Barack Obama (Photo AP)
Je suis conservateur et j'aime vraiment Barack Obama - comme un nombre surprenant de tenants de la droite aux États-Unis. Mais je ne voterai pas pour lui à la présidence. L'écart idéologique est trop grand. Je ne peux mettre de côté mes principes simplement parce que j'aime et admire le gars.
Mais je dois le dire: je me réjouis de la montée d'Obama. Plus que ça, à cause de cette montée, je suis fier d'être américain.
Obama est né en 1961 dans un pays où les Noirs ne pouvaient fréquenter les mêmes écoles ou manger dans les mêmes restaurants que les Blancs. Dans certains États du Sud, le mariage des parents d'Obama - son père est noir, sa mère blanche - aurait été illégal!
Et maintenant regardez: dans l'espace d'une seule génération, un homme noir pourrait devenir le prochain président des États-Unis. Vous me trouverez sentimental, mais quand Obama est victorieux, c'est tout le pays qui gagne. Même après sa défaite serrée aux mains de cette fade Hillary dans le New Hampshire, son discours me faisait penser: voilà sans doute ce que c'était d'entendre Robert Kennedy en 1968.
Obama, à vrai dire, est un démocrate libéral typique, quoique doué d'un charisme extraordinaire. Il pourrait changer le pays et rendre la vie misérable aux républicains en vendant le libéralisme d'une façon aussi attachante que Ronald Reagan colportait jadis le conservatisme. L'élection de Barack Obama entraînerait cependant au moins un changement très positif: la transformation du débat amer et vieilli sur les questions raciales.
Politiciens noirs
Depuis les années 60, les politiciens noirs ont principalement fait valoir les griefs raciaux. Les leaders afro-américains tirent leurs racines des luttes pour les droits civils. Ils ont pour modèle la confrontation prophétique des péchés de l'Amérique blanche. Depuis des décennies, le pays s'est amélioré de façon dramatique mais pas les leaders noirs. Les chefs traditionalistes comme Jesse Jackson et Al Sharpton fondent leurs campagnes sur deux postulats: les Blancs ne pourront jamais expier la ségrégation et ne pourront jamais s'améliorer de manière décisive.
Obama, par contre, offre un message d'espoir, d'optimisme et de solidarité interraciale. C'est un Américain idéaliste qui se retrouve noir par hasard - et voilà toute la différence. À la convention démocrate de 2004, le contraste n'aurait pu être plus frappant entre les discours de Sharpton et d'Obama. Sharpton évoquait avec colère l'époque de Selma; Obama voyait à l'horizon la «ville brillante sur la colline» dont Ronald Reagan avait fait l'éloge - c'est-à-dire un meilleur pays pour tous les citoyens, dont les destinées sont inséparables.
Les débats sur la race ne prendront jamais fin aux États-Unis. Et peut-être est-ce bien ainsi. Mais une présidence Obama les transformerait sans doute de manière radicale. L'«agenda racial» ne serait plus fixé par ces Blancs et ces Noirs qui considèrent essentiellement les Afro-Américains comme des victimes dont les progrès sont liés au sentiment de culpabilité des Blancs. Obama, qui n'est pas baby-boomer et qui n'a pas leur bagage psychologique, rejette cette vision.
Il s'affirme noir sans réserve, mais se laisse définir par son caractère plutôt que par sa couleur. Cette attitude est révolutionnaire pour un grand dirigeant noir aux États-Unis. L'élection d'Obama ferait plus que confirmer les changements survenus depuis les années 60: elle ouvrirait la porte à une nouvelle ère de progrès raciaux.
Du moins voilà ce que j'espère. Il y a 40 ans cette année, Martin Luther King Jr. est mort pour son peuple et pour son pays. Durant sa vie et dans sa mort, King a voulu que les Américains ne soient pas enchaînés éternellement au péché original de notre pays - le racisme. Nous pouvons, Noirs et Blancs, ensemble, nous libérer de cette charge.
On dit qu'Obama est le candidat du changement. Si vous voulez mon avis, aucun changement n'est plus agréable ou inspirant que la rédemption.
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Rod Dreher
L'auteur est éditorialiste au Dallas Morning News.
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