Vision ethnique contre vision territoriale de l’État

Chronique de José Fontaine


Jean-Claude Vandermeeren était fêté hier dans la région de Namur (capitale de la Wallonie), à l’occasion de la retraite qu’il prend. Il a dirigé pendant de nombreuses années la FGTB wallonne, soit le syndicat traditionnellement considéré comme lié au PS (ce qui n’est plus tout à fait vrai aujourd’hui; le Président des Verts était présent à cette fête). La FGTB est l’aile wallonne de ce syndicat qui a adopté une structure fédérale avant l’État belge lui-même. On peut dire que la FGTB wallonne s’est toujours préoccupée, au-delà des luttes spécifiquement syndicales, du sort économique, politique et culturel de la Wallonie. Jean-Claude Vandermeeren est un représentant tout à fait typique de ce combat politique qui est aussi un combat syndical.
Une déclaration des Présidents wallon et bruxellois
L’ambiance était excellente à cette soirée, notamment parce que, le jour même, les Présidents wallon (Rudy Demotte) et bruxellois (Charles Picqué), annonçaient qu’ils souhaitaient mieux coordonner la politique de leurs Régions respectives (Régions en Belgique est un mot un peu trompeur qui désigne en réalité des Etats fédérés, des Etats fédérés avec une très grande marge de manoeuvre politique au point que - même si c’est discuté - on dit parfois de ces Régions qu’elles sont sujets de droit international), et de mettre en cause l’institution étrange qu’est la Communauté française de Belgique qui, pour la quasi totalité des Wallons et la grande majorité des Bruxellois, a à sa tête un troisième gouvernement qui est en charge de l’enseignement, de la culture et d’autres compétences sociales ou en matière de santé publique (liées à la langue: elles ne concernent que les Bruxellois francophones par conséquent et les Wallons germanophones ont aussi leur propre Communauté, mais dont les dimensions sont réduites: 70.000 personnes sur 3,5 millions de Wallons).
Le fait qu’il y ait ce troisième gouvernement est une situation qui, à certains égards, lie les Bruxellois (très majoritairement francophones), et les Wallons (tous francophones hormis une très petite minorité de langue allemande). Mais faut-il que cela passe par une institution étatique, ayant à sa tête un gouvernement?
Comme le savent ceux qui me lisent, cette question est épineuse pour les Wallons et les Bruxellois parlant certes à peu près tous le français, mais vivant dans deux sociétés sans doute liées, mais distinctes.
Les Flamands dans la logique des Communautés, non des Régions
Les premiers à s’opposer à la proposition des Présidents wallon et bruxellois sont tout de même les Flamands. Dans la mesure où les Flamands ont une conception du fédéralisme fondée sur la langue, ce qui implique que priorité soit donnée aux Communautés, soit la Communauté flamande regroupant les habitants de la Flandre et les Bruxellois qui parlent le néerlandais, d’une part et, d’autre part, la Communauté dont je parlais au paragraphe précédent, soit la Communauté française regroupant les Wallons et les Bruxellois qui parlent le français (et qui sont une très forte majorité).
Notons que je me souviens très bien qu’un homme politique au Canada avait proposé d’adopter ce principe des communautés, estimant que cela aurait réglé la question des minorités francophones hors Québec. Mais quand on examine froidement les choses, on s’aperçoit que fonder la notion d’Etat (souverain au sens fort ou Etat fédéré - d’une certaine façon, peu importe, il s’agit toujours d’Etats), sur une caractéristique comme la langue, c’est fonder l’Etat sur une dimension ethnique et on a vu dans l’ex-URSS, notamment, à quel point il est dangereux de fonder l’Etat sur l’ethnie. Fonder l’Etat d’abord sur le territoire et sur la population qui réside sur ce territoire, c’est me semble-t-il éviter l’impasse ethnique, dans la mesure où il est possible de considérer tous les habitants du territoire comme égaux en droit et en dignité, gouvernés par les mêmes lois, ce qui implique que cette population soit une seule société et ne soit pas morcelée en communautés nécessairement conflictuelles. C’est l’esprit de la Constitution de l’an I . En dehors de cela, est-ce que même une société politique démocratique, unie est possible? J’en doute.
Les Bruxellois par exemple, même certains Flamands d’entre eux, n’aiment pas qu’il y ait en quelque sorte deux sortes de nationalités (même si le mot n’est pas utilisé), sur le territoire de la même Région de Bruxelles, avec, comme certains l’ont dit, une “ethnicisation” de la vie publique. Les Wallons n’aiment pas non plus l’idée de Communauté française (cette institution est d’ailleurs peu populaire: toute la presse wallonne et francophone l’a souligné ce 18 avril), dans la mesure où leur quête d’autonomie n’est pas motivée par la défense du français (qui n’est en rien menacé en Wallonie), mais par la volonté de faire pays et de sauver la Wallonie de ses difficultés économiques.
La Communauté française de Belgique brouille tout
Qu’il y ait depuis si longtemps, pour gouverner le destin des Wallons, une Communauté se définissant en termes linguistiques est de nature à brouiller les enjeux et à rendre la dimension politique des choses au niveau wallon en quelque sorte énigmatique.
C’est la logique flamande, au demeurant, qui a fait que les Communautés ont été instituées et les Wallons ne le demandaient pas. Les Bruxellois, habitants de la capitale belge, pas plus, et étaient même opposés à la transformation de la Belgique en Etat fédéral. Assez normalement, dans un pays, les premiers à parler éventuellement d’autonomie ne peuvent être les habitants de sa capitale. Mais comme la Belgique est devenue de plus en plus fédérale, comme les Bruxellois forment, à l’instar des Flamands et des Wallons, une Région, une société distincte, ils veulent aussi, comme la déclaration de leur Président le souligne (avec le Président wallon), donner la priorité aux Régions sur les Communautés.
Les Flamands réagissent mal à cette initiative. Pourtant, si elle contredit effectivement la conception du fédéralisme belge chez les Flamands (qui, à la limite, tendraient à ne considérer en Belgique que les deux communautés de langue), elle n’est pas dirigée contre eux, du moins si l’on s’en tient au contexte belge. Il est vrai, comme on le disait ce soir au club de la presse de la RTBF ce vendredi au soir, que parler d’une coopération étroite des gouvernements wallon et bruxellois en général et en particulier dans les matières dites chez nous “communautaires” (l’enseignement et la culture), cela peut être aussi perçu comme une manière pour les Wallons et les Bruxellois de se garantir une issue au cas où la Belgique éclaterait et où la Flandre en viendrait à déclarer son indépendance.
Mais jusqu’à présent, il me semble surtout qu’un fédéralisme belge fondé sur trois Régions, d’ailleurs de plus en plus indépendantes, correspond aux attentes de la grande majorité des Bruxellois et des Wallons à qui la Flandre ne peut tout de même pas imposer une vision institutionnelle de la Belgique qui ne leur convient pas. Ceci dit, ni Rudy Demotte, ni Charles Picqué ne remettent en cause que les Flamands demeurent bien présents à Bruxelles, par le biais de leur Communauté linguistique qui est aussi le nom politique que la Flandre se donne (Communauté flamande), sur la base de la langue.
José Fontaine

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    22 avril 2008

    Cher Marc Authier,
    Une des éditions anciennes de l'Encyclopaedia universalis disait bien que le nationalisme ne va pas sans inquiétude ni angoisse. Je la cite pour que ma réponse ne soit pas trop subjective et exprime le mal de ceux qui ont mal à leur pays, d'où qu'ils soient. Si vous saviez à quel point la solitude dont vous parlez, beaucoup de mes amis militants wallons l'ont éprouvée aussi et de ce fait même, nous regardons souvent vers votre pays avec envie (nous le croyons infiniment plus vivant que le nôtre, plus destiné à être, plus grand, plus cohérent, plus visible dans le monde, plus assis, plus ancré, plus dynamique, plus attaché à la culture qui nous est commune, à la civilisation qui est la nôtre parce que perdu dans un continent si peu français etc.). Je vous le dis tout en devinant bien votre sentiment : un jour de 1963, je l'avais perçu au fond des yeux tristes d'un Québécois qui me parlait à l'Université de Louvain de son pays menacé de mort. Peut-être qu'aimer, c'est avoir peur que l'objet de notre amour rejoigne le néant.

  • Archives de Vigile Répondre

    20 avril 2008

    Assez amusant de parler d'une telle chose à une époque comme la nôtre. Ça n'a jamais été le cas au Québec. Est-ce clair ? Jamais jamais jamais. Mon père est d'origine canadienne-française. Il a marié une fille d'immigrant roumain et autrichien. J'ai des haitiens dans ma famille. J'ai de la famille avec des ancêtres amérindiens. La question ethnique n'a jamais voulu rien dire au Québec ou au Canada.
    Le mot race pure non plus n'a jamais eu de résonnance particulière au Québec. Par contre en Angleterre, et chez certains ultra-orthodoxes religieux du Moyen-Orient (certaines sectes musulmanes et sionnistes), ces valeurs dominaient par le passé. On s'en sert abondamment pour nous attaquer ces dernières années.On continuera toujours à nous parler de ce sujet. Ça ne fait pas partie de la question québécoise ou canadienne-française. Un pays comme les USA est admirable à ce compte. On ne se gêne pas pour intégrer les immigrants et personne ne traîte les Américains, les Canadiens, les Allemands, les Français, les Italiens de racistes. Nous oui. Nous n'avons pas le droit de faire comme les autres parce que nous sommes des "ethniques". Nous ne l'avons jamais étés.Nous sommes comme les autres ni pire ni meilleurs que les autres, avec nos défauts et nos qualités, avec nos bons coups et nos grosses erreurs. L'ethnicité est une notion vague et floue. La notion territoriale a l'avantage d'être plus généreuse et plus globale et nettement mieux définie.

  • Archives de Vigile Répondre

    20 avril 2008

    La loi 101,tellement décriée pour tout et pour rien, et littéralement démenbrée ces dernières années, était un exemple parfait de la bonne et saine démarche à faire pour redonner de la vigueur à la langue française en Amérique du Nord. La triste réalité c'est que le français en Amérique se meurt. Oui il se meurt et il sera mort dans 100 ans. Que pensez-vous qu'il arriverait si on réintroduisait le libre choix, même en 2008 ?
    Et même si la loi 101 demeure ? Ça ne changera rien.
    Regardez les chiffres en face. Essayons de faire un voyage dans le futur. Posons la question suivante ? A quoi ressemblera le Québec dans 100 ans dans le contexte actuel ?
    Réponse: Je ne pense pas que dans l'état actuel et le contexte actuel, on puisse entretenir d'espoir. On veut faire disparaître le français, mais en douceur. Ce qui reste en Amérique du Nord de culture française ne pèsera pas lourd dans 100 ans.
    Les données démographiques et les données sur les taux d'assimilation ne mentent pas. D'ici 50 ans, tout sera fini. Non un effacement plus ou moins consenti en douceur et le silence, le confort et l'indifférence et l'inconscience. Vous voulez savoir comment est de plus en plus perçu la pseudo-langue officielle du Canada et la langue officielle du Québec chez beaucoup de nos concitoyens ?
    Une langue étrangère même en 2008, une langue parmi tant d'autres, mais surtout pas une langue "sexy" et payante pour gagner son pain même au Québec ! Je ne pense pas que personne dans la francophonie puisse comprendre le contexte. On nous cache la situation actuelle à l'Office de la Langue Française et plus personne ne demande des comptes. Oui nous sommes une nation selon Stephen Harper, mais de plus en plus nous nous vidons de notre substance. On nous réserve à long terme le même sort au niveau culturel que l'Irlande et l'Ecosse.
    La Belgique n'est pas le Québec. Nous, nous sommes seuls, complèterment seuls. Voilà la différence. La Belgique qu'il s'agisse des Flandres ou de la Wallonie, ne disparaîtront pas sur le continent européen. Je pense que vous ne saississez pas la différence fondamentale. Notre survie en tant que minorité, a toujours été menacée et le sera probablement toujours. A ce compte je ne suis pas optimiste, mais pas du tout. Je m'en viens à penser que de toute manière, les Québécois se foutent éperduement de toutes ces questions. Pas surprenant que l'on soit à ce point déprimé, triste et suicidaire dans ce pays.

  • José Fontaine Répondre

    20 avril 2008

    Merci pour votre message...
    C'est une discussion difficile. Le nationalisme civique auquel vous assimilez un peu la position wallonne (ce n'est pas faux), n'exclut pas que la nation fédérée puisse se définir par la langue. Il n'y a pas d'objections (me semble-t-il), au fait que la nation civique impose une langue commune. D'une certaine façon, c'est même nécessaire parce que ce que le nationalisme civique craint comme la peste c'est la division des sociétés humaines que des communautés à l'infini viendraient fractionner de l'intérieur. Et de fait, une société qui n'aurait pas de langue commune est vouée à la division communautariste.
    Très modestement, j'ai surtout peut-être voulu montrer que la référence au territoire doit sans doute être fondamentale dans la ligne de la conception de l'Etat de droit qui comporte toujours un territoire, une population sur celui-ci et une autorité politique souveraine qui les administre.
    Il y a les grands principes et les réalités politiques. Par exemple la Flandre tout en souscrivant à l'idée de communauté (qui est un peu "ethnique"), n'entend nullement faire droit aux Flamands francophones, n'entend nullement donner une existence légale au français en Flandre. Et par ailleurs certains Wallons ou, du moins, certains Bruxellois francophones, considèrent quelque part que la Communauté française de Belgique s'étend à ces mêmes Flamands francophones.
    Dans le débat de ce dimanche matin à la RTBF, face à une ministre flamande qui défendait l'idée de communauté, le Président wallon a fait remarquer que si l'on part de cette idée communautaire, la Flandre devrait accepter de donner des droits aux Flamands francophones. Ce qui démontre bien que les intérêts politiques et les principes se mélangent souvent. Je veux bien reconnaître d'ailleurs tout de suite que la référence au territoire est ce qui permet à la Wallonie d'exister de manière distincte. Si réellement, la référence devait être seulement la langue, on ne pourrait plus parler que de Communauté française de Belgique, comptant une majorité de Wallons (3,4 millions), certes, mais aussi un million de Bruxellois et sans doute 3 à 400.000 Flamands francophones qui ne se reconnaissent pas dans la Wallonie.
    Amitiés également et merci de me lire,
    José Fontaine

  • David Poulin-Litvak Répondre

    19 avril 2008

    Je ne suis pas vraiment d'accord avec vous, quand vous dites que réduire une nation à sa langue, c'est la réduire à sa nature ethnique.
    Au Québec, justement, je crois que la notion de nation linguistique est appropriée. Le sentiment d'être Québécois est marqué par la langue. 95% des Anglais, comme on les appelle chez-nous, votent pour le PLQ (aujourd'hui, certains s'en distancent pour voter pour le Parti Vert du Québec, un parti crypyto-fédéraliste) et ont voté contre le référendum. Ils votent en bloc. En revanche, dans le paysage politique actuel, deux partis se partagent le vote francophone, et le parti des Anglais, lui, ne réussit plus qu'à attirer l'élite économique et quelques néo-colonisés ou des vieillards peureux. Quoiqu'il en soit, le fait d'être Québécois, intimement, est lié à la langue. Il faut donc distinguer entre le nationalisme ethnique, le nationalisme civique, que vous appelez territorial, et le nationalisme linguistique. Le premier est parent du nationalisme de race, ç'en est une dérive possible, le deuxième, lui, est formaliste, l'État peut importe qu'il colle ou non à la réalité nationale, est son fondement, tandis que le troisième, enfin, est fondé sur le principal vecteur culturel: la langue. C'est si vrai que dans la langue, justement, on homonymise les deux: les Français parlent français, les Anglais l'anglais, les Allemand l'allemand, etc.
    Bref, personnellement, je tente de distinguer les trois conceptions, et je conçois le nationalisme lingusitique comme plus inclusif que le nationalisme ethnique, tandis que le nationalisme civique, lui, est parfois trompeur, car il ne colle pas toujours à une réalité sociologique, comme l'est la nation québécoise. Est Québécois qui parle franquébécois.
    En revanche, il faut le noter, il y a une composante ethnique de la nation linguistique québécoise, mais la nation linguistique ne se réduit pas à cette composante. La nation linguistique englobe, un ensemble plus large, et, graduellement, par le fait de partager une langue, elle cimente le corps originel, la nation ethnique, avec les éléments qui, lentement, s'y greffent. La notion d'ethnie, il faut le dire, est une peu compliquée, pour moi, elle implique une dimension physique, presque, tandis que la nation civique, elle, est, par nature, juridique, tandis que la nation linguistique, elle, a un fondement culturel. Je sais cependant que la notion d'ethnie est parfois utilisée dans un sens culturel, mais disons qu'elle a, au moins dans le sens populaire du mot, des connotations racistes (Hitler et compagnie). C'est d'ailleurs une attaque des anglofédérocoloniaistes à l'égard des Québécois. Une attaque dont la réplique logique devrait être l'émergence d'une conception linguistique de la nation, sachant que celle-ci a un coeur ethnique, mais qu'elle ne s'y réduit pas, et que, justement, par la langue, l'instrument de la communication humaine, elle transcende cette ethnicité primaire pour se projeter à un niveau supérieur.
    Pour la petite histoire, au Québec, la conception avant 1995, et plus encore plus on remonte dans le temps, était ethno-linguistique, la langue et l'ethnie se fondaient en un tout uni, ensuite, après la fraude référendaire de 1995, le PQ a viré civique, ça faisait politically correct pour ce parti en voie d'embourgeoisisation, puis, enfin, avec la crise relative à l'immigration, ce qui en sortira, c'est une conception linguistique de la nation, seule capable de regrouper, sans tomber dans l'ethnicisme, ni se laisser tromper par le civicisme.
    L'un des premiers jalons de cette transformation, cette petite valse avant-arrière-avant de la nation québécoise, c'est la loi proposée par Lisée en 2007, une loi bâtarde, émasculée par le PQ, mais dont l'esprit, imparfait, était linguistique. C'était imparfait parce que Lisée ne proposait pas de remettre en question les droits politiques des Anglais (il voulait seulement conditionner l'obtention de la citoyenneté des nouveaux arrivants à la maîtrise du français), ces immigrants-conquérants de longue date qui refusent de s'intégrer, d'adopter la langue de la nation québécoise. Ils se croient chez-eux, en un sens, ils le sont, car ils nous ont conquis, mais la revanche est douce aux yeux du Reconquérant!
    Ethnique, civique, linguistique, tcha-tcha-tcha, puis, lorsque la nation linguistique se déploira, s'activera, prendra le pouvoir et en main son destin, elle occupera le territoire, et cette coïncidence langue-territoire, permettra de dire que la nation québécoise est devenue, enfin, civico-linguistique. L'appartenance à l'État et à la nation seront une seule et même chose. La grande danse du Québec se terminera sous les applaudissements de l'audistoire. Puis, nos descendants, eux, s'inspireront de nos luttes pour en mener d'autres. On nous oubliera un jour, mais pas, tant et aussi longtemps que le nom de Québec soit, pour un peuple et pour le monde, un pays.
    Amitiés.