Des premiers pas incertains

S. Dion, chef du PLC

Derrière tout chef politique, il y a des conseillers, certains plus influents que d'autres. Derrière Stéphane Dion, pour guider ses premiers pas à la tête du Parti libéral, il y a, quelle surprise, nul autre que Jean Chrétien. S'appuyer ainsi sur un vétéran peut être rassurant, quoique le recours aux vieilles recettes ne soit en rien une garantie de succès.
En confiant à Stéphane Dion le leadership de leur parti, les militants libéraux acceptaient que ses premiers gestes soient incertains. Si l'universitaire qu'il est a eu un bon apprentissage comme ministre, il est toutefois loin d'être aussi rompu aux arcanes du parti qu'au jeu politique quotidien qu'impose à un chef la période des questions aux Communes. Question d'expérience, un Bob Rae aurait été plus rapidement à l'aise.
Dans ses interventions publiques, le nouveau chef libéral affiche une assurance qui lui vient d'abord de l'accueil que lui réservent les Canadiens et les Québécois. Il ne faut toutefois pas pousser bien loin pour voir qu'il a besoin d'être conforté de tous bords. Sa décision de confier des rôles de premier plan à tous ses adversaires de la course au leadership, sauf un, est de cet ordre. En faisant taire les mécontents, il s'assurait une tranquillité d'esprit, du moins pour l'immédiat.
Un chef plus expérimenté n'aurait pas recherché l'unanimité à tout prix. On ne peut pas oblitérer d'un seul coup les oppositions nées pendant une campagne au leadership. Pas plus que les ambitions. Un Michael Ignatieff ne continuera pas moins de penser différemment de son chef sur des questions comme la participation canadienne à la mission de l'OTAN en Afghanistan. En lui confiant le poste de chef adjoint, M. Dion prend modèle sur le comportement adopté par Jean Chrétien envers Paul Martin au lendemain du congrès qui l'avait élu chef en 1990. Néanmoins, l'adversité entre les deux hommes devait persister et même s'accentuer.
La présence de Jean Chrétien auprès de Stéphane Dion n'est pas fortuite. Et encore moins le fait que cela se soit su. Quoi de mieux pour rassurer des militants inquiets de l'inexpérience de leur nouveau chef que de faire savoir que celui qui a donné au Parti libéral trois victoires consécutives conseille l'équipe de transition de M. Dion?
La confiance de Stéphane Dion dans son mentor est telle qu'il va jusqu'à vouloir modeler les stratégies électorales passées de celui-ci. À Winnipeg mercredi, il annonçait à ses militants que la prochaine campagne libérale sera une réplique de celle de 1993. Comme Jean Chrétien, il martèlera le thème de la création d'emplois en l'adaptant au contexte du développement durable.
Le rapport avec 1993 est toutefois bien ténu. Le gouvernement conservateur d'alors portait le poids de neuf années de pouvoir marquées par des scandales, des déficits budgétaires et des taux de chômage en hausse. Les enjeux d'aujourd'hui sont différents. Il y a tout particulièrement cette préoccupation des Canadiens pour l'environnement, qu'il faut concilier avec le maintien de la prospérité économique actuelle. En revenant aux «jobs, jobs, jobs» de Jean Chrétien, Stéphane Dion croit pouvoir conforter chez les électeurs la perception selon laquelle son plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre aura sur l'économie des effets qui, dans le pire des cas, seront nuls. Les conservateurs misent pour leur part sur l'inquiétude que suscite le plan vert libéral quant à ses effets sur l'emploi.
En fait, les prochaines élections auront bien plus à voir avec celles de 2002 et de 2003, qui ont presque exclusivement porté sur le projet de société défendu par le Parti conservateur. Un débat de nature idéologique a été amorcé qu'il faut trancher. Sont en cause des visions divergentes sur les droits et libertés, la gestion de l'économie, les rapports du gouvernement fédéral avec les provinces et le développement social. M. Dion se trompera s'il fait du développement durable et de l'emploi le coeur de sa campagne électorale. Peut-être devrait-il aussi consulter Paul Martin, lui qui a affronté Stephen Harper à deux reprises.
bdescoteaux@ledevoir.ca


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