Sitôt élu, sitôt critiqué...

Tant les souverainistes que les conservateurs s'en prennent sans ménagement au nouveau chef libéral

S. Dion, chef du PLC



par Shields, Alexandre
Sitôt élu, sitôt critiqué. L'élection-surprise de Stéphane Dion à la tête du Parti libéral du Canada a suscité nombre de réactions sceptiques parmi la classe politique québécoise hier. Son rôle dans l'élaboration de la Loi sur la clarté référendaire, son intransigeance dans le dossier du déséquilibre fiscal et sa reconnaissance timide de la nation québécoise figurent au nombre des griefs qui lui ont été adressés.
«Il me semble que [Stéphane] Dion a toute une côte à remonter s'il veut regagner la confiance des Québécois», a lancé le chef du Parti québécois, André Boisclair. «[...] Donnons une chance au coureur, mais une chose est claire, on est loin d'oublier au Québec, et on est loin de lui pardonner sa Loi sur la clarté [référendaire], on est loin de lui pardonner son intransigeance quand il était ministre [fédéral] de l'Environnement, à l'endroit du gouvernement du Québec [...]», a fait savoir M. Boisclair. Il faisait ainsi référence à la loi fédérale dont M. Dion est le principal architecte, qui édicte les règles de la tenue d'un éventuel référendum sur la souveraineté et les suites à y donner. Selon lui, le nouveau leader des libéraux fédéraux représente surtout un «cadenas sur notre situation constitutionnelle».
Le chef péquiste a aussi rappelé le litige fédéral-provincial sur la mise en oeuvre du protocole de Kyoto. «Il avait tellement mis en colère les ministres québécois du gouvernement de M. Charest que Thomas Mulcair [ancien ministre provincial de l'Environnement] l'avait traité de méprisant», a-t-il dit en entrevue à la chaîne LCN.
Le député péquiste de Gouin, Nicolas Girard, a pour sa part souligné plus tôt dans la journée que «c'est l'héritier de Jean Chrétien qui a été élu à la tête du PLC», ajoutant que «tout comme sous le règne de M. Chrétien, sous le règne de M. Dion le magasin général sera fermé». Il faisait ainsi référence à une réplique de l'ancien premier ministre Chrétien qui avait ainsi coupé court à des revendications de réforme du fédéralisme sous son gouvernement, dans les années 1990.
L'alliance avec Gerard Kennedy «M. Dion doit en grande partie sa victoire à [Gerard] Kennedy qui a justement refusé de reconnaître la nation québécoise, a soutenu M. Girard. Je pense qu'avec l'élection de M. Dion, ce n'est pas du renouvellement, mais bien au contraire, on continue l'approche du Parti libéral qui refuse de reconnaître l'erreur du rapatriement unilatéral de la Constitution de 1982 sans l'accord du Québec.»
Stéphane Dion a en effet bénéficié des voix de M. Kennedy, un candidat ontarien qui avait abandonné au terme du deuxième tour de scrutin en recommandant à ses délégués d'appuyer M. Dion. Or, M. Kennedy était un des plus fervents opposants de la reconnaissance de la nation québécoise dans ce débat qui a divisé les prétendants à la succession de Jean Chrétien.
M. Dion s'était pour sa part opposé à la résolution de l'aile québécoise de son parti sur la reconnaissance du Québec, qui était pilotée par des partisans de M. Ignatieff. Toutefois, l'ancien ministre des Affaires intergouvernementales du cabinet Chrétien s'était rallié la semaine dernière à la motion du premier ministre conservateur Stephen Harper, adoptée par les Communes, qui reconnaît que les Québécois forment une nation dans un Canada uni.
Quant à savoir si les souverainistes se réjouissaient de l'élection de M. Dion, qui a longtemps incarné la ligne dure du fédéralisme, M. Girard a indiqué: «On ne sous-estime jamais nos adversaires et on les respecte.» Le Parti libéral du Québec n'a pour sa part pas réagi hier. Luc Fortin, l'attaché de presse du ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes, Benoît Pelletier, a simplement indiqué que sa formation réagirait peut-être en début de semaine. Le premier ministre Jean Charest a cependant contacté Stéphane Dion pour le féliciter. L'Action démocratique du Québec et Québec solidaire n'ont pas réagi.
Critique des conservateurs Les conservateurs ont eux aussi sonné la chargé hier contre le nouveau chef libéral par la voix du ministre des Travaux publics et lieutenant de Stephen Harper au Québec, Michael Fortier. «S'il y avait très peu de Québécois autour de lui, mais aussi très peu de ministres libéraux qui ont travaillé avec lui de 1995 à 2006, c'est parce qu'on le dit très intolérant, très rigide», a-t-il soutenu, ajoutant que «ça augure mal, surtout avec le Québec, où il a très mauvaise réputation». Selon lui, il devra bâtir des ponts avec les membres de son parti, ce qui représente «tout un défi».
Le ministre Fortier a en outre accusé Stéphane Dion de nier l'existence du déséquilibre fiscal en faisant valoir que son parti l'a pourtant reconnu. «Il parle beaucoup d'environnement, mais son propre palmarès sur l'environnement est peu enviable, a également dit M. Fortier. Il a appelé son chien Kyoto. Si c'était si simple, Guy Carbonneau s'achèterait un chien et l'appellerait Coupe Stanley», a-t-il ironisé. Il estime enfin que le nouveau chef des libéraux devra élaborer davantage ses engagements en matière d'économie et de justice sociale. Le ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités, Lawrence Cannon, a quant à lui affirmé que M. Dion symbolisait le retour à un «fédéralisme centralisateur».
Le député bloquiste Bernard Bigras a quant à lui qualifié M. Dion d'homme «déterminé», ajoutant que ce choix «est un choix audacieux pour le reste du Canada et risqué pour le Québec». Le député souverainiste juge toutefois que «sur le plan de question nationale, il est plus loin du Québec que jamais».


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