Un bon débat, sans K.-O.

Débat des chefs - Québec 2007


Dans les commentaires qui entourent les débats des chefs, on a souvent tendance à recourir à des analogies puisées dans le monde des sports. Ces images ne sont pas vraiment appropriées, parce qu'en sport, les victoires sont en générales claires et mesurables. À la fin d'une partie de hockey, on sait quelle équipe a gagné.
Un débat des chefs ressemble bien plus à Star Académie, où la détermination du vainqueur dépend essentiellement des goûts et des préférences des téléspectateurs, et donc à des jugements largement subjectifs. De la même façon, les partisans d'André Boisclair auront tendance à trouver que leur candidat a bien fait, les libéraux trouveront que Jean Charest l'a emporté et les adéquistes pencheront pour Mario Dumont.
C'est encore plus vrai dans un débat comme celui d'hier soir, où il n'y a pas eu de grands moments ou de revirements spectaculaires, si on exclut la manoeuvre de Mario Dumont qui a sorti de son chapeau un document sur le viaduc de la Concorde. Dans ce débat sans coups d'éclat, assez civilisé, assez riche en contenu, entre candidats presque à égalité, il est donc très difficile de déterminer un gagnant. Mais comme à Star académie, qui repose sur un processus d'élimination, il est peut-être possible d'identifier un perdant.
Ce perdant, ce serait André Boisclair, dont la stratégie a consisté à jouer un rôle d'inquisiteur, en posant à ses deux adversaires des questions pointues, et à les répéter ad nauseam, quitte à interrompre ses interlocuteurs d'une façon qui devenait impolie. Le but était sans doute de faire preuve de fermeté, mais cette attitude, au bout d'un certain temps, devenait carrément insupportable et a dû tomber sur les nerfs de pas mal de monde.
Mais encore là, au delà des perceptions, le succès ou l'échec de chacun dépendait largement des objectifs que les chefs et leur équipe s'étaient fixés, et quels messages ils voulaient envoyer aux électeurs, et surtout aux indécis et aux incertains.
M. Boisclair, avec un tel plan de match, a montré qu'il était capable d'agressivité et de fermeté, en réussissant, jusqu'à un certain point à imposer, avec ses questions, son propre rythme au débat. Mais il n'a certainement pas réussi à corriger son image, qui lui nuit tant, et de communiquer aux téléspectateurs le fait qu'il était capable de chaleur et de compassion. Et son agressivité a pu avoir un effet pervers. À force de poser des questions et à parler assez peu de son programme, il a montré que ses talents d'inquisiteur le destinent bien plus à l'opposition à l'Assemblée nationale qu'à l'exercice du pouvoir.
Si M. Boisclair visait, dans ce débat, à consolider ses appuis, à satisfaire sa base souverainiste pour enrayer l'érosion, il a sans doute réussi. S'il comptait remonter la pente et prendre le pouvoir, il a probablement raté son coup.
Mario Dumont, de son côté, est peut-être celui qui a le mieux fait. Parce qu'il parle bien, qu'il est capable d'exprimer ses idées en termes clairs et avec des images concrètes, parce qu'il s'adresse aux gens. Mais aussi parce qu'il a passé avec succès le message qu'il constitue une troisième voie, différente de celle des deux partis traditionnels.
Mais est-ce que cela répond aux questions que se posent bien des gens et qui peuvent mener au plafonnement de l'ADQ. Pas vraiment. M. Dumont n'a pas réussi à rassurer sur la maigreur de son équipe et sur la maturité de son programme, qui comporte encore bien des imprécisions, notamment sur le cadre financier. M. Dumont a plu, il a sans doute consolidé ses appuis, sans pour autant démontrer qu'il était prêt à prendre le pouvoir.
Reste Jean Charest qui, en tant que premier ministre sortant, était dans une position difficile, attaqué par les deux partis de l'opposition, et forcé de défendre un bilan qui comporte de nombreuses lacunes et des promesses non tenues. Son plan de match était manifestement de se présenter comme un chef d'État, pondéré, posé, au-dessus de la mêlée, parfois paternaliste avec ses adversaires, et à la limite, volontairement ennuyeux.
Cela a peut-être fonctionné. N'oublions pas que, dans cette campagne sans grands élans, les électeurs se résigneront à choisir, comme premier ministre, celui qui est le moins pire des trois. Le défi de M. Charest n'était donc pas de susciter de l'enthousiasme à son égard. Mais de démontrer que, même s'il est impopulaire, il reste le mieux placé pour diriger le gouvernement.
Mais il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un débat sans vrais vainqueurs, dont l'issue n'est pas assez spectaculaire pour provoquer des revirements d'ici la fin de la campagne.


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