POUR FAIRE ACCEPTER "L’OPTION DURE"

"Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite" Lc 13,24

Les Québécois(e)s doivent être pénétré(e)s par l’urgence et l’incontournabilité de l’indépendance

2011 - actualité souverainiste


À tous les lecteurs et lectrices de Vigile,
Le 15 juillet dernier, l’éditeur de Vigile, Bernard Frappier nous a signifié ce que je décrirais comme une mise en garde : le Parti québécois doit clairement et solennellement s’engager à réaliser l’indépendance aux prochaines élections ou il disparaîtra.
Depuis ce jour, vous avez pu constater que nous nous sommes divisés en deux "factions" : les inconditionnel(le)s du Parti québécois, de sa cheffe actuelle Pauline Marois et son plan de "gouvernance souverainiste" d’une part et les partisans de l’élection décisive, qu’elle soit annoncée par le PQ, un autre parti indépendantiste ou une coalition de partis ou de candidats clairement indépendantistes.
En tout respect pour les vigilien(ne)s de la première faction, je considère que la situation de la nation québécoise est non seulement critique, mais probablement même arrivée à un point de non-retour. À moins d’un concours de circonstances extraordinaires, la prochaine élection pourrait être notre dernière chance de réussir notre projet de pays. En effet, vous n’êtes pas sans savoir que l’actuel gouvernement provincial dirigé par Jean Charest s’est attaqué, depuis le 14 avril 2003, aux fondements de notre État-nation édifiés courageusement au cours de la Révolution tranquille, mis les ressources de cet État au service et au profit de l’oligarchie de Bay Street et ses collaborateurs du Québec ("l’Ordre marchand") et orchestré une immigration massive dépassant notre capacité d’intégration à la société civile francophone.
D’élection en élection, notre situation et le potentiel de réussite de notre projet ne cessent d’empirer. Or, malgré tout le mal que nous pensons des médias et des maisons de sondage, le résultat annonce une catastrophe inévitable pour le PQ si des changements drastiques ne sont pas entrepris à la direction du parti, dans la justification même de son existence et la stratégie pour accomplir son objectif ultime.
UNE OBLIGATION DE RÉSULTATS, SINON… ON PASSE À UN AUTRE JOUEUR
Pour réussir à faire du Québec un pays, le Parti québécois se doit, par conséquent, de ne pas se dicter sa ligne de conduite par l’ennemi, comme je l’ai expliqué dans "Le PQ – Un film d’horreur qui n’en finit plus". Pour faire échouer notre rêve légitime et démocratique de liberté en 1995, le Canada et ses défenseurs nous ont déclaré la guerre en ne se privant d’aucun moyen, fut-il antidémocratique, sournois ou abusif. Aucun parti fédéraliste (PLC, PCC, NPD, PVC) ne s’est dissocié non plus de l’inique Loi sur la clarté de 1999 visant à bloquer toute tentative réussie du Québec de choisir majoritairement sa liberté comme peuple et nation distinct.
Il n’est donc plus possible de faire l’indépendance en élisant un simple gouvernement provincial québécois, qu’il soit péquiste ou autre, sans remettre en cause la légitimité de la démarche. Un gouvernement tire sa légitimité de son élection, elle-même basée sur l’acceptation de son programme rendu public à l’électorat. Un gouvernement élu est responsable de respecter le programme qui l’a fait élire. Il appartient au peuple de décider si ce programme est illégal ou non, car un peuple libre est souverain. Si Ottawa ou les fédéralistes refusent de reconnaître le verdict rendu par les Québécois(e)s, ils accréditeront notre prétention que le Canada ne respecte pas notre droit à l’autodétermination tel que défini par l’ONU et entériné par ce pays. À défaut d’entente sur le rapatriement des pouvoirs fédéraux et sur le partage des actifs et de la dette, ce sera le droit international qui devra être observé par le gouvernement national du Québec.
Le Canada n’est que le prolongement du régime colonial britannique. Il n’a été constitué en union fédérative que pour préserver les intérêts de l’oligarchie britannique et protéger ce qui restait des colonies britanniques d’Amérique du Nord de l’annexion aux États-Unis.
Dans ces conditions, faire l’indépendance du Québec, c’est redonner aux vaincu(e)s de 1760 le pouvoir d’assurer leur destinée par eux-mêmes pour eux-mêmes, c’est mettre fin à l’hégémonie néocoloniale canadian, c’est rendre illégales les manœuvres des fédéralistes et leur appui par l’establishment économique et financier pour éradiquer la différence québécoise et empêcher le français de constituer la seule langue officielle et commune de la société civile. C’est rompre avec plus de 250 ans de continuité historique où l’envahisseur de 1760 est passé d’une minorité à une majorité. Faire l’indépendance, c’est briser l’ordre et la certitude actuels, qui sont faits, justement, pour placer la majorité québécoise en position d’impuissance politique. C’est rompre avec la "légalité" canadian. C’est refuser de reconnaître et de respecter la constitution de 1982 et sa charte des droits et libertés individuels.
CHERCHER À ENTRER PAR "LA PORTE ÉTROITE"
Il faut enfin arrêter de se mettre la tête dans le sable. La population doit accepter l’option "dure", celle de l’indépendance sans nécessairement d’entente économique ou politique avec le Canada. Car c’est la seule qui est envisageable et qui devrait faire l’objet des sondages d’opinion. S’il devait obligatoirement y avoir un référendum à tenir sur le règlement de la question nationale, elle devrait être la suivante :

Voulez-vous que le Québec devienne un pays indépendant du Canada en date du… ou préférez-vous qu’il demeure une province dans le Canada selon les conditions des lois constitutionnelles de 1867 et 1982, incluant la Charte canadienne des droits et libertés individuels?

Les 49,4% d’appuis pour l’indépendance du Québec (avec une entente bilatérale avec le Canada sur la mobilité des biens, des personnes et des capitaux), c’est le meilleur résultat que nous avons obtenu, lors du référendum de 1995. On sait qu’il nous a été volé, essentiellement, comme l’a dit Jacques Parizeau, par l’argent (les sommes colossales englouties par le fédéral et l’establishment économique canadian pour des activités de visibilité comme le "love-in" du 27 octobre 1995) et des votes ethniques (processus accéléré des naturalisations par Citoyenneté et Immigration Canada entre 1994 et le référendum de 1995) et que, une semaine après, un sondage donnait le OUI gagnant à 54%.
Cependant, pour réussir notre indépendance, il faudra consolider le vote "volatil" ou circonstanciel, cette tranche située entre les 25-30% qui appuie constamment l’indépendance pure et simple du Québec et les 70% lors de l’appui record jamais obtenu lors d’un sondage d’opinion en septembre 1990 (après le dévoilement public du Rapport Allaire du PLQ).
Nos 25-30% de décidé(e)s, c’est ce qu’on pourrait considérer, par analogie avec le texte de l’Évangile de Saint-Luc illustrant la grande difficulté d’entrer dans le Royaume de Dieu, notre "porte étroite" conduisant vers l’indépendance. Ce sont elles et eux, appuyé(e)s par des outils pédagogiques conçus par nos intellectuel(le)s de l’indépendance, qui constituent le "noyau dur" du mouvement indépendantiste, la logique implacable de leur argumentation et son application aux réalités de tous les jours pouvant perforer la "porte" de l’indépendance, l’élargissant idéalement aux 60-70% de souverainistes potentiel(le)s que montrent les sondages aux moments les plus favorables de notre histoire. Tout comme le noyau de tungstène d’un projectile anti-char à travers le blindage du char des fédéralistes! De la même manière que ce projectile anti-char peut avoir un élément incendiaire pour faire exploser le magasin de munitions du char ennemi, un appui populaire aussi net à une option claire, qu’il se signifie par une élection générale décisionnelle décisive ou un référendum sur une question comme celle mentionnée plus haut, forcera Ottawa à reconnaître sa défaite et la communauté internationale à nous appuyer en cas d’hésitation ou de mauvaise foi des fédéralistes.
Pour y arriver, il faudra non seulement faire une pédagogie de l’indépendance, mais également opposer ce statut politique au statu quo constitutionnel canadien. Placer les avantages de l’indépendance face à la réalité provinciale actuelle (sous forme de tableaux comparatifs). Je ne parle pas des désavantages, car l’ennemi saura bien le faire à notre place. Laissons-le travailler à vendre sa poutine indigeste et indéfendable et se discréditer lui-même!
Si nous faisons bien notre travail (ce pourrait être par des conférences de Cap sur l’indépendance ou des assemblées de cuisine organisées par ses organisations locales), les citoyen(ne)s devraient être mieux outillé(e)s pour démêler le vrai du faux.
Une telle tâche est probablement trop colossale pour être accomplie avant la prochaine élection générale. Cette entreprise aura davantage de succès advenant une nouvelle défaite gênante pour le Parti québécois. En effet, tant que le PQ existe et draine l’attention, l’énergie et les moyens des indépendantistes québécois, toute tentative d’alternative politique est vouée à l’échec, faute de visibilité et de crédibilité. Une nouvelle défaite du PQ tel qu’il est dirigé et avec l’option ambiguë qu’il présente consacrera non seulement son incapacité ou son refus de se remettre en question, mais également sa désuétude comme option politique tout court (à l’image de l’Union nationale), même dans un cadre provincial. Ce ne sera qu’à partir de ce moment que tout redeviendra possible.


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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    5 août 2011

    @ monsieur Girard,
    Je dois admettre que mon intervention n'est pas très limpide. Ce que j'ai voulu exprimer, c'est ma foi en la création d'un nouveau parti indépendantiste cet automne qui mettra fin à notre division. Le PQ démasqué comme un parti fédéraliste en sera réduit à se battre contre trois autres partis à l'idéologie semblable. Dans ces conditions, il est donc évident que le PQ n’a pas beaucoup de chance de survivre. Je ne suis pas certain, par ailleurs, qu'il y ait une élection anticipée. Charest nous l'a confirmé au début de l'été.
    Si vous me diriez que mes propos relèvent de stratégies machiavéliques, je vous donnerais volontiers raison là-dessus. Mais si vous y réfléchissez bien, vous conviendrez avec moi que nous avons maintenant une configuration politique qui ne peut faire autrement que de relancer la discussion sur les orientations et l'avenir de notre peuple. Nous avons devant nous une fenêtre d’opportunité unique que beaucoup d’entre nous allons exploiter plus tôt que tard. Vous serez étonné de la puissance du mouvement !

  • Pierre Simard (écrivain) Répondre

    5 août 2011

    Il y a encore une chose que je comprends pas, qu'on m'explique !
    Un parti indépendantiste prend le pouvoir et au lieu d'assumer la décision du peuple, il se met à genoux devant le fédéral pour proposer un référendum qui fait l'affaire du fédéral. Coudon !!!
    Dans mon monde à moi, que ce soit le PQ ou bien Québec Solidaire, quand le puple se prononce, on vit avec la décision...
    Et quand les libéraux ont pis le pouvoir, est0-ce qu'on a eu un référendum pour confirmer si on veut rester lié avec nos amis fédéralistes ?
    Pourquoi ce besoin de toujours demander la permission de manger au lieu de prendre ce qui est dans l'assiette ?

  • Claude Girard Répondre

    5 août 2011

    Monsieur Savoie a raison. Il y aura élection cet automne et le PQ sera balayé comme le Bloc le fut en mai et pour les mêmes raisons. Le PQ a perdu toute crédibilité sous Lucien Bouchard et ne s'en relèvera pas. L'agonie dure depuis 2003 et l'élection qui vient sera le coup de grâce.
    Charest déclenchera une élection anticipée juste avant que la crise économique qui est déjà commencée ne frappe. En fait, c'est celle de 2008, un temps différée par l'étatisation des dettes bancaires, qui continue et connaîtra son aboutissement par l'effondrement du capitalisme financier mondialisé. Comme l'a souligné à juste titre Richard Le Hir et d'autres collaborateurs dans ces pages, Charest fera campagne avec le Plan nord qui n'est rien d'autre qu'une tentative désespérée du capital financier de sortir du secteur financier pour se repositionner, à l'instar de Power Corp, dans le secteur des ressources.
    Compte tenu du degré d'intérêt élevé de l'oligarchie financière canadian du Québec pour un tel projet mais aussi des retombées qu'il implique pour le sacro-saint secteur de la construction, je prévois un balayage libéral entrainant la disparition du PQ. Ce ne sera toutefois pas la fin de l'Histoire. Tout comme l'effondrement du capitalisme financier, la fin du PQ rendra enfin possible une recomposition de l'espace politique visant une plus grande démocratisation et une réappropriation de l'économie qui passent inévitablement par la constitution d'un état québécois indépendant.

  • Archives de Vigile Répondre

    5 août 2011

    Ne vous cassez plus la tête, monsieur Bertrand ! Les forces vives du Québec vont faire la peau du PQ dès cet automne. Vous allez être surpris vous-même de notre puissance.
    À ceux qui nous accuseront de diviser le vote nationaliste, nous leurs répondrons que le PQ actuel et sa gouvernance souverainiste constitue la plus grande menace pour le peuple québécois. Nous allons leur répondre que les dirigeants du PQ se sont transformés au fil du temps en bedeaux, sacristains et pleutres de la souveraineté et qu'ils n'ont aucune volonté de faire l'indépendance. Nous leur diront aussi que le PQ a été noyauté par des fraudeurs qui cachent leur orientation fédéralistes.
    Cet automne sera le dernier tour de piste du parti québécois comme parti indépendantiste. Il sera démasqué!