Le talon d'Achille d'Obama

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Primaires américaines 2008


Soyez réalistes, demandez l'impossible*. Parfait alors: serait-ce possible que nous vivions tout ce mois sans remarquer les actes, les rêves et la signification plus profonde des soixante-huitards*?

Bien sûr que c'est impossible: s'attendre à ce que la génération de notre temps qui a la plus grande estime d'elle-même réfléchisse modestement et tranquillement sur les événements de mai 68 à Paris et sur ce qu'ils signifient est pure folie. Les jeunes feraient mieux de comprendre que nous n'en aurons pas fini avec eux tant que, écrasées par des impôts pour payer des pensions et des soins de santé, des hordes en colère de Vingt-Huitards postmillénaires ne s'abattront pas sur les maisons de retraite en Floride et euthanasient tout le monde.
Je rigole! En gros. C'est juste que la semaine dernière, les États-Unis ont subi une manifestation particulièrement méchante et destructrice du radicalisme des années 60 qui refuse de la boucler. Le révérend Jeremiah Wright, ce vieux fou pompeux, qui a été le pasteur de Barack Obama pendant plus de 20 ans, a lancé une série d'attaques étonnantes sur la campagne d'Obama. Si Obama perd la candidature démocrate ou les élections générales, on pourra imputer la faute à Wright.
Obama n'avait que 6 ans lorsque des étudiants parisiens sont descendus dans la rue. En 1968, un jeune théologien noir du nom de James Cone travaillait à la rédaction d'un livre intitulé Black Theology and Black Power, qui fut publié l'année suivante et qui présente les Noirs comme étant le Peuple élu. «La théologie noire, écrivait Cone, acceptera seulement l'amour de Dieu qui participe à la destruction de l'ennemi blanc.»
Jeremiah Wright est le disciple de Cone le plus en vue. Wright est un soixante-huitard américain et sa carrière a fleuri grâce à ses initiatives pour rendre le radicalisme noir chic. Oubliez que Wright se promène au volant d'une Porsche et qu'il se retire dans une grande maison de 10 millions US dans un ghetto doré. Il a bâti sa carrière en faisant la réclame de la théologie raciste et des théories de conspiration.
Voici qu'entre en scène Barack Obama, un Noir d'une génération plus jeune dont l'esprit et la conscience ont été formés par l'ère post-années 1960, une époque de plus grande paix et de réconciliation entre Noirs et Blancs. La rage des soixante-huitards ne l'habite pas, et d'ailleurs, comment pourrait-il en être ainsi? Il ne se définit pas lui-même, sur le plan personnel ou philosophique, dans une perspective de conflit Noir-Blanc, ce qui est la perpétuation de la raison d'être de Wright.
Dans les États-Unis d'Obama, les célèbres soixante-huitards noirs - les Jeremiah Wright, les Jesse Jackson de ce monde - verront leur pouvoir s'étioler. C'est cela qui a dû inspirer à Wright sa bizarre tentative de bousiller la campagne d'Obama en présentant de nouveau au public ses théories radicales et, de manière encore plus destructrice, en soutenant devant les reporters qu'Obama ment lorsqu'il nie partager ses opinions.
Wright comprend très bien que le talon d'Achille du candidat démocrate est cette association que l'on fait avec lui et son radicalisme. En travaillant pour confirmer les soupçons des électeurs qu'Obama est un loup radical déguisé en mouton modéré, Wright sabote la première vraie occasion pour un Noir d'accéder à la Maison Blanche. Cette vanité laisse sans voix.
Pourtant, on doit bien reconnaître que si Obama ne s'était pas attaché au fougueux soixante-huitard, il ne serait pas rendu là où il est aujourd'hui. Élevé par une famille blanche et formé dans les grandes universités de la côte est américaine, Obama avait besoin de crédibilité dans les rues de Chicago. Obama l'a obtenue en se faisant l'acolyte d'un Noir radical, charismatique, fort en gueule. C'est sans doute pour cela qu'Obama s'est tenu sur les bancs de l'église de Wright pendant 20 ans sans élever d'objection contre la rhétorique toxique du pasteur.
Aujourd'hui, au moment où Wright ne peut plus contribuer à son avancement professionnel, Obama souhaite l'écarter de son chemin. Mais Wright n'est pas parvenu là où il est aujourd'hui en faisant preuve d'humilité.
La semaine dernière, c'est un Obama dégonflé et déprimé qui a récité une litanie devant les reporters, tentant d'exorciser les démons de Wright qui attaquent sa campagne. Mais les seuls mots ne suffiront pas. Le Spectre de 1968 va hanter Obama - et nous tous, les post-Baby Boomers - tant que le dernier soixante-huitard ne sera pas mort.
*En français dans le texte.
Jeremiah Wright (Photo AP)

Rod Dreher
L'auteur est éditorialiste au Dallas Morning News.


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