux nous faire avaler ses référendums sur les défusions. Si, en quatre ans, il n'a su trouver le début du commencement d'une politique de développement urbain, ce n'est pas faute d'avoir reçu des suggestions de leurs maires. En janvier, celui de Montréal présentait un état de situation des besoins de la métropole de plusieurs centaines de millions qu'il proposait de financer sans «pomper» du gouvernement l'argent dont les régions ont justement besoin. Donnez à Montréal, lui disait Gérald Tremblay, un pouvoir habilitant lui permettant de lever de nouvelles taxes pour autofinancer ses projets. Il attend toujours la réponse qui ne viendra pas.
Ce silence de Jean Charest, que semblent approuver Mario Dumont et André Boisclair, témoigne d'un manque de vision de l'avenir du Québec qui ne peut reposer uniquement sur des stratégies de développement régional. Ce qu'ils semblent retenir pour l'instant, toutefois, c'est que leur avenir personnel passe par les régions et que ce n'est surtout pas le temps de divertir leur attention en évoquant les problèmes des grandes villes.
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