C'est la réaction normale de ceux qui sont sondés tout de suite après l'élection : ils ont un préjugé favorable à celui qui a gagné les élections et il a des gens qui aiment à dire, même si ce n'est pas vrai, qu'ils ont "gagné leurs élections". C'est ce qui explique la hausse modeste, mais réelle des appuis à l'Action démocratique et à Mario Dumont.
Le seul problème, c'est que l'ADQ n'est pas au pouvoir et que Mario Dumont n'est que chef de l'opposition officielle. Nous vivons donc une période de renversement des rôles qui comporte une grande part de risque, autant pour le gouvernement libéral que pour l'opposition adéquiste.
Cette semaine, à l'issue du caucus de son parti, le premier ministre Jean Charest faisait la leçon à Mario Dumont, l'invitant à moins d'arrogance et à "faire comme moi quand j'étais chef de l'opposition officielle". Mauvaise réponse !
Tout le monde au Québec se souvient encore que M. Charest fut un chef de l'opposition plutôt ordinaire, ce qui l'a forcé à passer une grande partie de son premier mandat à compléter ce qui avait été entamé par le gouvernement précédent et qu'il avait combattu quand il était dans l'opposition.
M. Charest est d'autant plus mal placé pour faire la leçon quand on constate qu'une majorité de Québécois veut qu'il parte avant les prochaines élections et que ses résultats, sur cette question, ne sont pas très différents de ceux du chef péquiste, André Boisclair.
La question du leadership se pose plus facilement au PQ qu'au PLQ qui occupe toujours les banquettes du gouvernement. Reste que dans les deux partis, s'il devait y avoir un vote de confiance envers le chef aujourd'hui, il y a fort à parier que ni M. Boisclair, ni M. Charest n'obtiendrait des résultats suffisants pour rester en poste.
Il est, évidemment, plus compliqué de montrer la porte de sortie à un premier ministre qu'au chef du troisième parti. Mais il reste bien des gens au PLQ - ceux proches des milieux d'affaires, surtout - qui ne sont pas nécessairement ravis de penser que l'ADQ pourrait remporter la prochaine élection et se sentiraient quand même plus à l'aise si les libéraux redevenaient un gouvernement majoritaire.
Mais encore une couple de sondages défavorables au PLQ et la grogne qui couve pourrait devenir très ouverte. Surtout qu'il y a d'anciens alliés inconditionnels de M. Charest dans la communauté anglophone qui n'ont toujours pas digéré la composition de son Conseil des ministres.
Pendant ce temps, à l'ADQ, les défis sont importants lors du retour de l'Assemblée nationale la semaine prochaine - ne serait-ce que parce qu'on n'a qu'une seule chance de faire une bonne première impression.
Le premier défi est d'ailleurs de faire en sorte que l'Assemblée nationale fonctionne correctement, ce qui exclut l'arrogance et les règlements de comptes.
Il est vrai que le PQ de Bernard Landry, en 2003, n'avait pas fait de cadeau à l'ADQ et lui avait refusé le droit de parole qu'elle méritait par ses résultats électoraux. Mais, dans la situation d'aujourd'hui, l'intérêt objectif de l'ADQ, c'est de renforcer le rôle de l'ensemble de l'opposition - tous partis confondus - contre le gouvernement.
Le règlement de l'Assemblée nationale ne prévoit tout simplement pas la possibilité d'un gouvernement minoritaire. Or, il n'est pas dans l'intérêt de l'ADQ de donner aux libéraux des procédures qui leur permettraient de gouverner, dans les faits, comme s'ils étaient une majorité. C'est tout particulièrement vrai des commissions parlementaires, où, avec le règlement actuel, les libéraux auraient toujours une majorité des voix.
Depuis quelques jours, on entend surtout les porte-parole de l'ADQ dire que "le règlement, c'est le règlement" quand ça peut couper encore un peu plus le temps de parole du PQ.
Ce sera le premier test de la maturité de l'ADQ : va-t-elle continuer longtemps à régler ses vieux comptes même si, dans les faits, cela aura pour effet de renforcer la position du gouvernement ?
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