La politique qui inspire

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Primaires américaines 2008


Plutôt que de mettre en valeur ce qu’il a de plus mesquin et sournois de la nature humaine, le démocrate Barack Obama fait le pari que le politique peut encore rassembler les gens et les faire rêver à des jours meilleurs. (Photo AP)


Le succès de la campagne de Barack Obama dans les caucus d’Iowa et la lutte serrée qu’il a livrée à Hillary Clinton lors des primaires du New Hampshire font en sorte que le principal intéressé fait maintenant l’objet d’une curiosité à l’échelle planétaire. Son succès, maintenant indéniable, et la possibilité réelle qu’il réussisse à devenir le premier candidat noir à occuper le prestigieux bureau ovale n’ont en effet rien de banal. Celui que personne ne voyait battre la puissante machine d’Hillary (lire Bill) Clinton se révèle un rival de taille.


Dans cette ère de cynisme et de désintérêt généralisé envers la classe politique, est-il possible qu’Obama ait réussi à ranimer la flamme, à convaincre que le changement et l’espoir ne sont pas des mots insipides et vides de sens, mais porteurs d’une toute nouvelle direction pour l’Amérique lourdement amochée par le règne Bush ?
Il est encore trop tôt pour poser un jugement définitif sur « l’effet Obama ». D’une part, comme l’indique le résultat serré d’hier soir, le sénateur de Chicago n’a encore rien gagné. Les dés ne sont pas encore joués. Bill Clinton a perdu en Iowa et au New Hampshire et a remporté la nomination de son parti. D’autre part, même s’il est désigné comme candidat démocrate aux présidentielles de novembre 2008, le sénateur Obama devra se mesurer à la redoutable machine républicaine qui, rappelons-le, n’eût été du règne de huit ans de Bill Clinton, a complètement dominé la politique américaine depuis 30 ans.
Les plus optimistes voient en Barack Obama une réincarnation de John F. Kennedy et sont d’avis qu’avec lui, les États-Unis entreront dans une nouvelle ère marquée par l’audace et une rupture avec le statu quo. À un moment où l’image des États-Unis sur la scène mondiale est à son plus bas et où le marasme semble bien installé, Barack Obama incarne un vent de fraîcheur, une rupture indubitable avec tout ce qui va mal à Washington. Les plus pessimistes disent qu’il n’est dans les faits qu’un beau parleur télégénique qui, une fois élu, s’écroulera comme les autres avant lui devant les obstacles systémiques du système politique américain (la force démesurée des lobbys et de l’argent, la polarisation extrême, les trop nombreux checks and balances auxquels doit faire face le président, etc.)
Le pari audacieux que prend Obama, c’est que plutôt que de mettre en valeur ce qu’il a de plus mesquin et sournois de la nature humaine, le politique peut encore rassembler les gens et les faire rêver à des jours meilleurs. C’est le pari qu’en mettant ses tripes sur la table, qu’en énonçant des idéaux nobles, en établissant des objectifs ambitieux, en donnant espoir aux Américains que, collectivement, ils sont capables à nouveau d’accomplir de grandes choses et de mettre de côté leurs divisions et leur amertume, il a rendez-vous avec l’histoire. Franklin D. Roosevelt l’a fait après la grande Dépression avec le New Deal, John F. Kennedy avec les droits civiques et la conquête de la Lune, Bill Clinton avec son « Third Way », une réconciliation de la croissance économique et de la justice sociale. À des moments où l’Amérique sombrait, ses hommes politiques ont redonné espoir aux Américains.
S’il remporte la nomination démocrate et les élections en novembre, Obama incarnera une scission avec la pratique contemporaine de la politique : celle dominée par les sondages, les slogans creux et l’opportunisme qui consiste trop souvent à redire à l’électorat ce qu’il nous a dit dans un focus-group pour se faire élire et ensuite tout faire pour conserver le pouvoir. Il aura réussi là ou beaucoup ont échoué.
Il est possible que les prochaines semaines nous démontrent que le jeune sénateur n’était qu’un feu de paille, que le mouvement de sympathie à son égard s’estompe avec le temps, ou encore pire, qu’il s’avère un marchand d’espoir incapable de livrer la marchandise. Un fait demeure : en choisissant de rompre avec la façon conventionnelle de faire de la politique, Obama aura façonné la course présidentielle de 2008. À des moments charnières dans l’histoire des États-Unis, des leaders ont émergé et incarné un souffle nouveau, un courant porteur d’idées qui ont changé le pays pour le mieux. Jusqu’à maintenant, Barack Obama a réussi avec brio à personnifier ce vent de changement.
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Robert Asselin
L’auteur est directeur adjoint de l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa. De 2001 à 2006, il a été conseiller et rédacteur de discours au sein des gouvernements Chrétien et Martin.
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L’auteur est directeur adjoint de l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa. De 2001 à 2006, il a été conseiller et rédacteur de discours au sein des gouvernements Chrétien et Martin.





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