L'imprévu prévisible: les victoires d'Obama et de Huckabee en Iowa

Primaires américaines 2008



Les primaires du New Hampshire seront cruciales pour Hillary Clinton et Mitt Romney
Alors que les résultats des caucus démocrates et républicains de l'Iowa auraient étonné la plupart des spécialistes il y a quelques semaines à peine, les sondages menés dans le petit État du Midwest depuis quelques jours avaient bel et bien prédit la victoire de Barack Obama chez les démocrates et celle de Mike Huckabee chez les républicains. Le ralliement des jeunes au message d'Obama indique que ses talents d'orateur ont réussi à les convaincre qu'il incarnait le changement.

Du côté des républicains, Mike Huckabee a prouvé que l'argent ne permet pas d'acheter le vote -- à tout le moins en Iowa. Les candidats des deux partis n'auront toutefois pas le temps de célébrer puisque les primaires du New Hampshire, le 8 janvier, pourraient changer la donne. Ces primaires seront encore plus cruciales pour Hillary Clinton et Mitt Romney, qui devront absolument l'emporter dans cet État s'ils espèrent obtenir la nomination de leur parti: depuis 1976, aucun candidat à la présidence, qu'il soit d'allégeance démocrate ou républicaine, n'a pu obtenir l'investiture sans une victoire en Iowa ou au New Hampshire, sauf Bill Clinton en 1992. Un exploit qu'il sera difficile d'égaler pour les têtes d'affiche nationales des deux partis politiques américains. Quant à Rudy Giuliani, il devra espérer que sa stratégie électorale portera ses fruits.
Chez les démocrates: qu'adviendra-t-il d'Hillary Clinton?
Une troisième place représente assurément le scénario le plus décevant pour Hillary Clinton, même si son essoufflement en fin de campagne était palpable. Son expérience politique et sa grande notoriété ne l'ont pas bien servie dans un État où les votes se gagnent davantage grâce à la personnalité qu'aux idées. Par ailleurs, même si elle mène dans les sondages au New Hampshire, l'«effet Iowa» risque de se faire sentir jusqu'au 8 janvier: Obama profitera alors de circonstances très favorables, d'une forte attention médiatique et, probablement, d'une rentrée d'argent supplémentaire. Tous ces éléments pourraient contribuer à modifier le cours des événements. Pour Hillary Clinton, une défaite au New Hampshire signifierait vraisemblablement une course beaucoup plus ardue que prévu pour elle, à moins qu'elle ne puisse répéter la prouesse de son mari.
John Edwards, pour sa part, est le deuxième grand gagnant chez les démocrates en raison de sa spectaculaire remontée des derniers jours. Négligé dans les sondages, disposant de moins d'argent que ses adversaires (il a eu recours aux fonds publics, contrairement à Clinton et à Obama), fustigé par certains pour faire campagne malgré le cancer de sa femme, Edwards a prouvé qu'il est un excellent politicien de terrain, capable de gagner les votes un à la fois. Ce bon résultat en Iowa pourrait fort bien lui permettre de gruger quelques points au New Hampshire, alors qu'il n'y récolte qu'environ 18 % des votes à l'heure actuelle. Ce gain éventuel, toutefois, risque d'être insuffisant pour remporter les prochaines primaires ou même pour terminer deuxième.
Chez les républicains: qu'adviendra-t-il de Rudolf Giuliani?
La seconde place de Mitt Romney est certes décevante pour ce politicien mormon, qui pendant des semaines a mené en Iowa pour se faire coiffer au fil d'arrivée par l'ascension fulgurante de Huckabee durant les 15 derniers jours de campagne. Romney est également celui qui, avec Hillary Clinton, a investi le plus d'argent en Iowa, achetant tout ce qu'il y avait de publicités disponibles. Sa défaite lui coûte cher, car l'Iowa était probablement l'un des États parmi les plus faciles à emporter pour lui. Force est de reconnaître que sa place de choix était le résultat de l'insatisfaction de la base républicaine envers Giuliani. Mais dès lors que Huckabee est devenu une candidature intéressante (en raison de ses affiliations religieuses qui plaisent aux chrétiens évangéliques du parti), les votes pour Romney ont commencé à tarir. Pour celui-ci, le New Hampshire est une question de vie ou de mort politique. S'il perd encore, c'en est fini de ses chances. Il est peu probable que Huckabee l'emporte dans l'État voisin du Québec. John McCain peut venir brouiller les cartes en sortant gagnant. Si cela était le cas, ce serait tout de même le «moins pire» des scénarios pour Giuliani.
L'ancien maire de New York peut-il, à l'instar de Hillary Clinton, répéter l'exploit (unique) de 1992 de Bill Clinton: perdre l'Iowa et le New Hampshire et quand même gagner l'investiture de son parti? Ce sera une partie serrée, car si Romney sort gagnant de la primaire de mardi prochain, Giuliani pourrait s'en vouloir d'avoir délaissé l'Iowa et de s'être très peu investi dans la course du New Hampshire. C'est une chose que de vouloir gagner les «gros États» -- le 5 février prochain --, mais encore faut-il que le favori Giuliani en gagne entre-temps quelques «petits» et, question de «momentum», il risque de perdre toute son avance s'il ne gagne rien. Si McCain l'emporte au New Hampshire, Giuliani peut espérer revenir fort dans les primaires qui suivent, ce qui n'est pas à exclure tant les candidatures de Huckabee et de McCain sont loin de convaincre les États plus libéraux que sont New York et la Californie, qui participent au tsunami des primaires dans un mois.
Si la campagne électorale de 2008 est exceptionnelle à bien des égards, il ne faut pas perdre de vue que les prochaines primaires, notamment celles du 5 février durant lesquelles 22 États tiendront leurs primaires en même temps, ne se gagneront pas de la même façon que les caucus de l'Iowa. En effet, la taille des États et les primaires simultanées feront en sorte que les candidats ne pourront pas serrer toutes les mains et parler à pratiquement chacun des citoyens, comme ils l'ont fait en Iowa. On peut donc penser que les candidats qui disposent de plus d'argent bénéficieront tout de même d'une plus grande visibilité en raison des publicités qu'ils pourront s'offrir. De même, les politiciens plus à l'aise sur le terrain, comme Edwards d'un côté et Huckabee de l'autre, auront du mal à tenir le rythme, tandis que l'inexpérience et l'idéalisme d'un Obama risqueront de devenir des obstacles plutôt que de constituer des atouts. En ce sens, il n'est absolument pas (encore) impossible pour Giuliani et Clinton d'obtenir la nomination de leurs partis respectifs, et ce, malgré des défaites en Iowa et au New Hampshire.
On peut suivre les analyses des élections américaines à www.dandurand.uqam.ca
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Charles-Philippe David, Karine Prémont
Les auteurs sont respectivement directeur et chercheuse à l'Observatoire sur les États-Unis de la chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM.
Karine Prémont enseigne la science politique au collège André-Grasset.


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