Plus le temps passe, plus ce qu'on nomme «les régions» du Québec se trouve au coeur de la bataille électorale. Pourtant, si l'économie des régions ressources est durement frappée par la crise de la forêt et de l'agriculture, c'est toute l'industrie manufacturière, surtout concentrée dans le sud du Québec, qui est menacée par la crise actuelle.
Au cours des derniers mois, on a surtout parlé des forêts et de l'industrie porcine, et beaucoup moins des industries pharmaceutique, de l'électronique ou du meuble, qui sont aussi très affectées par la concurrence étrangère. Une première raison tient au fait que les scieries ou les papetières font vivre des villages entiers, et que leur fermeture crée des drames humains à l'échelle de toute une région, ce qui n'est pas le cas lorsqu'une usine de vêtements ferme à Montréal.
Une autre raison, c'est que les indices traditionnels de santé économique, tels les taux de chômage et d'inflation, donnent l'impression que la situation est aujourd'hui meilleure qu'elle ne l'a déjà été.
C'est vrai qu'à 7,8 % le mois dernier, le chômage paraît maîtrisé. Mais ces chiffres cachent une réalité plus dramatique: au cours du seul mois de février, le Canada a perdu 35 000 emplois dans le secteur manufacturier, dont 33 000 au Québec seulement. Depuis quelques années, le secteur manufacturier québécois a subi une saignée de plus de 100 000 emplois à cause de la productivité insuffisante des entreprises révélée au grand jour par la hausse du dollar et la concurrence de l'économie asiatique.
Tous n'en meurent pas (voir le dossier de notre collègue François Desjardins à la une du Devoir), mais le problème est grave et rien ne laisse croire à un redressement dans un avenir rapproché.
Le secteur manufacturier, c'est un emploi sur cinq au Québec. Des emplois généralement bien rémunérés compte tenu de la formation qui est exigée des travailleurs. C'est aussi un secteur qui exporte beaucoup et, ce faisant, qui contribue à l'équilibre des échanges commerciaux avec l'étranger.
Dans la forêt qui fait vivre des dizaines de milliers de personnes, dont un grand nombre sont très peu mobiles, ce n'est pas seulement le dollar qui fait mal, mais l'épuisement de la ressource et la taille restreinte des usines. Dans le papier journal, la demande mondiale est en baisse et l'arrivée de nouveaux producteurs force la fermeture d'usines. Dans le textile et le meuble, c'est la Chine qui bouscule nos certitudes et incite nos entreprises à délocaliser leur production. Et que dire de centaines d'autres PME installées en Montérégie, en Beauce et dans la grande région de Montréal pour produire des biens aussi menacés par la concurrence étrangère?
Devant cette situation, les trois partis qui mènent dans les sondages misent sur des programmes de formation de la main-d'oeuvre et de soutien à la modernisation de l'industrie. En outre, le PLQ et le PQ proposent d'alléger la fiscalité, comme d'abolir la taxe sur le capital qui nuit à la productivité puisque plus une entreprise investit, plus elle voit sa facture grimper. Voilà des mesures minimales puisque le niveau d'investissement des entreprises québécoises est l'un des plus bas au pays.
À l'ADQ, on reste vague en promettant «de stimuler l'investissement par des avantages fiscaux» et «d'adopter une stratégie de modernisation tournée vers l'adaptation à la mondialisation», mais sans plus.
Cela dit, dans tous les cas, le sentiment qui se dégage de la lecture des programmes, c'est que nos politiciens n'ont aucune idée de la direction à prendre pour placer le Québec sur les rails de l'avenir. L'aéronautique en arrache, l'industrie pharmaceutique aussi, les secteurs traditionnels sont en voie de disparition... et pendant ce temps, on se demande si on aura assez d'épinettes à couper pour fournir les États-Unis en 2 X 4 dans dix ans. Vivement qu'on nous offre l'occasion de débattre de ce que nous réserve l'avenir une fois qu'on sera sorti du bois!
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