Bilingue, vraiment?

Tribune libre 2008

Pénible de voir tant de Québécois "bilingues" qui "switchent" d'une langue à l'autre sans en connaître réellement une seule. "Le bilinguisme québécois consiste à parler deux langues secondes", a dit quelqu'un il y a une vingtaine d'années. Il s'appuyait sur ce modèle parfait de "bilinguishe" que fut Jean Chrétien comme premier ministre du Canada, l'homme au "flag sur le hood" qui baragouinait deux langues.

Il faut voir à Montréal nos bons Québécois "larges d'esprit", inconscients donc, qui s'empressent de passer à l'anglais sans qu'aucun interlocuteur ne l'impose, par soumission servile et dégrandante, alors qu'il est beaucoup plus simple de s'exprimer en un français clair et articulé qui inciterait l'interlocuteur à faire l'effort de répondre en français.

"C'est si beau le français", m'avait dit une fois un allemand qui était allé voir une pièce de Molière la veille. C'était il y a plus de 40 ans, alors que je servais dans l'armée. "Vous savez monsieur, on trouve dans votre langue des nuances qu'on ne trouve pas dans la langue allemande", poursuivit-il. Je n'en suis pas revenu.

Dans la petite ville de Werl en Westphalie, où nous avions vécu, la femme médecin qui s'occupait de ma femme et de nos enfants était fière de communiquer avec nous en un français impeccable. En Angleterre et en Russie, nous avons rencontré des gens pour qui posséder le français à fond est la marque d'une culture élevée. De même en Australie, où la langue française est enseignée et reconnue comme langue diplomatique, à cause de sa clarté et de la précision de son propos. Chaque fois que je me rends aux États Unis, je suis surpris de rencontrer des gens qui parlent et écrivent un français cultivé, sans prétention ni affectation, résultat d'une culture élevée et exigeante.
Prof de géographie et géopolitique à Toronto après la retraite de l'armée, on m'a demandé d'enseigner la matière en français encyclopédique et j'ai été surpris de constater combien d'étudiants accueillaient cet enseignement exigeant avec enthousiasme. Se montrer exigeant, sans faire d'injustice à personne, c'est respecter l'intelligence et les talents des étudiants, qui l'apprécient toujours.

Parler une langue dégradée, c'est déjà manifester un manque de respect pour l'autre, qui en attend bien davantage.

Les efforts du gros commerce international pour imposer une seule langue dans le monde entier n'ont obtenu que des succès mitigés et transitoires. Dès que la Chine continentale eût intégré Hong Kong, elle a décrété que la langue officielle employée partout dans l'Asie du Sud-Est était désormais le mandarin et aucune autre. En 1995, deux années auparavant, lors d'un voyage en Chine, j'ai rencontré dans un train des Chinois qui parlaient parfaitement français et en étaient fiers, puisque le fait de posséder la langue française à fond est la preuve d'une culture élevée et exigeante.

En Allemagne, la langue allemande, chargée d'un potentiel très riche, langue des grands poètes, Goethe,Schiller; Heine, des grands musiciens, Beethoven, Haydyn, Wagner, Bach; langue des savants, celle que parlait et écrivait Einstein, avait été durement affectée par les Nazis qui imposèrent à tout le peuple de ne s'exprimer que par des phrases réduites et stéréotypées, qui interdisaient tout jugement critique. Nous étions en Allemagne pendant les années qui ont suivi la seconde Guerre mondiale et j'ai pu constater l'effort des intellectuels allemands pour rétablir leur langue, surtout le haut allemand, (Hochdeutsch) dans son intégrité et partant, rétablir chez les Allemands un niveau de culture élevé de même que l'aptitude au jugement critique.

Au Québec, le "bilinguishe" officiellement imposé par les lois fédérales, accomplit le même travail que les Nazis sans qu'une police ait besoin d'intervenir pour réduire les récalcitrants au silence.

Langue littéraire, philosophique, scientifique, poétique, formelle, rigoureuse, aristocratique, précise, le français exige vingt ans d'études et de travail pour être maîtrisé à fond. Quant à l'anglais, une toute autre langue, il est faux de croire qu'elle s'apprend dans la rue. Cette langue a ses grands auteurs et exige des années d'efforts pour être également apprise à fond. Nous sommes loin du "bilinguishme" officiel du gouvernement d'Ottawa, de la rue et des magasins.

Les Québécois qui passent à l'anglais sans connaître cette langue à fond ne savemt pas quelle mauvaise impression ils créent chez leurs interlocuteurs. S'ils le savaient, ils s'efforceraient de parler et maintenir un français châtié, non pas affecté mais rigoureux, qui impose reconnaissance et respect.

Tant que nous demeurerons inféodés au pouvoir parasitaire d'Ottawa, c'est la seule manière que nous aurons de nous imposer, demeurer maîtres chez nous et préparer l'indépendance avec compétence et honneur.

René Marcel Sauvé.

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J. René Marcel Sauvé, géographe spécialisé en géopolitique et en polémologie, a fait ses études de base à l’institut de géographie de l’Université de Montréal. En même temps, il entreprit dans l’armée canadienne une carrière de 28 ans qui le conduisit en Europe, en Afrique occidentale et au Moyen-Orient. Poursuivant études et carrière, il s’inscrivit au département d’histoire de l’Université de Londres et fit des études au Collège Métropolitain de Saint-Albans. Il fréquenta aussi l’Université de Vienne et le Geschwitzer Scholl Institut Für Politische Wissenschaft à Munich. Il est l'auteur de [{Géopolitique et avenir du Québec et Québec, carrefour des empires}->http://www.quebeclibre.net/spip.php?article248].





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1 commentaire

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    2 février 2008

    Monsieur Sauvé,
    Voilà un message qu'on n'entend pas assez. Message valorisant notre langue. Message motivant des locuteurs négligeants à retrouver les raisons de s'exprimer correctement, sans prétention. Espérons que vous puissiez le passer à des journaux que lirait notre belle jeunesse, ceux à qui on ne l'a pas appris. Et tous nous autres, sauveurs de pays.