Mardi soir, au beau milieu du débat des chefs, Mario Dumont a sorti de sa besace des notes internes du ministère des Transports, pour attribuer la responsabilité de l'effondrement du viaduc de la Concorde au premier ministre Charest. C'était ce qu'on appelle un «cheap shot».
Mais peut-on vraiment s'en indigner, quand on sait que les coups fourrés font hélas! partie de l'arsenal politique? Et que la victime de la manoeuvre, Jean Charest, a fait exactement la même chose à Bernard Landry, dans le débat des chefs d'il y a quatre ans. L'arroseur a été arrosé.
Ce qui est vraiment étonnant, et également très inquiétant, c'est que le chef adéquiste en ait remis le lendemain, et soit allé jusqu'à réclamer la démission du ministre des Transports, Michel Després. Dès le soir du débat, la lecture des fameuses notes, dont Mario Dumont n'avait cité que quelques phrases hors contexte, montrait que celles-ci ne permettaient absolument pas d'accuser le gouvernement de négligence.
La sagesse aurait alors voulu que Mario Dumont empoche discrètement les points que sa manoeuvre lui a fait gagner durant le débat, et passe à autre chose. En fonçant comme il le fait, de façon complètement folle, le chef adéquiste risque de se faire énormément de tort dans les derniers jours de la campagne.
Il faut prendre Mario Dumont très au sérieux. Notre sondage CROP de samedi dernier relevait que l'ADQ est le parti qui est en tête en dehors de la zone montréalaise. Dans cette autre moitié du Québec, l'ADQ recueille 35% des intentions de vote, contre 29% pour le PQ et 26% pour le PLQ.
L'incident du viaduc nous montre qu'il y a un autre Mario Dumont. Il y bien sûr le jeune politicien agréable, à la grande sensibilité politique, aux talents de communicateur. Sa croisade met en relief des traits de caractère moins savoureux, l'opportunisme, le populisme et la démagogie. Et sa propension quand il se laisse emporter par un élan démagogique, à perdre les pédales.
Qu'est-ce qu'un opportuniste? Un politicien prêt à tout pour marquer des points, y compris en oubliant ses principes. C'est ce qu'il a fait cette semaine avec des accusations sans fondement. Mais ce n'est pas la première fois. Le mois dernier, il a eu un grand succès avec les accommodements raisonnables et en récupérant l'incident d'Hérouxville sans jamais dénoncer la xénophobie honteuse du code de vie de cette municipalité. Il a fait la même chose, à Québec, pour gagner une élection partielle, en se portant à la défense de CHOI-FM, la radio-poubelle, menacée de fermeture par le CRTC, avec une absence d'esprit critique qui en faisait le complice de la vulgarité de cette radio, de sa culture de violence, de ses attaques odieuses contre des victimes innocentes.
Mais on remarquera une constante dans ses croisades et c'est le populisme. Les causes qu'il a tendance à épouser sont celles qui expriment un sentiment de colère et de frustration populaire face au pouvoir et aux institutions. En soi, c'est une bonne chose qu'un politicien soit près du monde. Mais pas quand il renforce les préjugés les plus primaires d'une partie de la population. Sa sortie sur le viaduc comporte tous les ingrédients de la théorie du complot: on dénonce le gouvernement, les fonctionnaires, le secret, et même une commission d'enquête. Il avait fait la même chose, encore une fois dans son bastion de Québec, en appuyant une croisade malsaine pour rouvrir une enquête sur la prostitution juvénile.
Ajoutons à cela de la démagogie. Dans le cas du viaduc, rien ne permet de soutenir la thèse de Mario Dumont. Les fameuses notes de service montrent en toutes lettres que les ingénieurs ne recommandaient pas d'intervention rapide pour les dommages observés sur le viaduc de la Concorde. Plus encore, les spécialistes affirment que les dommages dont on parlait dans ces notes n'ont rien à voir avec les facteurs qui ont provoqué l'effondrement du viaduc. On sait très bien aussi qu'un ministre ou un premier ministre ne lisent pas les milliers de notes de service qui circulent dans un ministère. On sait enfin qu'il y a une commission d'enquête pour déterminer les causes de la tragédie.
Comment Mario Dumont pouvait-il passer à l'attaque avec un dossier aussi fragile, qui ne résistait pas aux faits? Cela montre que, dans ses sorties démagogiques, M. Dumont peut faire preuve d'un entêtement déraisonnable. Le franc-tireur devient un loose cannon.
Mario Dumont est proche du pouvoir, Mais il vient de montrer qu'il lui manque toujours deux ingrédients essentiels pour l'exercer et devenir un chef d'État, le sens des responsabilités et la capacité d'imposer le respect.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé