Le budget que déposera demain le ministre canadien des Finances, Jim Flaherty, aura un effet déterminant dans la campagne électorale québécoise, parce que le premier ministre Harper a promis qu'il y réglerait le déséquilibre fiscal.
Si le budget conservateur y parvient de façon convaincante, il donnera un très solide coup de pouce aux libéraux, ce qui ferait peut-être la différence dans une lutte à trois. Avec des centaines de millions dans sa poche, Jean Charest pourra affirmer que le fédéralisme peut être flexible, et que son gouvernement a livré la marchandise dans le dossier des relations fédérales-provinciales.
Mais n'oublions pas qu'il y a une lutte à trois. Mario Dumont aura aussi son mot à dire. En raison de ses liens privilégiés avec les conservateurs de Stephen Harper, il aura tendance à se réjouir du budget fédéral, mais à souligner que les gains réalisés par le Québec ont été possibles grâce à l'ouverture de Stephan Harper plutôt qu'à la ténacité de Jean Charest.
La véritable opposition viendra donc d'André Boisclair et de ses alliés bloquistes, qui affirmeront, ils le disent déjà, que ce budget conservateur est loin de résoudre le déséquilibre fiscal, dans une double tentative pour dénoncer les carences du fédéralisme et celles du premier ministre Charest.
Ils diront que ce n'est pas assez, et que ce ne sera jamais assez. D'autant plus facilement que le déséquilibre fiscal est un concept parfaitement élastique, une espèce d'accordéon fiscal, qui change de définition au gré des vents et qui permet donc toutes les interprétations, et donc toutes les évaluations chiffrées. On est dans les symboles et les mythes, plutôt que dans les faits. Il n'est donc pas inutile, à la veille de ce budget, de débroussailler tout cela.
C'est le premier ministre Bernard Landry qui a donné ses lettres de noblesses au déséquilibre fiscal, en disant que l'argent était à Ottawa et les besoins à Québec. Yves Séguin, à qui il avait confié la présidence d'une commission d'enquête pour fouiller la chose, lui a donné un sens plus précis: le manque à gagner dont souffraient les provinces depuis les compressions budgétaires qu'Ottawa avait faites sur leur dos. La commission Séguin réclamait, en gros, deux milliards pour le Québec, pour récupérer ces sommes perdues. Dans ce cadre, le concept de déséquilibre fiscal comportait un élément de restitution. Cet argent était un dû.
Mais ce déséquilibre-là a été largement réglé, parce que les transferts d'Ottawa aux provinces ont augmenté de façon significative et ont comblé ce trou. Cependant, le dossier n'est pas mort pour autant. Le concept a évolué pour décrire une autre réalité, le fait qu'Ottawa enregistre des surplus importants à chaque année, pendant que les provinces ont du mal à arriver, notamment à cause de la santé. Ce déséquilibre a renforcé l'idée qu'il fallait un nouveau partage des ressources fiscales entre le gouvernement central et les provinces. Il ne s'agit cependant plus de réclamer des droits, de récupérer de l'argent qui est dû aux provinces, mais d'améliorer le fonctionnement de la fédération.
À cet enjeu fiscal s'ajoute un problème politique. La tendance d'Ottawa à utiliser ses surplus pour intervenir dans des domaines provinciaux, comme la santé, a créé d'importantes tensions. Ces abus, et la victoire des conservateurs, provincialistes, a réactivé l'idée de limiter le pouvoir de dépenser d'Ottawa. Ce sera, semble-t-il, un élément du budget Flaherty, qui répondrait à une préoccupation que le Québec exprime depuis des décennies.
Mais ce n'est pas tout. Si le déséquilibre fiscal pose le problème de l'équité verticale, entre Ottawa et les provinces, il y a d'autres problèmes d'équité, de nature horizontale, qui portent sur le traitement respectif de chaque province. Le budget conservateur s'attaquera aussi à l'équité horizontale, un dossier d'une horrible complexité qui est en outre une pomme de discorde entre les provinces elles-mêmes, notamment la façon dont on calcule les revenus des provinces pour établir les montants de la péréquation, un dossier où le Québec risque d'être un grand gagnant. Il sera donc très difficile de départager tout cela.
Cependant, ces surplus qui permettront à Ottawa d'être généreux proviennent de deux provinces, l'Alberta qui verse au fédéral 9 milliards de plus qu'elle ne reçoit, et l'Ontario qui verse 21 milliards de plus. Bien des Québécois croient encore que, dans la bataille du déséquilibre fiscal, le Québec cherche à récupérer son argent qui dort à Ottawa. Ce n'est pas le cas. Les sommes additionnelles que réclameront les leaders péquistes, ce n'est pas notre argent. Il ne faudra pas l'oublier.
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