"Éloge de la richesse"

Alain Dubuc tente de réconcilier "lucides" et "solidaires"

2006 textes seuls


Parent, Rollande PC
Montréal - Dans son livre tout récent Éloge de la richesse, le chroniqueur Alain Dubuc s'emploie à sortir de leur torpeur les adeptes québécois du "pis après" et de la pensée magique qui s'accommodent du statu quo économique. Il tente aussi de débloquer le débat mort-né entre les ténors d'un Québec lucide et ceux d'un Québec solidaire.
"Je savais que ce titre ferait tiquer certaines personnes. Je voulais aller droit au but et brasser la cage. Dans une société normale, personne ne dirait que j'y vais fort avec mon titre. Ici la richesse est associée à l'exploitation et à l'injustice et ça devient une tare sociale", a soutenu l'auteur dans une interview téléphonique menée il y a quelques jours.
"Quand on parle de création de richesse au Québec, on a toujours l'impression que c'est un discours de chambres de commerce et d'hommes d'affaires qui veulent faire des profits. C'est vrai, mais c'est aussi un discours collectif qui donne à la société des ressources qui lui permettent de faire ce qu'elle estime être important", a-il avancé.
"Dans les pays scandinaves, par exemple, la logique de croissance économique va de pair avec la logique de solidarité sociale", a-t-il ajouté.
Un Québec pauvre
Dès les premières pages, chiffres à l'appui, Alain Dubuc assène le diagnostic : "Le Québec est pauvre. Son niveau de vie est l'un des plus bas en Amérique du Nord."
Plutôt que d'en tenir compte, bien des Québécois donnent dans le déni qui leur fait dire qu'il n'y pas de problème et que si on met le cap sur la croissance, on va perdre nos valeurs de solidarité, signale-t-il.
"Les arguments économiques étaient beaucoup ceux des fédéralistes et cela a créé des mécanismes de défense chez les souverainistes qui ont eu tendance à toujours embellir la réalité pour ne pas prêter flanc aux arguments sur la faiblesse économique du Québec. On n'arrive pas à avoir un débat sur la question suivante : "Est-ce qu'on est assez prospère et que devrions nous faire pour le devenir davantage", déplore-t-il.
"On plaque au débat collectif des principes comme la simplicité volontaire, mais qui ne fonctionne pas au plan collectif. Une société généreuse doit être une société riche. Il n'y a pas d'exemple de sociétés solidaires et pauvres à la fois", fait valoir le journaliste.
Moins de ressources
Il estime que si au plan individuel, on peut compenser un revenu moindre en mangeant davantage de poulet que d'agneau, au plan collectif l'austérité n'a pas les mêmes conséquences. "Nous aurons collectivement moins de ressources que les Ontariens quand il faudra financer les services publics essentiels, construire ou réparer des routes, acheter des médicaments, assurer aux patients l'accès aux technologies de pointe, attirer de bons chercheurs dans les universités, garnir nos bibliothèques publiques, enrichir nos musées, former des médecins. Les loyers sont peut-être plus bas à Montréal qu'à Toronto, mais l'asphalte coûtera à peu près la même chose ici que dans la province voisine, tout comme un appareil de tomographie. Sauf qu'ici, on a moins d'argent pour payer tout ça".
Alain Dubuc avait presque complété la rédaction d'Éloge de la richesse quand a été lancé le manifeste Pour un Québec lucide de Lucien Bouchard et compagnie. Il ne pouvait l'ignorer.
"Je trouve le manifeste très défaitiste. On y dit que les choses vont mal, qu'il faut faire des sacrifices. Il y a lieu de distinguer la culture de l'austérité de celle de la solidarité. Dans mon livre, je propose une porte de sortie, un élan positif et un double message : l'idée de créer de la richesse et de s'arranger pour que les choses aillent mieux. Si les choses vont mieux, un certain nombre de problèmes qui nous inquiètent beaucoup comme la question démographique vont être beaucoup plus faciles à résoudre."
Dubuc considère que le débat entre les lucides et les solidaires est factice, peu utile contrairement à sa propre démarche. "Un Québec prospère est mieux placé pour faire ses choix, quels qu'ils soient. Le débat économique et social est plus important à l'heure actuelle que le débat politique", fait-il valoir.


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