Corps politique cherche tête économique: l'ADQ et les «lucides», un mariage possible?

ADQ - De l'identité à l'autonomisme - La souveraineté confuse

Quel scénario peut-on imaginer pour la suite des événements après les élections de lundi dernier? Comment l'Action démocratique du Québec pourrait-elle parvenir à offrir une solution crédible capable de remplacer le gouvernement libéral aux prochaines élections?

D'abord, l'ADQ doit obtenir de bonnes performances comme opposition officielle. Cela implique un certain recentrage sur le plan idéologique. Pour obtenir une majorité et former le prochain gouvernement, l'ADQ doit aller au-delà du clivage urbain-rural qu'elle a exploité durant la campagne électorale et éviter les dérapages d'intolérance à l'endroit du cosmopolitisme montréalais.
Deuxièmement, le parti de M. Dumont doit attirer des candidats de prestige capables de renforcer sa crédibilité et son expérience en matière de gestion économique et d'affaires publiques. Cela ne devrait pas être trop compliqué, dans la mesure où les anciens amis de M. Gilles Taillon au Conseil du patronat vont probablement le rappeler plus rapidement qu'ils ne le faisaient auparavant.
Orphelins politiques
Troisièmement, pour espérer arracher le pouvoir aux libéraux, l'ADQ doit forcément conquérir une partie de l'électorat montréalais. Or, il se trouve qu'il existe actuellement à Montréal un vide politique. Toute la mouvance socio-économique qui évolue à l'intérieur et autour du regroupement des «lucides» ne se reconnaît pas (ou plus) dans les programmes des deux partis traditionnels.
Déçu par Jean Charest qui n'a pas su répondre aux attentes sur le plan des réformes sociales et économiques, et dénonçant, comme l'ADQ, le blocage produit par le clivage entre fédéralistes et souverainistes, le courant d'opinion représenté par les lucides est orphelin sur le plan politique. C'est une mouvance à la recherche d'un véhicule politique pour réaliser son programme de réforme de l'État-providence.
Et de son côté, si elle veut aspirer à gouverner le Québec du XXIe siècle, l'ADQ doit se doter d'un discours plus moderne et plus ouvert sur la mondialisation, semblable au rationalisme économique proposé par les lucides.
Coalition pour la réforme du modèle québécois
La rencontre entre l'ADQ et la mouvance des lucides pourrait donner naissance à une nouvelle coalition réformatrice comparable à celle formée il y a quelques années par Mike Harris en Ontario. Si Mario Dumont réussissait à coopter dans ses rangs un Joseph Facal, un Claude Castonguay ou tout autre individu au profil similaire, cela pourrait produire un effet domino susceptible d'entraîner des changements très rapides sur l'échiquier politique.
Certains diront qu'une alliance entre le populisme rural de l'ADQ et le réformisme économique des lucides montréalais est improbable et contre nature sur le plan idéologique. Mais c'est oublier que Mario Dumont est d'abord et avant tout un caméléon politique.
Une constante se dégage de son parcours politique: son désir de devenir le premier ministre du Québec. Ce désir serait difficilement réalisable en excluant l'élite économique montréalaise. Si le véhicule nationaliste et populiste de l'ADQ se dote d'un moteur économique néo-libéral, les conséquences pour le fameux «modèle social» québécois pourraient être radicales.
Le PLQ davantage menacé que le PQ?
Si une telle alliance voyait le jour, le Parti québécois ne serait pas la première victime. Les premiers à être renversés par le nouveau bolide ADQ-lucides seraient les libéraux, car ce sont eux qui ont traditionnellement monopolisé l'enjeu de la libéralisation économique. Après tout, c'est aux libéraux et non au PQ que Mario Dumont veut arracher le pouvoir.
Il ne faut jamais oublier que, depuis la Révolution tranquille, le modèle social québécois a activement façonné les contours du nationalisme moderne au Québec. Toucher au modèle social, c'est aussi toucher à l'identité nationale, ce que l'actuel premier ministre ne semble pas avoir compris. Comme Jean Charest l'a découvert à ses dépens, il est difficile de réformer ce modèle si on n'est pas soi-même un nationaliste, si, à tort ou à raison, plusieurs Québécois ne nous perçoivent pas comme «un des leurs».
C'est un problème qui ne se poserait pas à Mario Dumont. L'enrobage du nationalisme autonomiste de l'ADQ pourrait mieux faire passer la «pilule» néo-libérale que le Parti libéral du Québec n'a pas su faire avaler à la population québécoise.
Denis Saint-Martin, Professeur, Département de Science politique, Université de Montréal


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