Le nouveau visage du nationalisme

Avec l'ADQ, la porte peut être ouverte et fermée. Avec l'ADQ, la porte DOIT être ouverte et fermée.

ADQ - De l'identité à l'autonomisme - La souveraineté confuse



Montée de la droite ? Elle n'a pas vraiment monté. Elle s'est simplement montrée. Elle s'est trouvé une voix. Elle était parquée à l'ADQ, marginale, et pour le reste dissimulée au Parti libéral, et un peu au PQ.
La voici qui sort du placard. La voici qui bombe le torse. La voici qui fait le jars. La voici qui se reconnaît dans un groupe. La voici qui fait de l'ADQ l'opposition officielle. Pour ses idées conservatrices? En partie, bien sûr. Travail, famille, patrie. En partie «contre», évidemment, contre plein de choses qui vont mal et qui n'ont pas de «bon sens».
Mais quel est le grand moteur de la politique québécoise, sinon le nationalisme? Si cette droite discrète, discrète au point de tromper les sondeurs, s'est réfugiée hier à l'ADQ, n'est-ce pas essentiellement pour embrasser le nationalisme qu'incarne Mario Dumont? N'estce pas parce qu'elle se reconnaît dans ce qu'il représente : une certaine idée du Québec?
Ce qui saute aux yeux, en effet, c'est que les francophones ont abandonné le PLQ en masse et que le PQ a été incapable de les mobiliser.
Pourquoi? Ou plutôt, pour qui?
Pour Mario Dumont, dont la position constitutionnelle depuis 13 ans nous apparaît comme une quadrature du cercle identitaire, un entre-deux chaises à trois pattes, bref, une impossibilité politique, sinon mathématique.
L'équation avait coutume d'être simple. Ou bedon tu crois au Canada. Ou bedon tu veux l'indépendance. Choisis, Québécois! Depuis 1970, toutes, toutes, toutes les élections québécoises ont tourné autour de cette évidence.
L'Union nationale, qui a été au centre de la vie politique québécoise de 1939 à 1970, est morte tout d'un coup, piétinée, écrasée par cette évidence qui lui est passée sur le corps : une porte constitutionnelle devait dorénavant être ouverte ou fermée.
Et en 1970 (première élection du PQ de René Lévesque), 1973 (le budget de l'An 1), 1976 (le bon gouvernement, le référendum plus tard), 1981 (le réalisme et le beau risque), 1985 (la mise en veilleuse), 1989 (l'arrivée de Jacques Parizeau), 1994 (le référendum dans l'année), 1998 (l'arrivée de Lucien Bouchard), puis 2003 (l'arrivée de Bernard Landry), toujours, cette même évidence. Ce pour ou contre fondamental.
Avec l'ADQ, la porte peut être ouverte et fermée. Avec l'ADQ, la porte DOIT être ouverte et fermée.
Pas de référendum, mais une affirmation de l'identité québécoise. Rien de nouveau ici, finalement. Mais pourquoi soudain ce regain, cette montée fulgurante? Sans doute pour plusieurs choses, des allocations pour enfants à la réforme de l'éducation à la sécurité publique et à la remise en question du «modèle québécois» étatiste, interventionniste, fiscalement pesant.
Mais aussi parce que ni Jean Charest, ni André Boisclair n'ont su exploiter cette crise des accommodements raisonnables, qui touche au coeur de l'identité.
Mario Dumont ne s'est pas gêné. Lui a sauté sur l'occasion, lui a senti le vent de la peur et de la perte d'identité se lever un peu partout au Québec. Lui a senti qu'il n'était pas le temps de calmer le jeu, mais au contraire d'en rajouter. Réaffirmer nos «valeurs» dans une Constitution du Québec, dire «qui nous sommes» aux «autres», dire «Ça va faire!» quand on dépasse les bornes du compromis social. Les deux autres disaient de diverses manières : arrêtez de vous énerver.
Il y avait beaucoup d'hélium dans ces prises de position adéquistes et sur le fond concret des choses, on avait grand peine à voir ce que Mario Dumont allait faire de plus ou de mieux. Mais il parlait. Il exploitait là une réelle insécurité qui était en train de se généraliser dans bien des coins du Québec.
Mario Dumont est arrivé avant Hérouxville, il l'a précédé, en quelque sorte il l'a pressenti, pour ne pas dire qu'il l'a engendré.
Pendant ce temps, après bien des silences, après avoir été aveugle au phénomène et avoir refusé d'en prendre acte pleinement, Jean Charest finissait par se rendre compte que le problème avait pris une ampleur énorme. Il fallait faire quelque chose, mais quoi? Créer une commission d'enquête en nommant deux intellectuels respectés.
Et André Boisclair, plutôt insensible à cette sorte de nationalisme, André Boisclair l'urbain qui ne voyait vraiment pas ce qu'on pouvait avoir à «capoter», lui qui disait franchement ne pas comprendre ce que le crucifix faisait au-dessus du siège du président de l'Assemblée nationale, passait à côté de cette grande peur collective. Avec raison, avec un sens des responsabilités qui l'honore. Mais en laissant passer l'occasion que Dumont, lui, allait saisir.
Mario Dumont est donc devenu ce nouveau personnage, auquel se sont identifiés tant de Québécois, soudainement, parce qu'il a pris position, simplement, solidement, fortement, et qu'il a enfoncé ce clou identitaire sans arrêt. Pas besoin de souveraineté pour être dans le «concert des nations», mais l'auto nomie pour dire qui nous sommes, là, tout de suite.
Il est devenu celui qui allait pouvoir faire entendre cela, qui serait la voix de ce Québec silencieux, de ce Québec qu'on passait sous silence.


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