Primaires 2008 - La saison des surprises

Primaires américaines 2008


Les surprenantes victoires des sénateurs Barack Obama et de l'ex-gouverneur Mike Huckabee lors des caucus de l'Iowa, la semaine dernière, ont démontré que tout peut se produire en cette année électorale américaine. Les primaires du New Hampshire d'avant-hier l'ont confirmé. Il y a trois semaines, rares sont ceux qui prédisaient la victoire du sénateur John McCain, alors qu'il y a trois jours, la rumeur voulait que des conseillers de Hillary Clinton lui suggéraient de se retirer de la course! McCain et Clinton sont pourtant bien en selle après le scrutin de mardi. Le vote du New Hampshire démontre aussi que les Américains n'en sont pas à leurs dernières surprises: la confusion règne maintenant du côté républicain, et l'une des courses les plus serrées et les plus imprévisibles s'annonce chez les démocrates.
McCain est de retour
Il y a quelques mois, les médias s'acharnaient à dire que McCain était ruiné et que son équipe de campagne était en déroute. Ce héros du Vietnam vient pourtant de créer une des grandes surprises de l'élection: battre l'ex-gouverneur du Massachusetts Mitt Romney au New Hampshire alors que ce dernier avait été en tête dans cet État de mai à décembre. Pour Romney, cette deuxième défaite en moins d'une semaine signifie que le chant du cygne approche.
Les nouvelles sont meilleures pour McCain, qui se hisse soudainement parmi les principaux aspirants à l'investiture. Partageant la tête avec l'ex-gouverneur de l'Arkansas Mike Huckabee et l'ex-maire de New York Rudy Giuliani dans les intentions de vote à l'échelle nationale, le sénateur de l'Arizona jouira d'une forte attention médiatique au cours des prochains jours, ce qui lui permettra d'accroître ses appuis électoraux et financiers. L'aventure se poursuivra s'il remporte au moins une des deux prochaines primaires au Michigan et en Caroline du Sud (les 15 et 19 janvier) ainsi que celle de la Floride (le 29 janvier). La Caroline du Sud pourrait à elle seule déterminer l'avenir politique des républicains puisque, depuis 1980, tous les candidats qui ont remporté les primaires de cet État ont obtenu la nomination du parti.
Il ne sera pas facile pour McCain de poursuivre sur sa lancée car il tirait de l'arrière au Michigan, en Caroline du Sud et en Floride avant sa victoire au New Hampshire. Trois données permettent cependant de croire à ses chances. D'abord, la situation en Irak s'est améliorée et son appui à la politique de George W. Bush sur cette question n'est plus un boulet. Ensuite, les récents débats démontrent qu'il y a un marché pour les candidats qui, comme Obama et lui, ne sont pas des figures polarisantes et seraient capables de tendre la main au parti adverse. Enfin, aucun candidat républicain n'inspire vraiment les électeurs. Cette dernière réalité explique les résultats imprévus des deux premières courses. En Iowa, Huckabee est sorti de nulle part pour battre Romney, dont les républicains sont incapables de s'éprendre. Or Huckabee n'a pas pu surfer sur la vague, le New Hampshire lui préférant Romney et McCain. Pendant ce temps, Rudy Giuliani jubile: la confusion des derniers jours lui permet d'espérer qu'aucun républicain n'émergera du lot d'ici la primaire de la Floride, moment qu'il a choisi pour faire sa véritable entrée en scène.
Hillary respire mieux
Le résultat du New Hampshire était crucial pour Barack Obama et Hillary Clinton: depuis 1976, les candidats démocrates qui ont remporté les primaires de cet État ont obtenu la nomination de leur parti cinq fois sur sept (seuls Hart en 1984 et Tsongas en 1992 n'ont pas été les candidats présidentiels du Parti démocrate). Hillary Clinton a donc certainement poussé un soupir de soulagement mardi soir avec sa victoire à l'arraché alors que les derniers sondages la plaçaient loin derrière Obama. Cette victoire de Clinton lui permettra de consolider ses appuis au Michigan et au Nevada, prochaines primaires qui se tiendront la semaine prochaine et dans lesquelles Hillary Clinton devance Obama par une marge confortable, du moins jusqu'à maintenant. Même chose pour la Floride, dont les primaires auront lieu le 29 janvier. Elle devra toutefois faire son deuil de la Caroline du Sud qui, si la tendance se maintient, choisira Obama.
Ce dernier peut aussi continuer d'espérer puisque sa victoire en Iowa lui confère des chances semblables à celles de Clinton de remporter l'investiture du parti: sur les sept candidats démocrates qui ont remporté les caucus de l'Iowa depuis 1976, seuls Gephardt en 1988 et Harkin en 1992 ne sont pas devenus les candidats présidentiels de leur parti. Dans ces circonstances, on peut dire que la course est loin d'être jouée.
L'avantage va toutefois à Clinton non seulement en raison de son avance dans les prochaines primaires mais également à cause du changement de stratégie électorale en vue du Super Tuesday. En effet, ce seront les publicités et les conférences de presse qui prendront davantage d'espace et, à partir de ce moment, les candidats tenteront de se démarquer sur la base des enjeux plutôt que de la personnalité. L'expérience de Clinton lui permettra probablement de mieux s'en tirer. Évidemment, les prédictions sont encore très aléatoires: le peu d'écart qui a séparé Obama de Clinton au New Hampshire, sans compter la victoire du sénateur de l'Illinois en Iowa, lui a donné des ailes et, peut-être, la chance de déjouer les pronostics.
Les sondages
Les victoires d'Obama en Iowa et de Clinton au New Hampshire n'ont eu à peu près aucun effet sur les sondages à l'échelle nationale: la sénatrice new-yorkaise est encore en tête des intentions de vote des électeurs chez les démocrates avec une moyenne de 37 % des voix. Obama, pour sa part, en obtient environ 29 % à ce jour. Il faudra toutefois attendre un jour ou deux avant de mesurer l'effet de la victoire de Clinton au New Hampshire, qui lui donnera peut-être un ou deux points supplémentaires sur son plus proche rival.
Elle est encore celle qui peut battre Giuliani, si on en croit les données provenant des sondages nationaux. Toutefois, dans ces primaires excitantes où tout peut arriver, le moindre faux pas de l'ex-première dame pourrait lui être fatal. Quant à John Edwards, il semble condamné au rôle d'éternel troisième dans cette course, et ce, même s'il est venu brouiller les cartes en Iowa. Jusqu'à maintenant, il s'en tire mieux que ce que prédisaient les experts en début de campagne, mais ce ne sera pas suffisant pour espérer remporter l'investiture démocrate.
Les primaires du New Hampshire ont démontré que les électeurs peuvent faire mentir les sondages. La relative indépendance idéologique de McCain et l'émotivité de Clinton ont probablement influencé l'issue du vote, de même que le message de «changement» lancé par le républicain et la sortie de Bill Clinton contre les médias.
Toutefois, le New Hampshire, avec près de 40 % des électeurs qui se disent indépendants, est loin d'être représentatif de l'ensemble des États-Unis. En attendant l'ultime test du Super Tuesday le 5 février, les candidats des deux partis n'auront pas le temps de se reposer. Cette campagne électorale hors du commun a jusqu'à maintenant appelé une participation record en Iowa et au New Hampshire, principalement des femmes et des jeunes, qui constituent les catégories d'électeurs les plus indécis. Cette campagne risque donc de nous réserver encore bien des surprises.
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Frédérick Gagnon et Karine Prémont
Chercheurs à l'Observatoire sur les États-Unis de la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, les auteurs sont respectivement chargé de cours en science politique à l'UQAM et professeure au collège André-Grasset.


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