Légèreté et élasticité

De l'éthique à la justice

Chronique de Louis Lapointe

*Texte déjà publié le 9 février 2008 sous le titre "L’éthique est à la morale ce que l’équité est à la justice"
L’éthique est à la morale ce que l’équité est à la justice. Sans justice il n’y aurait pas d’équité comme sans morale, il ne pourrait y avoir d’éthique.
L’équité n’a pas la lourdeur des sentences et des jugements prononcés par le juge. Elle ne menace pas, comme la police peut le faire, parce qu’elle ne relève pas du dictat de la loi, mais bien du bon sens. Elle est plus discrète et conviviale et ne nécessite ni témoin, ni juge. Elle est une affaire plus personnelle qui favorise le bon voisinage et témoigne du désir de vivre ensemble dans la poursuite du bonheur.
Il en est de même de l’éthique qui, même si elle s’abreuve à la morale, n’en a pas la lourdeur. L’éthique est plus populaire et s’attache davantage à la méthode qu’au fondement. Tout est dans la façon de faire, dans la rectitude des gestes et du langage. Mais cela ne doit pas tromper l’observateur, il y a un but recherché : ne pas choquer l’autre pour bien vivre ensemble.
Nous le voyons, non seulement il y a analogie entre l’équité et l’éthique, mais en plus il y a complémentarité. L’une ne va pas sans l’autre. À deux, elles couvrent l’ensemble du spectre des rapports entre humains. L’une régit le bon voisinage, l’autre s’occupe des individus du même clan. L’équité comme l’éthique portent toutes deux en elles le germe du compromis et favorisent la même légèreté des rapports entre humains.
Alors que la justice et la morale tiennent les individus responsables de leur malheur et les sanctionnent, l’équité et l’éthique les encouragent à poser les gestes qui conduisent au bonheur, la façon de faire contribuant davantage à l’atteinte du bonheur que la conscience de la finalité des gestes posés. Elles allègent le fardeau d’une vie, masquant les lourdes exigences de la morale et la justice qui n’autorisent aucune fantaisie.
Toutefois, qu’on ne se trompe pas sur la probité de l’équité et de l’éthique, si elles sont conviviales, elles sont aussi élastiques. Si elles peuvent produire du bonheur, elles peuvent aussi être la source de grands malheurs lorsqu’on les étire trop. La duplicité et l’hypocrisie sont leurs cousines. Combien d’organisations se drapent dans l’équité et l’éthique pour imposer leur implacable logique du profit qui ne fait pas que des heureux dans leurs relations avec leurs employés, leur clientèle et la population?
Lorsque les valeurs communes ne s’imposent plus naturellement, la morale et la justice viennent à la rescousse, elles imposent leur arbitrage sans lequel la société sombrerait dans la déchéance et le chaos. Ce sont elles qui assurent l’équilibre du monde humain, ce que l’équité et l’éthique ne peuvent faire, puisqu’elles ne sont que des mécanismes d’autorégulation du quotidien. Elles n’ont pas le caractère universel et transcendant que la justice et la morale peuvent avoir.

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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