Le thème des candidats républicains en matière de politique étrangère est la lutte contre le radicalisme islamiste et cson corollaire, l'occupation indéfinie de l'Irak. (Photo Bloomberg News)
Les républicains, tous les analystes le disent, sont en plein désarroi. Ils cherchent un candidat rassembleur et n'en trouvent aucun. Romney, McCain, Giuliani, Thompson, Huckabee et Paul présentent des visions opposées et souvent radicalement différentes sur les questions nationales, l'économie, les valeurs.
L'effet est dévastateur, puisque les candidats étalent publiquement le spectacle d'un parti fractionné, divisé idéologiquement, incapable de susciter l'enthousiasme des militants et encore moins celui des électeurs républicains. Il y a pourtant un thème où, à la notable exception de l'obscure Ron Paul, le consensus règne: les options de politique étrangère.
À chaque élection présidentielle, tout candidat sérieux à la Maison-Blanche ou à un poste important au sein de l'administration décrit sa vision du monde dans les pages de la prestigieuse revue Foreign Affairs.
Au cours des six derniers mois, la plupart des candidats démocrates et républicains ont sacrifié à cet exercice. La lecture des textes est ennuyante tellement le genre est convenu, mais elle permet ici et là de se faire une idée des priorités de ceux et celles qui aspirent aux plus hautes fonctions.
Par exemple, il y a huit ans, c'est dans de ce bimensuel que Condoleezza Rice s'était ridiculisée en dénonçant la propension des démocrates à vouloir reconstruire les États faillis, exactement la tâche à laquelle elle s'est attelée aujourd'hui en Afghanistan et en Irak où son patron a consciemment pulvérisé le pays pour mieux le sauver.
Les candidats Romney, McCain, Giuliani et Huckabee se sont exprimés dans Foreign Affairs, mais aussi pendant la campagne et dans certains messages publicitaires. Que disent-ils sur la place des États-Unis dans le monde ou, pour être plus précis, sur la place du monde dans leur univers mental et politique?
Du pareil au même avec, bien entendu, des nuances à peine perceptibles. Le thème majeur est la lutte contre le radicalisme islamiste et son corollaire, l'occupation indéfinie de l'Irak, vaste champ de tir où le Pentagone expérimente ses guerres futures en attendant le signal des politiques pour les exporter ailleurs dans la région.
Et à lire les candidats, le Pentagone ne devrait pas attendre trop longtemps advenant l'élection d'un d'entre eux. Mitt Romney fait de l'Irak le front essentiel de la guerre contre les islamistes radicaux dont l'objectif est «de remplacer tous les États islamiques modernes par un califat mondial tout en anéantissant les États-Unis et en convertissant les infidèles».
Romney veut donc augmenter massivement le budget militaire, un engagement qui n'a rien pour déplaire à un de ses proches conseillers en politique étrangère, le vice-président de la société privée de mercenaires Blackwater, celle qui assure la protection des officiels américains en Irak pour un milliard de dollars tout en tuant des civils en toute impunité.
John McCain, en rajoute. Même si «Dieu nous a créés et nous a élevés à cette position de pouvoir et de force afin d'accomplir un grand destin», notre défaite en Irak aux mains des islamistes serait le signal «que le monde suit leur volonté et que tout devient possible». C'est pour cette raison d'ailleurs qu'il estime nécessaire que les Américains restent en Irak «au moins cent ans».
L'ancien maire de New York, Rudy Giuliani, supposé héros du 11 septembre, qui a fait de la peur et de la paranoïa le thème central de sa campagne, n'est pas en reste. Dans ses nouvelles publicités destinées principalement aux personnes âgées en Floride, un État qui compte, les images montrent des musulmans armés, des explosions, des gens ensanglantés, le président iranien Ahmadinejad, alors que la bande sonore invite les électeurs à choisir un chef déterminé face à ces énergumènes.
Pauvreté rarement égalée
Sur le reste du monde, la réflexion des candidats républicains est d'une pauvreté rarement égalée. Quelques lignes sur l'Afrique, l'Amérique latine et l'Asie, un paragraphe ou deux sur l'Europe et l'Alliance atlantique. John McCain veut expulser la Russie du G8 et qualifie l'augmentation du budget militaire chinois (environ 100 milliards de dollars pour 600 du côté américain) d'«acte provocateur».
Mitt Romney compte sur le pouvoir du commerce pour pacifier le Proche-Orient, tout en maintenant sa poudre au sec, alors que Giuliani rappelle que «Pepsi, Coca-Cola, McDonald, et Levi's nous ont aidés à gagner la Guerre froide en pénétrant le marché soviétique». Nous avons besoin, dit-il, «d'un échange de même type avec les pays musulmans».
Les bombes, le sang, la condescendance et quelques sacs de riz pour le tiers monde sont au coeur du programme des candidats, et pourtant tous reconnaissent que les États-Unis souffrent d'un problème de crédibilité et d'image dans le monde.
Leur solution n'est pas de changer le discours et les politiques responsables de cet état de fait, mais d'augmenter les budgets destinés à expliquer que «nous sommes une nation hors du commun, qui se rapproche le plus de l'image du phare dans la nuit», comme l'affirme McCain.
Quelles que soient leurs propositions en matière de politique nationale ou étrangère, les candidats républicains ne pourront éviter à leur parti une véritable débâcle le 4 novembre prochain. Le Canadien David Frum, conseiller de Giuliani, en est convaincu et pense même que la traversée du désert va durer huit ans.
Désespéré, il recommandait récemment au Parti républicain d'appâter les électeurs avec des thèmes comme l'environnement, fonds de commerce des démocrates. Quelle misère! Le Parti républicain est vraiment devenu une Nef des fous naviguant vers son naufrage.
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Jocelyn Coulon
L'auteur est directeur du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix et professeur invité au GERSI et au CERIUM de l'Université de Montréal. j.coulon@cerium.ca
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Du pareil au même
Primaires américaines 2008
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L’auteur est directeur du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix et professeur invité au GERSI et au CERIUM de l’Université de Montréal.
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