Le prochain Pearson?

Avec Stéphane Dion, le PLC retourne aux sources des grands moments de la diplomatie canadienne

S. Dion, chef du PLC


La politique étrangère n'a guère dominé la course à la direction du Parti libéral. Pourtant, le nouveau chef, Stéphane Dion, représente à cet égard l'anti-Harper. Avec lui, le Parti libéral retourne aux sources des grands moments de la diplomatie canadienne, il renoue avec l'esprit qui a si bien caractérisé le Canada depuis un demi-siècle: la promotion de causes et de valeurs qui en ont fait l'un des pays les plus admirés et respectés dans le monde.
Je sais, Stéphane Dion soulève la controverse au Québec. Ses opinions sur l'indépendance, sa position sur la question de la nation québécoise, son acharnement à faire adopter la Loi sur la clarté référendaire l'ont transformé en un objet de détestation générale. Oui, M. Dion suscite peu de sympathie, personnelle comme intellectuelle. Il n'est pas d'un abord facile, on a l'impression de le déranger. Avec lui, la conversation peut devenir un chemin de croix. Elle oscille toujours entre propos convenus et confrontation. Ses idées sont tranchées, et la porte ne semble jamais ouverte au compromis.
Pourtant, je suis l'un de ceux qui croient que la question du Québec brouille tout chez ce personnage. Ses positions radicales sur l'indépendance nous font oublier le reste, c'est-à-dire tout ce qui constitue l'immense travail de penser un pays et, un jour, de le gouverner. Ainsi, ses idées en matière de politique étrangère devraient, au Québec en particulier, nous inciter à réexaminer notre jugement sur lui. À cet égard, Stéphane Dion est un vrai Québécois et, aussi, un Canadien dans la grande tradition de Pearson, Trudeau et Clark.
Pour Stéphane Dion, le monde est un théâtre où le Canada doit jouer un rôle à sa mesure, qui n'est pas celui de subalterne des États-Unis voulu par Stephen Harper. Le premier ministre actuel a une vision réductrice des affaires internationales. Entouré d'extrémistes alignés sur le Parti républicain américain, Stephen Harper, a entrepris de bouleverser la politique extérieure canadienne en réintégrant la vieille alliance anglo-saxonne Australie-États-Unis-Grande-Bretagne délaissée par les précédents gouvernements libéraux. Ce repositionnement est une chimère, une dangereuse illusion sans doute propre à satisfaire les intérêts de l'Alberta, mais complètement étrangère aux valeurs de l'immense majorité des Canadiens et des Québécois.
Dion, mais d'autres aussi, tant au sein du Parti libéral qu'ailleurs Joe Clark ne se reconnaît plus dans le Parti conservateur actuel a bien senti cette dérive pro-américaine qui est en passe de se transformer en véritable naufrage politique pour le Canada. D'où ses prises de position sur l'environnement, l'Afghanistan, l'Irak, et les relations avec les États-Unis, positions tout aussi radicales que sur l'indépendance du Québec.
Une cause pour le Canada
Stéphane Dion ne cache rien et, contrairement à Michael Ignatieff, il ne trébuche pas en justifiant ses positions. Elles ont été et demeurent claires. Son opposition à la guerre en Irak a été ferme et sans concession. Il n'apprécie pas de voir Stephen Harper élever les États-Unis en modèle non seulement en politique étrangère, mais aussi sur les questions de société. Sur la présence canadienne en Afghanistan, il exprime des doutes et soulève des interrogations tout à fait raisonnables sur le sens réel de notre action dans ce pays. Il s'interroge sérieusement sur la stratégie actuelle de l'OTAN et du gouvernement canadien qui, selon lui, ne produit rien. Et si l'Occident se montre incapable d'aider les Afghans, alors Dion est même prêt, s'il devenait premier ministre, à ordonner un retrait de nos troupes et leur déploiement ailleurs auprès de missions où les objectifs sont clairs et réalisables. Il croit au multilatéralisme, aux Nations unies et à l'approfondissement des liens avec l'Europe.
Il reste que la grande ambition de Stéphane Dion n'est pas de faire sa marque dans les déserts d'Afghanistan. Il a un plan en trois actes pour le Canada: prospérité économique, justice sociale et durabilité environnementale. Les deux premiers actes n'ont rien d'original, mais le troisième pourrait déterminer son destin. En effet, sa véritable cause, c'est l'environnement et c'est celle qu'il voudrait voir le Canada embrasser sur la scène internationale.
Son court séjour à la tête du ministère de l'Environnement sous le gouvernement Martin a été couronné d'un beau succès: la Conférence sur les changements climatiques qu'il présidait en novembre 2005 s'est terminée en beauté. Dès lors, il a fait de l'environnement son cheval de bataille et sa vision pour le Canada de demain. Il en a parlé pendant toute la course à la direction du Parti libéral et ce thème a dominé sa première conférence de presse comme chef de parti.
Stéphane Dion ne cesse de surprendre. Au cours de sa courte vie politique, on l'a souvent donné comme fini. Aujourd'hui, il dirige le parti qui domine le Canada depuis un siècle. Demain, il sera peut-être premier ministre. Et il a une cause. Sera-t-il le prochain Pearson?
L'auteur est directeur du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix et professeur invité au GERSI et au CERIUM de l'Université de Montréal.
On peut le rejoindre:
jcoulon@cerium.ca


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