André Boisclair et les tueurs de chef

PQ - leadership en jeu - la tourmente



André Boisclair reste, mais les chiens sont lâchés. La chasse est ouverte, n'en doutons pas.
Il y a tant de tueurs de chef dans le Parti québécois, que si Boisclair y survit, ce parti ne sera plus jamais le même.
Ils diront - les buveurs du sang de leur chef - que Boisclair ne l'a pas, qu'il ne sait pas parler au monde. Ils auront sans doute raison. André Boisclair n'est pas un tribun très doué.
Ils auront raison là-dessus, mais ils se tromperont sur le fond : Bernard Landry ou Pauline Marois, même Gilles Duceppe n'auraient guère fait mieux lundi. Ils diront, ils disent toujours, que leur chef n'EN a pas assez parlé - de la souveraineté, évidemment.
Ce sont eux qui huent comme le dernier des galeux Pierre Marc Johnson, qu'ils ne peuvent même pas voir en photo dans une commémoration partisane. Johnson, qui avait succédé à René Lévesque en 1985, en parlant «d'affirmation nationale» plutôt que de souveraineté, «mise en veilleuse» pour un temps.
Ils en veulent encore plus à Lucien Bouchard, celui qui n'était pas un «vrai» indépendantiste. Même Bernard Landry n'y allait pas assez fort, pas assez vite vers le pays. Ils l'ont blessé, il s'est sorti de lui-même, comme les autres.
Les tueurs de chef, cette minorité oedipienne, liquident tout leader qui ne déclare pas le pays du Québec à portée de main. Mort au chef qui dit la vérité. Dire que le peuple ne veut pas de l'indépendance, là, maintenant, c'est renoncer, c'est trahir.
Hier, André Boisclair a dit l'évidence : la souveraineté est impossible à «court terme». À moyen terme aussi. Mais ne demandons pas trop de franchise d'un seul coup, il est déjà bien assez courageux, ou téméraire, de faire face pour tenter de réformer ce parti. Qui eût cru qu'il resterait? Pas moi.
Mais même cette évidence sera inacceptable pour les tueurs de chef. Comme l'évidence dite par Lucien Bouchard après les élections de 1998 (où le PQ avait obtenu 15 000 voix de moins que le PLQ) : ce n'est pas le temps de déclencher un autre référendum. Les «conditions gagnantes devenaient synonymes de mise au rancart.
Lucien Bouchard a claqué la porte en leur disant : faites-la donc, l'indépendance, si vous pensez être meilleurs que moi. Voyez comment ils ont réussi.
«Je reste pour éviter que le Parti québécois ne sombre dans le déni», a dit André Boisclair. Pour un type qui promettait un référendum la semaine dernière, même avec un gouvernement minoritaire, disons que ça fait drôle de l'entendre parler de déni. Le désespoir fait dire de drôles de choses. La peur aussi.
L'autre problème pour lutter contre le déni, c'est que le vrai André Boisclair, celui qui avait des idées pour recentrer et revigorer ce parti, le faire changer de génération, ne s'est jamais montré, ou si peu. Dès qu'il montrait le bout de son nez, dès qu'il s'éloignait de l'orthodoxie sociale-démocrate bien fixée des aïeux, les tueurs de chef sortaient leurs couteaux. Et il rentrait sagement au bercail du programme.
A-t-il brûlé ses cartouches?
André Boisclair a dit l'an dernier qu'il vivait «très bien» avec le programme de son parti, pourtant bien évidemment trop à gauche et trop radical à son goût. Il a calculé qu'il n'avait pas le choix : la vieille garde veillait au grain. Maintenant, il oserait revenir devant son parti et le récrire, comme il n'a pas su le faire depuis un an et demi?
Il est en position difficile et il est bien tard. Mais il aurait raison de le faire, s'il aspire au pouvoir : c'est à l'ADQ qu'il peut aller chercher des électeurs, pas aux 3,6 % de Québec solidaire. L'ADQ, au plan constitutionnel, n'est-elle pas l'enfant illégitime de P. M. Johnson et de son affirmation nationale?
Quand on voit des Marc Laviolette, même pas une journée après le résultat, venir parler de langue de bois de «certains politiciens» (devinez de qui on parle) et des problèmes de communication de son chef, on se dit que Boisclair n'est pas sorti de l'auberge. Les Marc Laviolette du PQ sont de formidables repoussoirs pour bien des électeurs nationalistes, du petit lait pour l'ADQ, mais les tueurs de chef du PQ les aiment bien.
André Boisclair calcule sans doute que l'ADQ et sa collection de zouaves, réels ou appréhendés, se dégonfleront quand viendra l'épreuve du feu, lui permettant de reprendre au moins la deuxième place, puis la première. C'est un peu présomptueux.
Son parti est néanmoins devant un moment de vérité. Ou bien le parti accepte que la souveraineté devienne un objectif relativement lointain - ni les «1000 jours» de Landry, ni l'échéance du référendum «dans les mois qui suivent l'élection». Ou bien il ne l'accepte pas et il se marginalise pour un temps. Ce qui serait un choix de principe parfaitement défendable : renoncer au pouvoir à court terme pour maintenir un idéal intact.
Il n'est donc pas exclu qu'il y ait une scission entre ceux pour qui l'indépendance doit rester un objectif à court terme, quitte à renoncer au pouvoir, et ceux qui veulent aspirer au pouvoir, quitte à renoncer à l'indépendance pour un avenir prévisible. Mais quoi qu'en pensent ses tueurs de chef, le PQ, en ce moment, ne peut pas faire les deux en même temps.
En vérité, ou bien Boisclair sort les tueurs de chef, ou bien ils l'achèvent.


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