Charest appelle Harper à l'aide

Le chef libéral traite Dumont de crypto-séparatiste

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Québec 2007 - le facteur «Canada»



C'est une sorte d'appel à l'aide mâtiné de menace, hier midi à Montréal, que le premier ministre Jean Charest a lancé à son homologue fédéral Stephen Harper dans un discours clé de sa campagne, qui portait sur le déséquilibre fiscal et dans lequel il a présenté son adversaire en montée, le chef adéquiste Mario Dumont, comme un crypto-séparatiste.

Il a en effet mis en doute les convictions fédéralistes de M. Dumont en déclarant, en anglais: «Chaque fois qu'il a été mis au pied du mur ["when push comes to shove"] et qu'il a été contraint de faire un choix, comme en 1992 et en 1995, Mario Dumont s'est rangé du côté des séparatistes», a souligné M. Charest au jour 10 de la campagne électorale devant quelque 850 convives invités par la Chambre de commerce italienne au Canada, dont le maire de Montréal, Gérald Tremblay.
Un sondage Léger-Marketing-Le Journal de Montréal a confirmé hier l'importante montée de l'ADQ et de Mario Dumont, une tendance déjà mesurée dans le sondage Léger Marketing-Le Devoir de la semaine dernière. Après répartition des indécis, les libéraux de Jean Charest recueillent maintenant 36 % des intentions de vote, le PQ, 29 %, et l'ADQ, 25 %. L'ADQ s'y impose comme force en croissance et, selon les analyses, elle pourrait aller chercher environ 20 circonscriptions. Elle en prendrait 11 aux mains du PLQ et quatre au PQ. Reposant sur un vaste échantillon, cette étude a permis de mettre en relief les tendances dans les grandes régions. Or, dans quatre d'entre elles (Laurentides-Lanaudière, Mauricie, Capitale nationale et Chaudière-Appalaches), l'ADQ recueille entre 30 et 37 % des intentions de vote.
D'une pierre deux coups
Par conséquent, le premier ministre Jean Charest a souhaité faire d'une pierre deux coups hier: d'une part, s'adresser au reste du Canada -- d'où les nombreux passages en anglais de son discours -- afin qu'on y comprenne qu'il est le seul vrai «fédéraliste» québécois et qu'il a besoin d'une aide, laquelle doit venir dans le budget Harper-Flaherty. À propos de ce budget, il a déclaré: «Les Québécois s'attendent à ce qu'il y ait un progrès significatif et concret dans le dossier du déséquilibre fiscal. Le gouvernement fédéral a en main tout ce qu'il faut pour prendre ses décisions.»
D'autre part, il a dénoncé ses adversaires, se débarrassant vite du PQ en le qualifiant de parti de la division qui sera assurément insatisfait, comme le Bloc, de tout règlement du déséquilibre fiscal. «Ce script-là est déjà écrit, intonation comprise. La dernière chose que veut André Boisclair, c'est un règlement du déséquilibre fiscal», a déclaré le leader du PLQ.
Se faisant revendicateur à l'endroit d'Ottawa, il a présenté le PLQ comme «le seul parti» qui puisse régler durablement le déséquilibre fiscal, décrivant le phénomène en ces termes: «Ce partage inéquitable des ressources financières fait que le gouvernement fédéral accumule des surplus pendant que les provinces, sauf l'Alberta, ont beaucoup de difficulté à équilibrer leur budget. En 2007, la démonstration du déséquilibre fiscal n'est plus à faire», a-t-il déclaré.
S'adressant encore au reste du Canada, M. Charest a affirmé que le règlement du déséquilibre fiscal se ferait aussi «dans l'intérêt du Canada». L'enjeu n'est pas «seulement pour le Québec, c'en est aussi un pour l'avenir de notre fédération». Réussir à trouver une solution à ce problème démontrerait, a-t-il insisté, la souplesse dont le pays a besoin pour progresser.
Jean Charest a par la suite voulu signifier aux Québécois que l'ADQ est le parti d'un «homme seul» et que celui-ci est «muet» à propos du déséquilibre fiscal. Il a pris du temps pour rappeler le discours qu'avait prononcé Mario Dumont à Toronto en 2002, «ce discours d'abdication des intérêts du Québec», que le chef adéquiste n'a pas tenté de corriger depuis. Selon le premier ministre, les deux partis d'opposition prônent une politique de la «chaise vide» en matière de relations avec le reste du Canada. «C'est un autre sujet où l'ADQ révèle son incompréhension. Derrière des airs de revendication, l'ADQ ne prône rien d'autre que le repli du Québec sur lui-même.» Souhaitant faire contraste, Jean Charest a soutenu qu'il avait fait reconnaître la nation québécoise: «Oui, le Québec est une nation très fière. Et nous sommes aussi une nation d'inclusion. Ça doit toujours faire partie de la fibre intime de notre société.»
Au reste, il en a profité pour réitérer ses promesses à l'endroit des collèges et des universités ainsi que des écologistes, soutenant que les sommes supplémentaires qu'il recevra d'Ottawa seront notamment consacrées à ces secteurs.
En matinée, lors d'un point de presse à l'hôtel Delta, à Montréal, M. Charest avait réitéré ses propos de la veille, à Asbestos: les problèmes des urgences et du système de soins de santé ont été causés par les débats sur la souveraineté dans les années 90 puisque les gouvernement Parizeau et Bouchard n'avaient comme seule priorité que de faire la souveraineté.
Aussi, il en a profité pour condamner les propos homophobes de l'animateur de radio du Saguenay Louis Champagne à l'endroit d'André Boisclair, tenus la semaine dernière mais qui ont soulevé un tollé jeudi. «C'est l'occasion de faire le point et de dire que nous voulons faire campagne sur les idées et sur le fond et non pas sur les questions qui relèvent de la vie privée des personnes», a dit M. Charest.
Par ailleurs, André Boisclair a dit refuser de se «laisser distraire» par le sondage Léger-Marketing-Le Journal de Montréal qui le place au dernier rang en matière de popularité: «Que les gens qui font des sondages et des analyses fassent leur travail, moi, je mène une campagne avec un message de fond», a martelé le chef péquiste, de passage à Granby pour traiter du dossier de la santé.
Au moment même où André Boisclair et Louise Harel éludaient les questions sur les sondages, les députés Diane Lemieux et François Legault étaient dépêchés en renfort devant les médias à Montréal pour se porter à la défense de leur chef. Mme Lemieux a fait valoir que «l'écart se rétrécit» entre libéraux et péquistes puisque l'ADQ commence à gruger des votes du côté de Jean Charest. Elle a aussi souligné que l'appui dont bénéficie l'ADQ n'est pas définitif compte tenu du fait que plus de la moitié des sympathisants adéquistes affirment pouvoir encore changer d'avis.
Quant aux faibles résultats obtenus par André Boisclair, on peut les attribuer, selon Mme Lemieux, au fait qu'il est chef depuis seulement un an et des poussières tandis que Mario Dumont et Jean Charest sont en poste depuis beaucoup plus longtemps. «André Boisclair est quelqu'un à découvrir», a-t-elle plaidé. François Legault a abondé dans ce sens, soulignant que «les gens ne connaissaient pas bien André Boisclair». Par ailleurs, M. Legault a reconnu que même dans la région de Lanaudière, où il est député, «il semble y avoir une tentation de voter pour Mario Dumont».
Le Devoir
Avec la collaboration de Clairandrée Cauchy et Kathleen Lévesque


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